14juillet 1998, la plus belle garden party. Un vent de folie souffle sur les jardins, emportant la foule, la France « Black Blanc Beur ». Et un et deux et trois-zéro, les bleus sont là . 4000 jeunes en t-shirts et jeans troués, sur les 5000 invités. T out le monde est là pour les champions du monde qui brandissent la coupe sous les yeux
Par Laurent P., Elodie D. Photos par Elodie D. PubliĂ© le 15 novembre 2019 Ă 18h36 Le Centre Pompidou accueille Christian Boltanski du 13 novembre 2019 au 16 mars 2020 pour une grande exposition, "Faire son temps". Une exposition Ă la symbolique puissante, qui questionne la vie, la mort et ce long chemin qu'est la vie ! L'art n'a aucune frontiĂšre... Le Centre Pompidou consacre une exposition au plasticien français Christian Boltanski du 13 novembre 2019 au 16 mars 2020. L'artiste ne veut pas parler de rĂ©trospective mais d'une Ćuvre Ă part, un cheminement dans ses Ćuvres avec une trame particuliĂšre la vie, ou plutĂŽt la mort. Ă lire aussiLes expositions d'aoĂ»t 2022 Ă Paris et en Ile-de-France Ă ne manquer sous aucun prĂ©texteQue faire ce week-end Ă Paris avec les enfants, ces 20 et 21 aoĂ»t 2022Les musĂ©es et monuments gratuits ce dimanche 4 septembre 2022 Ă Paris"Faire son temps" rĂ©unit 40 Ćuvres "sensible et corrosive", l'exposition questionne ce qui reste de nous aprĂšs la mort. Une photo, une vidĂ©o, des vĂȘtements, et nos restes, enfermĂ©s dans un cercueil ou une boĂźte... Et Ă cĂŽtĂ© de cela, l'environnement, immuable, avec ces champs de blĂ© et ses vagues qui viennent et reviennent Ă l'infini. Si Christian Boltanski semble macabre, il parle toujours avec humour et considĂšre que l'art est une façon d'explorer la question de la mĂ©moire nĂ©cessaire. Impossible de ne pas penser Ă la Shoah dans cette exposition, une obsession pour Boltanski. L'artiste est nĂ© en 1944 de parents juifs, et pose souvent la question de la survie. On est vite mal Ă l'aise et il est difficile de trouver une Ćuvre qui fasse sourire dans ce dĂ©dale. On se perd vite entre le Terril Grand-Hornu 2015, amas de vĂȘtements noirs, les FantĂŽmes de Varsovie 2001 et les Tombeaux 1996, et on pense qu'ils nous hanteront pendant des annĂ©es... Preuve que Christian Boltanski a rĂ©ussi son pari de la mĂ©moire !DĂ©couvrezPour l'amour de l'art : une autre histoire des Pompidou, le livre de Alain Pompidou et CĂ©sar Armand chez Plon sur Librest.com, Groupement de librairies indĂ©pendantes du Grand Paris . Librest, Groupement de librairies indĂ©pendantes du Grand Paris. En continuant dâutiliser notre site, vous acceptez que nous utilisions les cookies conformĂ©ment Ă notre Politique sur les RĂ©sumĂ©s La monarchie byzantine, monarchie absolue, de caractĂšre thĂ©ocratique, passait pour Ă©maner de Dieu mĂȘme, dâoĂč lâimportance prise Ă Byzance par les cĂ©rĂ©monies destinĂ©es Ă souligner la sacralitĂ© de lâempereur. Il existait nĂ©anmoins diverses parades rituelles visant Ă protĂ©ger le basileus contre la tentation de lâhybris, en lui rappelant la prĂ©caritĂ© du pouvoir et sa nĂ©cessaire soumission au Tout-Puissant rite du dĂ©couronnement, memento mori, conduites de dĂ©rision, mimesis Christou. Les miroirs des princes formulent dâidentiques mises en garde, en insistant sur lâhumaine fragilitĂ© de lâempereur, sur sa solidaritĂ© avec les autres hommes, et en valorisant par-dessus tout la vertu chrĂ©tienne dâhumilitĂ©. On peut y observer lâinfluence profonde exercĂ©e sur la pensĂ©e politique des Byzantins par le texte de la Bible, considĂ©rĂ©e au Moyen Ăge comme un rĂ©pertoire de modĂšles et dâantimodĂšles, permettant dâĂ©valuer lâhistoire du prĂ©sent, soumis Ă une interprĂ©tation typologique, qui fait bien souvent de la dĂ©mesure la ligne de partage entre bons et mĂ©chants. Byzantine monarchy may be defined as an autocracy of theocratic origin the basileus was considered as Godâs representative â hence the part ceremonial played in underlining the emperorâs sacred character. Nevertheless, several rituals existed in Byzantium to protect the basileus from hubris â rituals that reminded him of the transitory character of power and of his necessary subservience to the Almighty uncrowning rite, memento mori, derision practices, mimesis Christou. The mirrors of princes express similar admonishing they insist upon the emperorâs human frailty and solidarity with other men, and put emphasis on the Christian virtue of humility. These texts show how much Byzantine political theory was influenced by Holy Scripture the Bible was read as a repertory of models and counter-examples, with which contemporary events were to be compared, according to a typological interpretation of history, prone to see hubris as the main dividing criterion between good and bad de page Texte intĂ©gral 1 Shakespeare, Richard II, III, 2, v. 156-166 Teyssandier 1997. Car dans le cercle creux de la couronneQui ceint les tempes mortelles dâun roi,La Mort tient sa cour ; câest lĂ quâelle trĂŽne en bouffon,Raille sa majestĂ©, ricane de sa pompe,Lui alloue, un instant, une petite scĂšnePour jouer au monarque, se faire redouterEt tuer du regard ; lâemplit de vaine suffisance,Comme si cette chair, rempart de notre vie,FĂ»t dâimprenable airain ; puis, ayant satisfait ses caprices,Elle vient pour finir, dâune petite Ă©pingle,Transpercer le rempart de son chĂąteau ; et adieu, roi1 ! 1Dans son Ă©tude sur le suicide, le sociologue Ămile Durkheim, constatant la singuliĂšre immunitĂ© » dont les pays pauvres jouissent en ce domaine, explique cette particularitĂ© par le frein que la pauvretĂ© impose aux dĂ©sirs, tandis que 2 Durkheim 1990, 282 texte commentĂ© par Demont 2006, 354-355. la richesse, par les pouvoirs quâelle nous confĂšre, nous donne lâillusion que nous ne relevons que de nous-mĂȘmes. En diminuant la rĂ©sistance que nous opposent les choses, elle nous induit Ă croire quâelles peuvent ĂȘtre indĂ©finiment vaincues. Or, moins on se sent limitĂ©, plus toute limitation paraĂźt insupportable2. On pourrait certes appliquer la mĂȘme analyse au pouvoir, car celui-ci inspire aisĂ©ment Ă celui qui lâexerce un sentiment de toute-puissance propice Ă la dĂ©mesure. Les Anciens Ă©taient bien conscients de ce danger, inhĂ©rent Ă lâexercice de la domination sur autrui. Dans son fameux dĂ©bat sur les constitutions, HĂ©rodote fait dire Ă OtanĂšs, adversaire du rĂ©gime monarchique Comment la monarchie serait-elle chose bien ordonnĂ©e, quand il lui est permis, sans avoir de comptes Ă rendre, de faire ce quâelle veut ? Le meilleur de tous les hommes, investi de cette autoritĂ©, serait en effet mis hors de ses pensers accoutumĂ©s. Les biens dont il jouit font naĂźtre en lui lâinsolence áœÎČÏÎč, et dĂšs lâorigine lâenvie est innĂ©e chez lâhomme. Ayant ces deux vices, le monarque a en lui toute mĂ©chancetĂ© gorgĂ© dâinsolence áœÎČÏÎč, il commet beaucoup dâactes follement orgueilleux ; et gorgĂ© dâenvie, pareillement 3, 80. 3 Platon, Lois, 4, 713 c-d. Julien cite et commente longuement ce passage de Platon dans lâĂp ... 4 Affirmation similaire dans lâopuscule Ă un chef mal Ă©duquĂ©, 6 Le vice, dont la course e ... 5 Dion Chrysostome, Or. 57 Nestor, 6-8 Agamemnon et Achille ont pĂ©chĂ© par insolence ÎŽÎč Ì ... Dans les Lois, Platon reprend la mĂȘme idĂ©e au sein dâun dĂ©veloppement mythique consacrĂ© au rĂšgne de Kronos si celui-ci dĂ©cida de placer Ă la tĂȘte des citĂ©s, Ă titre de rois et de chefs », non pas des hommes, mais des dĂ©mons, ĂȘtres dâune espĂšce plus divine et meilleure », câest parce quâil savait quâaucune nature dâhomme nâest capable dâadministrer souverainement toutes les affaires humaines sans sâemplir de dĂ©mesure et dâinjustice áœÎČÏΔ Îșα᜶ áŒÎŽÎčÎș᜷α »3. On pourrait, sur ce sujet, multiplier les citations ; je me limiterai Ă deux autres exemples, tirĂ©s dâauteurs de lâĂ©poque impĂ©riale qui furent personnellement tĂ©moins des dĂ©rives du pouvoir monarchique, puisquâils vĂ©curent les annĂ©es Domitien » Plutarque, qui, dans sa Vie de Sylla, voit dans lâexercice du pouvoir absolu une cause dâaltĂ©ration des caractĂšres, qui deviennent inconstants, vaniteux et inhumains » 30, 64, et Dion Chrysostome, chez qui lâhybris nĂ©e dâun trop grand pouvoir sâincarne en la figure dâAgamemnon, prĂ©sentĂ© Ă plusieurs reprises comme un homme Ă qui la puissance a fait perdre sagesse et mesure5. Byzance, patrie de lâabsolutisme 2On pourrait craindre que ces sages mises en garde, si souvent rĂ©pĂ©tĂ©es par les auteurs anciens, nâaient Ă©tĂ© oubliĂ©es Ă Byzance, oĂč rĂ©gnĂšrent pendant plus de douze siĂšcles des monarques sans partage. Câest de toute Ă©vidence ce que pensait Voltaire, qui fit reprĂ©senter en 1778 une tragĂ©die byzantine intitulĂ©e IrĂšne, dont lâintrigue, situĂ©e au XIe siĂšcle, raconte lâinsurrection dirigĂ©e par Alexis ComnĂšne contre lâempereur NicĂ©phore III BotaniatĂšs 1078-1081, dĂ©peint sous les traits dâun tyran tĂ©nĂ©breux », dâun despote dâesclaves entourĂ© », pur produit dâun systĂšme politique pervers, comme le laissent entendre les protestations de lâun des conjurĂ©s 6 Acte II, scĂšne 3, Ă©d. de Paris 1877, 350. Texte prĂ©sentĂ© par Delouis 2003, 104-105. Tant ce palais funeste a produit lâhabitudeEt de la barbarie et de la servitude !Tant sur leur trĂŽne affreux nos cĂ©sars chancelantsPensent rĂ©gner sans lois, et parler en sultans6 ! 7 Cf. Barker 1957, 28-29. Dans la Novelle 105, 2, en affirmant que Dieu a subordonnĂ© ... 3Si la critique est sĂ©vĂšre, elle nâest pas dĂ©pourvue de fondement la monarchie byzantine Ă©tait en effet une monarchie absolue, ignorant tout Ă©quilibre des pouvoirs politiques. Lâempereur cumulait pouvoir exĂ©cutif, lĂ©gislatif et judiciaire, tous concentrĂ©s en sa seule personne câest lui qui faisait la loi, Ă©tait lâinstance suprĂȘme en matiĂšre de justice, et contrĂŽlait lâadministration ; il nâavait de comptes Ă rendre Ă aucune autre instance politique ; il nây avait donc, en thĂ©orie, rien quâil ne fĂ»t autorisĂ© Ă faire7. 8 Voir Guilland 1959. 9 NicĂ©tas ChoniatĂšs, Historia rĂšgne dâIsaac Ier Ange, van Dieten 1975, 366 áŒÎœ ... 10 EusĂšbe de CĂ©sarĂ©e, Louanges de Constantin, 1, 3 Celui qui est pour nous le grand roi ... 4Cette suprĂ©matie politique absolue accordĂ©e Ă lâempereur tenait au caractĂšre thĂ©ocratique de la monarchie byzantine le basileus exerçait en effet un pouvoir de droit divin8 ; censĂ© tenir la royautĂ© de Dieu mĂȘme, il Ă©tait considĂ©rĂ© comme lâĂ©lu du Tout-Puissant, son homme de confiance il rĂ©gnait et gouvernait sous la protection du TrĂšs Haut, ses dĂ©cisions passaient pour exprimer la volontĂ© divine, et lâon disait ses lettres signĂ©es de la main de Dieu »9. EusĂšbe de CĂ©sarĂ©e, premier thĂ©oricien dâune doctrine thĂ©ocratique qui a dominĂ© toute lâhistoire de Byzance, prĂ©sente le pouvoir de lâempereur terrestre comme une image de la royautĂ© du Logos le Christ, lui-mĂȘme vicaire du grand roi » Dieu, qui rĂšgne, mais ne gouverne pas ; les vertus de lâempereur sont, par consĂ©quent, une imitation des vertus du Logos, et lâempire terrestre est Ă considĂ©rer comme une image du royaume des cieux10. 11 Cf. Guilland 1959, 218. Lâiconographie du pouvoir reflĂšte elle aussi cette idĂ©o ... 5Dans ses acclamations, le peuple rappelle Ă chaque instant lâorigine divine du pouvoir impĂ©rial lâempereur est qualifiĂ© de basileus promu par Dieu » ΞΔοÏÏáœčÎČληο, proche de Dieu » áŒÎłÏáœ·ÎžÎ”Îż, de choix de la TrinitĂ© », dâ homme divin et supĂ©rieur aux hommes » ΞΔáżÎż Îșα᜶ áœÏáœČÏ áŒÎœÎžÏ᜜ÏΜ áŒÎœÎžÏÏÎż11. Entre autres formules rituelles consignĂ©es, au Xe siĂšcle, dans le Livre des CĂ©rĂ©monies, on peut lire 12 Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, CĂ©r. I, 9 Vogt 1935, 55. Vous avez Ă©tĂ© couronnĂ©s par lâEsprit Saint, ĂŽ souverains des Romains, et en lui vous conduisez votre peuple12 ; 13 Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, CĂ©r. I, 74 Vogt 1939, 102. En vos mains aujourdâhui ayant remis le pouvoir, Dieu vous a confirmĂ© autokrator souverain, et le grand archistratĂšge Ă©tant descendu du ciel a ouvert devant votre face les portes de lâEmpire13 ; 14 Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, CĂ©r. 1, 78 Vogt 1939, 130-131. Votre puissance, amis du Christ, bienfaiteurs promus par Dieu, brille dâun Ă©clat qui vient vraiment de Dieu, et non des hommes14. 15 Sur lâimportance de la notion dâ ordre » dans lâidĂ©ologie byzantine, voir Ahrweiler 1975 ... 16 Denys lâArĂ©opagyte, HiĂ©rarchie cĂ©leste, 3, 1-2 Roques, Heil & de Candillac 1958. 6La sacralitĂ© de lâinstitution impĂ©riale et de son titulaire faisait lâobjet dâune mise en scĂšne de tous les instants, dont le cĂ©rĂ©monial nous a Ă©tĂ© mĂ©ticuleusement transmis par le Livre des CĂ©rĂ©monies. Lâempereur Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, auteur de cette compilation, exprime dans sa prĂ©face le souhait que le pouvoir impĂ©rial, en sâexerçant avec rĂ©gularitĂ© et ordre áż„Ï ÎžÎŒÍÍ Îșα᜶ ᜱΟΔÎč, reproduise le mouvement harmonieux áŒÏÎŒÎżÎœáœ·Î±Îœ Îșα᜶ Îș᜷ΜηÎčΜ que le CrĂ©ateur imprime Ă tout lâunivers15. Lâordre impĂ©rial est donc censĂ© reflĂ©ter lâordre cĂ©leste â thĂ©orie qui, dĂšs le VIe siĂšcle, avait Ă©tĂ© longuement dĂ©veloppĂ©e dans le traitĂ© sur la HiĂ©rarchie cĂ©leste du Pseudo-Denys lâArĂ©opagite posant lâexistence dâune continuitĂ© entre hiĂ©rarchie terrestre et hiĂ©rarchie cĂ©leste, lâauteur y qualifiait la hiĂ©rarchie dâ ordre sacrĂ© » ᜱΟÎč ጱΔÏᜱ, sâĂ©levant Ă la mesure de ses forces vers lâimitation de Dieu » ᜞ ÎžÎ”ÎżÎŒáœ·ÎŒÎ·ÎżÎœ, de maniĂšre Ă offrir lâimage de la splendeur thĂ©archique »16. 17 Treitinger 1938, 49-123. TĂ©moin de cette formalisation des rituels, dont la mis ... 18 Dagron 2002, 30. Aux Xe-XIe siĂšcles encore, le mutisme de lâempereur est presque absolu l ... 7ConsĂ©quence de cette thĂ©orie les apparitions publiques du basileus sont conçues comme de vĂ©ritables Ă©piphanies, destinĂ©es Ă manifester lâĂ©clat de la puissance divine dont le souverain tient son pouvoir. Tout est fait pour contribuer Ă ce quâOtto Treitinger qualifie dâAbsonderung, de sĂ©paration, de mise Ă part du souverain17 la splendeur du costume impĂ©rial, seul Ă utiliser la couleur rouge, le caractĂšre hiĂ©ratique des cĂ©rĂ©monies oĂč les moindres gestes sont codifiĂ©s, la pratique de la proskynĂšse aux pieds de lâempereur qui, lors des rĂ©ceptions au palais, siĂšge sur un trĂŽne surĂ©levĂ© sur une estrade, le silence gardĂ© par le souverain, qui sâexprime le plus souvent par un signe de tĂȘte Ă peine perceptible, ou par lâintermĂ©diaire dâun mandator, comme si son corps Ă©tait prĂ©sent, mais son esprit dans une autre sphĂšre autant dâĂ©lĂ©ments concourant Ă isoler le basileus du monde humain par des limites symboliques qui le placent en dehors de tout contact18. 19 Cf. Guilland 1959. 8On pourrait donc avoir lâimpression quâĂ Byzance, lâhybris est inscrite jusque dans la mise en scĂšne du pouvoir impĂ©rial. Mais la thĂ©orie de la thĂ©ocratie porte en elle-mĂȘme son propre garde-fou car lâĂ©lection divine nâest jamais dĂ©finitivement acquise, et lâempereur choisi par Dieu est un empereur placĂ©, pour ainsi dire, sous haute surveillance, le pouvoir ne lui Ă©tant garanti que sâil observe la volontĂ© divine ; dans le cas contraire, Dieu lui retire son soutien et ses pouvoirs deviennent caducs19. Ainsi la religion joue-t-elle Ă Byzance le rĂŽle de contre-pouvoir elle exerce une fonction modĂ©ratrice, que suggĂ©rait trĂšs clairement la prĂ©sence dans la salle de rĂ©ception du palais impĂ©rial, le Chrysotriclinos, dâune icĂŽne du Christ au-dessus du trĂŽne. Au sein mĂȘme du cĂ©rĂ©monial Ă©taient dâailleurs inscrites diverses parades rituelles contre la dĂ©mesure, qui avaient pour fonction de rappeler au basileus le sens et les limites de sa mission sur terre. Parades rituelles contre la dĂ©mesure Le rite du dĂ©couronnement 20 Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, CĂ©r. 1, 47 Vogt 1939, 2. 21 Cf. Guilland 1966-1967, 258. 22 Voir par exemple CĂ©r. 1, 1 Vogt 1935, 10-11 et 26 procession Ă la Grande Ăglise ; 1 ... 23 Dagron 1996, 104, 116. 24 Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, CĂ©r. 1, 69 Vogt 1939, 84-85. 9Je passerai rapidement sur un rite dont lâĂ©tude est au cĆur du beau livre, Empereur et prĂȘtre, que Gilbert Dagron a consacrĂ© aux relations complexes des pouvoirs politique et religieux Ă Byzance je veux parler du rite du dĂ©couronnement. Empereur Ă©lu de Dieu », câest du patriarche que le basileus reçoit sa couronne lors des cĂ©rĂ©monies de lâavĂšnement, comme nous le rappelle le Livre des CĂ©rĂ©monies, oĂč lâon voit le patriarche faire la priĂšre sur la couronne du souverain, avant de la lui placer personnellement sur la tĂȘte20 ; le patriarche Ă©tait dâailleurs le seul personnage de lâEmpire Ă ne pas rendre Ă lâempereur les honneurs de la proskynĂšse il saluait simplement le basileus, qui lui rendait son salut et lui donnait lâaccolade21. DĂ©signĂ© dĂšs son accession au pouvoir comme fils de lâĂglise, lâempereur, pendant toute la durĂ©e de son rĂšgne, sera tenu, lors des multiples cĂ©rĂ©monies religieuses qui vont scander son existence officielle, de retirer sa couronne, Ă chaque entrĂ©e dans un lieu saint, et notamment Ă Sainte-Sophie, la Grande Ăglise22 â signe que dans la maison de Dieu, le pouvoir ne lui appartient plus ; cette couronne quâil retire pour attester sa soumission au pouvoir spirituel, le basileus la reçoit Ă nouveau, des mains du patriarche, lorsquâil quitte lâĂ©glise, reconnaissant, par ce geste rituel, que la souverainetĂ© ne lui est que prĂȘtĂ©e la basileia pleine et entiĂšre appartient Ă Dieu seul, qui la dĂ©lĂšgue provisoirement Ă un homme choisi par lui »23. Lâempereur byzantin nâemporte dâailleurs pas dans la tombe lâinsigne de la royautĂ© le protocole des funĂ©railles impĂ©riales veut que le maĂźtre des cĂ©rĂ©monies, au moment oĂč le corps du souverain dĂ©funt va ĂȘtre mis en biĂšre, remplace sa couronne par un simple bandeau de pourpre â geste accompagnĂ© de cette triple proclamation Entre, empereur, le Roi des Rois et le Seigneur des Seigneurs tâappelle. DĂ©pose la couronne de ta tĂȘte »24. Lâakakia 25 Sur lâakakia, voir Treitinger 1938, 117 ; Kazhdan 1991. 26 Cf. CĂ©r. 1, 1 Vogt 1935, 20 tenue de lâempereur le jour de PĂąques ; 1, 9 Vogt 1935 ... 27 Cf. Underwood & Hawkins 1961, 195-196 et fig. 1 et 8. Lâakakia est Ă©galement figurĂ©e su ... 28 Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, CĂ©r. 2, 40 Reiske 1829, 638. Voir Dagron 1996, ... 29 Pseudo-Kodinos, TraitĂ© des offices, ch. IV, Verpeaux 1966, 201-202 CĂ©rĂ©monial des f ... 30 SymĂ©on de Thessalonique, De sancto templo, ch. 148, PG, 155, col. 356 ⊠ᜎΜ áŒÎșαÎș᜷αΜ, ... 10Parmi les emblĂšmes du pouvoir impĂ©rial, il en est un tout spĂ©cialement destinĂ© Ă rappeler au basileus le caractĂšre prĂ©caire de la souverainetĂ© Ă cĂŽtĂ© du globe, symbole de domination universelle lâempereur byzantin est rĂ©putĂ© maĂźtre du monde », kosmokrator, Ă cĂŽtĂ© du sceptre, insigne dâautoritĂ©, Ă cĂŽtĂ© de la croix, marque de la protection divine dont bĂ©nĂ©ficie le souverain, apparaĂźt en effet un curieux rouleau de pourpre, dit akakia ou anexikakia, que lâempereur tient Ă la main en certaines circonstances solennelles25 il est question de cet objet en plusieurs passages du Livre des CĂ©rĂ©monies26, et divers portraits impĂ©riaux nous en offrent lâillustration â notamment le cĂ©lĂšbre portrait en mosaĂŻque de lâĂ©phĂ©mĂšre empereur Alexandre 912-913, qui orne lâune des galeries de lâĂ©glise Sainte-Sophie27. Un passage du Livre des CĂ©rĂ©monies, oĂč il est question du costume dâapparat portĂ© par lâempereur et ses dignitaires Ă lâoccasion des fĂȘtes de PĂąques, parle de lâakakia comme dâun tome » áŒÎœÎ”ΟÎčÎșαÎș᜷α áœčÎŒÎżÏ oĂč est inscrite la lĂ©gislation du salut » ᜎΜ ηÏÎč᜜Ύη ÎœÎżÎŒÎżÎžÎ”áœ·Î±Îœ â formule qui, selon Gilbert Dagron, ferait rĂ©fĂ©rence aux prĂ©ceptes Ă©vangĂ©liques inscrits sur un rouleau »28. Mais le tĂ©moignage de deux auteurs tardifs des XIVe et XVe siĂšcles invite Ă prendre plutĂŽt la formule du PorphyrogĂ©nĂšte en un sens figurĂ© dâaprĂšs le TraitĂ© des offices du Pseudo-Kodinos, ouvrage composĂ© par un haut dignitaire qui appartenait Ă lâentourage de Jean VI CantacuzĂšne 1347-1354, lâakakia est un sachet de pourpre en forme de rouleau de parchemin contenant de la terre, marque que lâempereur est humble en tant que mortel, et que la majestĂ© de la royautĂ© ne doit pas le rendre vaniteux et orgueilleux » ; ce sachet pourpre est nouĂ© par un mouchoir, symbole de lâinstabilitĂ© de la royautĂ© qui passe de lâun Ă lâautre »29. Ă cette description trĂšs prĂ©cise fait Ă©cho celle de SymĂ©on, mĂ©tropolite de Thessalonique â 1429, qui dĂ©finit plus briĂšvement lâakakia comme de la poussiĂšre dans un mouchoir, pour signifier le caractĂšre pĂ©rissable du pouvoir et lâhumilitĂ© que doit en Ă©prouver [lâempereur] »30. Memento mori 31 LĂ©ontios de NĂ©apolis, Vie de Jean de Chypre, chap. 17, FestugiĂšre & Ryden 1974, 365 te ... 11La prĂ©sence de lâakakia parmi les attributs du pouvoir impĂ©rial montre quâĂ Byzance, la vanitĂ© des gloires de ce monde Ă©tait inscrite au cĆur mĂȘme du cĂ©rĂ©monial. Le caractĂšre Ă©phĂ©mĂšre de toute puissance humaine Ă©tait dâailleurs rappelĂ© aux empereurs byzantins dĂšs leur avĂšnement, puisque la coutume voulait que les constructeurs de la tombe impĂ©riale se prĂ©sentent au nouveau souverain le jour mĂȘme de son couronnement, pour lui demander en quel marbre il souhaitait voir exĂ©cuter son tombeau, lui adressant ainsi une mise en garde que LĂ©ontios de NĂ©apolis, dans sa Vie de Jean de Chypre, dit lâAumĂŽnier, patriarche dâAlexandrie 610-619, interprĂšte en ces termes En tant quâhomme mortel et qui passe, prends soin de ton Ăąme et gouverne avec piĂ©tĂ© ton empire »31. 32 Cf. Vasiliev 1932, 159. 33 Sur les cĂ©rĂ©monies du triomphe, voir Cagnat 1919 ; Ehlers 1939 ; Versnel 1970 ; Scheid ... 34 Cf. Pline, NH, 33, 111 ; Tite-Live, 10, 7, 10. 35 Pline, NH, 28, 39 lâeffigie du dieu Fascinus est suspendue sous le char des triomphat ... 36 ĂpictĂšte, Entretiens, 3, 24, 85 Fais obstacle Ă ton imagination Ă la maniĂšre de c ... 12Un auteur arabe nommĂ© Haroun ibn Yayah, qui fut prisonnier Ă Constantinople au tournant des IXe et Xe siĂšcles, nous a conservĂ© le souvenir dâune autre cĂ©rĂ©monie Ă lâoccasion de laquelle lâempereur byzantin Ă©tait soumis Ă un insistant Memento mori il sâagit de la procession des Cendres, Ă lâoccasion de laquelle ibn Yayah vit le basileus se rendre, Ă pied, jusquâĂ la Grande Ăglise, tandis que le ministre du culte lui rappelait tous les deux pas ÎáœłÎŒÎœÎ·ÎžÎ” ÎżáżŠÍ ÎžÎ±Îœáœ±ÎżÏ ; alors, raconte ibn Yayah, le souverain sâarrĂȘtait, regardait la poussiĂšre contenue dans son akakia, lâembrassait et pleurait32. La coutume ainsi Ă©voquĂ©e rappelle curieusement un usage attestĂ© Ă Rome lors des cĂ©rĂ©monies du triomphe33, oĂč le triomphateur, bien quâil fĂ»t pour ainsi dire transformĂ© en statue vivante de Jupiter, au point de porter la tunique et les ornements du dieu et dâarborer un visage enduit de minium comme celui des statues de culte34, nâen Ă©tait pas moins flanquĂ© dâun esclave qui, tout en soutenant la couronne dâor de Jupiter, trop lourde pour une tĂȘte dâhomme, rĂ©pĂ©tait au triomphateur, chaque fois que le peuple poussait des acclamations en son honneur, Respice post te, hominem te esse memento » â coutume mentionnĂ©e par divers auteurs latins Pline, Tertullien, saint JĂ©rĂŽme, Isidore de SĂ©ville35 et grecs ĂpictĂšte, Dion Cassius36. Il est possible, comme le pensent certains commentateurs modernes, que cet usage ait eu une fonction apotropaĂŻque et ait Ă©tĂ© destinĂ© Ă dĂ©tourner du triomphateur la jalousie des dieux, au mĂȘme titre que la bulla et les diverses amulettes quâil portait sur lui, mais les mises en garde de lâesclave nâen possĂ©daient pas moins une portĂ©e didactique, puisquâelles visaient Ă prĂ©munir le triomphateur contre la superbia, au moment mĂȘme oĂč il jouait le rĂŽle du dieu. Les tensions caractĂ©ristiques du triomphe romain, dont le hĂ©ros se trouvait simultanĂ©ment assimilĂ© Ă Jupiter et soumis au rappel de son humaine faiblesse, se retrouvent Ă Byzance, transposĂ©es dans le cadre chrĂ©tien de la cĂ©rĂ©monie des Cendres, en la personne du basileus, Ă la fois simple mortel et image de la gloire de Dieu. Conduites de dĂ©rision 37 Cf. SuĂ©tone, CĂ©sar, 49 ; Denys dâHalicarnasse, AR, 7, 72, 11. 38 SĂ©minaire du 3 octobre 1996 CollĂšge de France. 39 Choricios de Gaza, Îáœčγο áœÏáœČÏ Îœ áŒÎœ ÎÎčÎżÎœáœ»ÎżÏ áœžÎœ ÎČáœ·ÎżÎœ ΔጰÎșÎżÎœÎčζáœčΜΜ, 119-12 ... 13Toujours Ă lâoccasion des cĂ©rĂ©monies du triomphe, le gĂ©nĂ©ral romain victorieux processionnait au milieu des acclamations⊠et des quolibets, destinĂ©s, comme le Respice post te », Ă dĂ©tourner de lui puissances mauvaises et tentation de lâhybris37. Il semble que Byzance ait connu des pratiques de dĂ©rision analogues, dans le cadre de lâhippodrome, lieu de haute souverainetĂ© », selon la formule de Gilbert Dagron38. De fait, un lien organique unissait Ă Byzance courses de lâhippodrome et idĂ©ologie impĂ©riale les victoires remportĂ©es par les cochers Ă©taient dĂ©diĂ©es au souverain, censĂ© participer symboliquement au triomphe de lâĂ©quipe gagnante, et le rituel de la compĂ©tition avait pour but ultime dâexalter la puissance de lâempereur, en mettant en scĂšne lâun des articles fondamentaux de lâidĂ©ologie monarchique, le don de victoire perpĂ©tuelle du souverain. Les courses de char constituaient donc une piĂšce maĂźtresse du culte impĂ©rial. Or il semble que ces festivitĂ©s aient aussi servi de cadre aux plaisanteries bouffonnes, dont Choricios de Gaza, dans son Apologie des mimes, souligne lâutilitĂ© politique parce quâil est permis aux mimes de railler sans crainte », ils rappellent opportunĂ©ment les dirigeants Ă la modĂ©ration áŒÏÏÎżÎœÎ±âŠ ÏÏÎżÎœáœ·Î¶ÎżÎœÎ”, alors que les amis des princes reculent devant la majestĂ© du pouvoir » ᜞Μ áœÎłÎșÎżÎœ áœÏÎżáœłÎ»Î»ÎżÎœÎ±Îč áż áŒÎŸÎżÏ ᜷α39. 14Le RĂ©cit sur la construction du temple de la Grande Ăglise de Dieu nommĂ©e Sainte-Sophie, Ćuvre anonyme du Xe siĂšcle, fait par ailleurs allusion Ă un rite de dĂ©rision, apparemment encore en usage Ă cette Ă©poque Ă lâhippodrome de Constantinople. Ce rite aurait eu pour origine les dĂ©mĂȘlĂ©s de lâempereur Justinien, fondateur de Sainte-Sophie, avec un dĂ©nommĂ© XĂ©nophon, que Justinien voulait exproprier pour pouvoir construire la Grande Ăglise le personnage finit par cĂ©der Ă la demande de lâempereur, mais exigea en contrepartie que pendant la sĂ©ance de lâhippodrome oĂč cela [la vente ?] se produirait, les quatre cochers lui rendissent les honneurs en se prosternant devant lui » ; lâempereur accepta sa requĂȘte et en maniĂšre de plaisanterie », dĂ©cida de pĂ©renniser la cĂ©rĂ©monie 40 RĂ©cit sur la construction du temple de la Grande Ăglise, 5 Preger 1901, 80 ; ... Les jours de dĂ©part , notre homme devait sâasseoir au beau milieu des barriĂšres de dĂ©part, et les cochers devaient se prosterner pour rire devant son postĂ©rieur avant de monter sur leurs chars. Cela dure jusquâĂ nos jours câest celui quâon appelle lâarchonte des puissances infernales ; il est vĂȘtu dâune chlamyde blanche tissĂ©e en lin trĂšs fin40. 41 Cf. Dagron 1984, 222. Cette anecdote, caractĂ©ristique du folklore urbain de Constantinople, nous fait assister Ă un Ă©pisode de proskynĂšse dĂ©voyĂ©e, oĂč le postĂ©rieur dâun homme du peuple se substitue irrĂ©vĂ©rencieusement Ă la face rayonnante de lâempereur, Sol Oriens, en un renversement typiquement carnavalesque41. La cĂ©rĂ©monie du lavement des pieds 15Le dernier rituel dont je parlerai ici est dâune tonalitĂ© bien diffĂ©rente, puisquâil sâagit dâune pratique qui ressortit Ă la mimesis Christou. Le TraitĂ© des offices du Pseudo-Kodinos nous apprend quâĂ une date tardive il nâest pas question de cet usage chez Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, une cĂ©rĂ©monie du lavement des pieds » ΜÎčÏáœ”Ï se tenait au palais impĂ©rial, pendant la Semaine Sainte, avant la messe du Jeudi Saint le protagoniste en Ă©tait lâempereur lui-mĂȘme, qui rĂ©itĂ©rait, en cette occasion, le geste accompli par le Christ sur la personne de ses disciples le maĂźtre des cĂ©rĂ©monies tenait donc prĂȘts dâavance douze pauvres, revĂȘtus pour lâoccasion dâune chemise, dâun caleçon et de souliers » Un baquet est placĂ© dans la chambre de lâempereur », le protopapas fait lecture de lâĂvangile ; quand il prononce les mots Il verse de lâeau dans le bassin » Jean, 13, 5, lâempereur verse de lâeau dans le baquet. Puis on amĂšne un par un les pauvres tenus prĂȘts Ă lâavance et portant un cierge allumĂ© ; tour Ă tour, chacun dâeux sâassied, et le protopapas continue la lecture de lâĂvangile ; 42 Pseudo-Kodinos, TraitĂ© des offices, XII, Verpeaux 1966, 228-229. Sur cette cĂ©rĂ©monie, v ... il lit le passage JĂ©sus se mit Ă laver les pieds de ses disciples », cela plusieurs fois, jusquâĂ ce que tous aient Ă©tĂ© lavĂ©s ; lâempereur lave le pied droit de chacun et, ayant Ă©pongĂ© le pied lavĂ© avec un linge suspendu devant lui, il le baise. Ceci fait, la cĂ©rĂ©monie du lavement des pieds prend fin42. 43 Jean, 13, 16 Osty & Trinquet 1974. 44 Voir Grabar 1971, 200-201. Dans lâĂvangile de Jean, JĂ©sus explique en ces termes le sens dâun geste qui a scandalisĂ© les disciples, habituĂ©s Ă lâappeler MaĂźtre et Seigneur Lâesclave [autrement dit JĂ©sus lui-mĂȘme] nâest pas plus grand que son seigneur [Dieu], ni lâenvoyĂ© plus grand que celui qui lâa envoyĂ© »43. TransposĂ©e au basileus, la leçon du lavement des pieds est donc censĂ©e lui rappeler quâil ne doit pas, lui, esclave, se croire plus grand que Dieu. Sans doute la date dâapparition tardive de cette cĂ©rĂ©monie sâexplique-t-elle par la tendance quâont eue les Byzantins, dans les derniers siĂšcles de leur histoire, Ă associer plus Ă©troitement liturgie impĂ©riale » et offices religieux44 en ces temps difficiles, oĂč lâEmpire byzantin lutte, affaibli, pour sa survie, le contenu des rituels sâest appauvri, lâappareil dont sâentourait lâempereur a Ă©tĂ© beaucoup rĂ©duit, et lâaccent mis, dans une cĂ©rĂ©monie comme le lavement des pieds, sur la mimesis Christou va de pair avec une tendance croissante Ă souligner lâhumanitĂ© de lâempereur. Miroirs des princes 45 Cf. Hunger 1978, 157-165 ; Blum 1981. 46 Formule empruntĂ©e Ă Prinzing 1988. 47 LâEkthesis dâAgapet est destinĂ©e Ă Justinien 527-565, le Îáœčγο ÎœÎżÏ ÎžÎ”Î·ÎčÎș᜞ ÏÏ᜞ ÎČαÎčÎ»áœł ... 48 LâarchevĂȘque ThĂ©ophylacte de Bulgarie sâadresse Ă Constantin Doukas, fils de lâempereur M ... 49 Thomas Magister destine son miroir des princes au jeune Constantin, fils dâAndronic II Pa ... 50 Voir Anastasi 1976. 16Ă ces mises en garde ritualisĂ©es, intĂ©grĂ©es au cĂ©rĂ©monial, font Ă©cho les admonestations insistantes figurant dans les miroirs des princes, dont les Byzantins nous ont lĂ©guĂ© une riche collection45. Jâai choisi de limiter mon enquĂȘte Ă une douzaine de textes, qui furent composĂ©s entre le VIe et le XVe siĂšcle. Neuf dâentre eux sont de purs reprĂ©sentants dâun genre littĂ©raire dont le discours dâIsocrate Ă NicoclĂšs constitue le plus ancien exemple grec ; trois autres sont des miroirs des princes intĂ©grĂ©s »46, qui prennent place Ă lâintĂ©rieur dâouvrages plus vastes, rĂ©cit historique ThĂ©ophylacte SimokattĂšs, roman hagiographique Barlaam et Joasaph ou manuel de la vie chrĂ©tienne Thesaurus de ThĂ©ognostos. Ces textes sâadressent soit Ă des empereurs rĂ©gnants47, soit Ă de jeunes princes que leur naissance destine Ă exercer le pouvoir, et dont nos auteurs Ă©taient, parfois, les prĂ©cepteurs48. Chez ThĂ©ophylacte SimokattĂšs et dans Barlaam, les miroirs des princes intĂ©grĂ©s » prennent la forme de discours prononcĂ©s par des empereurs Ă lâadresse de leurs successeurs49 â mise en scĂšne que lâon retrouve dans la Parenesis ad Leonem filium, texte censĂ©ment adressĂ© par lâempereur Basile Ier 867-886 Ă son fils LĂ©on mais Ă©manant en fait dâun Ă©rudit proche du pouvoir ; Les Muses sont la mise en forme poĂ©tique des derniers conseils quâAlexis Ier ComnĂšne aurait adressĂ©s Ă son fils Jean, depuis son lit de mort ; composĂ© peut-ĂȘtre Ă partir de notes laissĂ©es par lâempereur dĂ©funt, le poĂšme se donne pour le testament spirituel dâAlexis50 ; enfin, nous possĂ©dons un miroir des princes Ă©manant, non plus fictivement, ou indirectement, mais bien rĂ©ellement et sans intermĂ©diaire, dâun empereur byzantin, Manuel II PalĂ©ologue 1391-1425, qui adresse Ă son fils Jean ses áżȘÏοΞáżÎșαÎč ÎČαÎčλÎčÎșáż ÏαÎčΎΔ᜷α â texte particuliĂšrement intĂ©ressant, puisquâil nous permet dâentrer dans les coulisses du pouvoir, et dâobserver comment un monarque investi de lâautoritĂ© absolue se met lui-mĂȘme en garde contre la dĂ©mesure Ă laquelle sa position lâexpose. 51 Sur la postĂ©ritĂ© dâAgapet, voir Sevcenko 1978. 52 Voir Sevcenko 1954. 53 Cf. Sevcenko 1954, 163-164. 54 Cf. Gautier 1980, 48. 55 Cf. Dujcev 1965, 117-118. 56 Ădition synoptique des deux textes par Hunger 1986. 17Si les textes que je viens dâĂ©voquer ne sont guĂšre connus aujourdâhui que dâune poignĂ©e de spĂ©cialistes, il nâen fut pas toujours ainsi, et certains ont mĂȘme bĂ©nĂ©ficiĂ©, pendant des siĂšcles, dâune grande popularitĂ©. Tel est le cas de lâEkthesis dâAgapet cet ouvrage, fort prisĂ© des Byzantins, a non seulement exercĂ© une influence considĂ©rable sur les miroirs des princes ultĂ©rieurs Pseudo-Basile, Barlaam, Manuel II et fourni de nombreux extraits Ă divers florilĂšges byzantins Pseudo-Maxime, Antoine Melissa, mais il a mĂȘme, apparemment, Ă©tĂ© utilisĂ© comme texte scolaire, dâoĂč la prĂ©sence frĂ©quente, dans la centaine de manuscrits oĂč il figure, de scolies grammaticales, lexicales, orthographiques et littĂ©raires51. La diffusion de lâEkthesis a dâailleurs largement dĂ©passĂ© les frontiĂšres de Byzance traduit en slave, dĂšs le Xe siĂšcle, le texte dâAgapet a bĂ©nĂ©ficiĂ© en Europe de lâEst dâune faveur exceptionnelle, et il exerça une profonde influence sur la propagande des princes moscovites, aux XVe et XVIe siĂšcles52. Ă la mĂȘme Ă©poque, lâEkthesis fit aussi lâobjet de traductions en latin, italien, français, anglais â traductions souvent dĂ©diĂ©es Ă des princes, Charles IX de France 1563, Mary Stuart 1564, Maximilien II 1569, pour ne citer que quelques exemples. Ă Louis XIII enfant, on fit lire et traduire une version latine du texte dâAgapet, moyen de perfectionner sa connaissance des langues anciennes tout en le prĂ©parant Ă son mĂ©tier de roi, et la traduction du prince, publiĂ©e en 1612 par son prĂ©cepteur, David Rivault, fut rééditĂ©e en 1649 Ă lâintention du jeune Louis XIV, en guise de manuel sur lâart de gouverner. Dâautres miroirs des princes byzantins ont connu un sort certes moins brillant que lâEkthesis, mais nĂ©anmoins fort estimable la Parenesis du Pseudo-Basile a, comme le traitĂ© dâAgapet, exercĂ© une influence importante sur la littĂ©rature politique moscovite au XVIe siĂšcle53 ; la Paideia BasilikĂȘ de ThĂ©ophylacte de Bulgarie fut dĂ©diĂ©e par son premier Ă©diteur Pierre Poussines au jeune Louis XIV, qui rĂ©gnait alors sous la rĂ©gence de sa mĂšre Anne dâAutriche54 ; la lettre de Photius au prince Michel de Bulgarie fut adaptĂ©e en vers français par le pĂšre thĂ©atin D. Bernard, Ă lâintention du roi Louis XV55 ; quant au Basilikos Andrias de NicĂ©phore BlemmydĂšs, texte composĂ© par son auteur Ă©rudit en style rhĂ©torique et obscur, il fit, au XIVe siĂšcle, lâobjet dâune paraphrase, rĂ©alisĂ©e par Georges GalĂ©siotĂšs et Georges OinaiotĂšs56 â clair indice de lâintĂ©rĂȘt attachĂ© Ă cette Ćuvre difficile, mise ainsi Ă la portĂ©e dâun plus grand cercle de lecteurs. 57 Cf. Hadot 1969. 58 Manuel II PalĂ©ologue, Praecepta, PG, 156, col. 317. 18On a accusĂ© bien souvent les miroirs des princes byzantins de manquer dâoriginalitĂ©, et de reproduire Ă satiĂ©tĂ© les idĂ©es de leurs modĂšles antiques â exaltation des vertus de justice et de tempĂ©rance, motif de la Ό᜷ΌηÎč ΞΔοῊ, importance accordĂ©e au choix des amis, mise en garde contre les flatteurs57⊠Sans doute nos traitĂ©s byzantins doivent-ils beaucoup Ă des auteurs comme Isocrate ou Platon, beaucoup aussi aux reprĂ©sentations du pouvoir forgĂ©es Ă lâĂ©poque alexandrine dans lâentourage des monarques hellĂ©nistiques, et diffusĂ©es ensuite par les auteurs de lâĂ©poque impĂ©riale, mais ils sâefforcent de concilier cet hĂ©ritage ancien avec celui de la Bible, pour Ă©laborer le portrait idĂ©al dâun prince chrĂ©tien. Les lectures conseillĂ©es par le Pseudo-Basile Ă son royal interlocuteur comprennent le Livre de Salomon, le Siracide et Isocrate ch. 66 ; lâempereur Manuel II avoue pour sa part sâĂȘtre inspirĂ©, pour composer ses Praecepta, de nombreux auteurs anciens Dion, Isocrate, et bien dâautres », mais en les complĂ©tant par des emprunts Ă des hommes plus divins » i. e chrĂ©tiens58 ; et dans lâEkthesis dâAgapet, oĂč lâempreinte chrĂ©tienne est particuliĂšrement forte, prĂšs de vingt-quatre chapitres environ un tiers de lâouvrage traitent des relations de lâempereur et de Dieu. Un empereur de terre et de cendre » Îłáż Îșα᜶ ÏοΎáœč 59 Isocrate, Ă NicoclĂšs, 37. 60 Ap. StobĂ©e, 6, 22 Delatte 1942, 26 texte grec et 47 traduction. Delatte place la ... 61 Le poids des modĂšles antiques est particuliĂšrement sensible dans le dĂ©veloppement oĂč Th ... 19Parmi les thĂšmes nouveaux figurant dans les miroirs des princes byzantins, on note la prĂ©sence dâun insistant Memento mori, ressassĂ© dâauteur en auteur, alors que ce motif, lorsquâil apparaĂźt dans les Ćuvres antiques, nây est jamais quâĂ©bauchĂ©. Ă peine Isocrate a-t-il rappelĂ© Ă NicoclĂšs Ne perds pas de vue que toute ta personne se dissout avec toi », quâil ajoute, comme sâil voulait attĂ©nuer lâamertume du propos Mais puisque tu as obtenu du sort un corps mortel ÎžÎœáœ”ÎżÏ áœœÎŒÎ±Îż, fais effort pour laisser de ton Ăąme un souvenir immortel áŒÎžáœ±ÎœÎ±ÎżÎœ ᜎΜ ΌΜ᜔ΌηΜ »59. Le nĂ©o-pythagoricien Ecphante admettait lui aussi, dans son traitĂ© Sur la royautĂ©, que le roi est semblable aux autres par la guenille ÎșáŸ¶ÎœÎż, attendu quâil fut fait de la mĂȘme matiĂšre », mais il nâen qualifiait pas moins le souverain dâ ĂȘtre plus divin, lâemportant dans la nature commune par son principe supĂ©rieur », parce quâ il fut fabriquĂ© par le meilleur artiste, qui le crĂ©a en se prenant lui-mĂȘme pour modĂšle »60. Sans doute nâest-ce donc pas un hasard si, dans le seul des traitĂ©s byzantins oĂč lâinfluence antique est prĂ©pondĂ©rante et lâempreinte chrĂ©tienne beaucoup plus discrĂšte, la Paideia BasilikĂȘ de ThĂ©ophylacte de Bulgarie, manque prĂ©cisĂ©ment le motif du Memento mori61. 62 Câest en raison mĂȘme de cette ambivalence que lâEkthesis a pu ĂȘtre exploitĂ©e au XVIe si ... 20Agapet parle assurĂ©ment, comme Isocrate ou Ecphante, de dualitĂ© du pouvoir62, lorsquâil affirme, dans lâun des plus cĂ©lĂšbres chapitres de son Ekthesis 63 Agapet, Ekthesis, ch. 21. Ce passage a Ă©tĂ© intĂ©gralement repris dans Barlaam pour carac ... Par la nature de son corps, le roi est lâĂ©gal de nâimporte quel homme ; par le pouvoir de sa dignitĂ©, il est pareil Ă Dieu, qui veille sur tous ; car il nây a sur terre personne qui soit plus Ă©levĂ© que lui. Comme Dieu, il doit donc ne pas se mettre en colĂšre et, comme mortel, ne pas sâexalter sâil a lâhonneur dâĂȘtre Ă lâimage de Dieu, il nâen est pas moins liĂ© aussi Ă lâimage de poussiĂšre ΔጰÎșáœčΜÎč ÏÎżÎčÎșáż, et celle-ci lui enseigne quâil est lâĂ©gal de tous63. Ailleurs dans lâEkthesis, Agapet reprend et amplifie toutefois le motif de lâ image de poussiĂšre », qui acquiert ainsi la prĂ©pondĂ©rance Que nul ne tire vanitĂ© de la noblesse de ses aĂŻeux car tous ont la boue ÏηλáœčΜ pour ancĂȘtre de leur race, ceux qui se glorifient dans la pourpre et la soie comme ceux qui se consument dans la pauvretĂ© et la maladie, ceux qui sont ceints du diadĂšme comme ceux qui sont rĂ©duits Ă implorer la charitĂ© ch. 4 ; La mort ne se laisse pas intimider par lâĂ©clat des dignitĂ©s sur tous elle porte ses dents voraces ch. 67 ; MĂȘme sâil exerce le commandement sur terre, ne doit pas ignorer quâil a Ă©tĂ© tirĂ© de la terre Îłáż, que câest de la poussiĂšre du sol ÏÎżáœč quâil est montĂ© sur le trĂŽne et quâil y redescendra aprĂšs quelque temps ch. 71. 64 Dagron 1996, 37-38. Voir Marc AurĂšle, PensĂ©es, 4, 48 ConsidĂ©rer sans ce ... 21Gilbert Dagron a comparĂ© Ă juste titre les dĂ©veloppements de ce genre aux exercices spirituels mis Ă la mode par les stoĂŻciens il sâagit, dit-il, de conduire le souverain, par le biais de sentences mĂ©morisables et de formules incantatoires, Ă une mĂ©ditation sur lui-mĂȘme » â contrepoison qui lâimmunisera contre lâillusion de la toute-puissance ; la fonction de lâEkthesis dâAgapet, comme celle des PensĂ©es de Marc AurĂšle, est par consĂ©quent de servir de thĂ©rapeutique aux inĂ©vitables maladies du pouvoir absolu »64. Mais dans le traitĂ© dâAgapet, le Memento mori prend des accents nouveaux, dâune brutalitĂ© accrue, due peut-ĂȘtre Ă ce quâil est formulĂ© en termes oĂč se ressent lâinfluence de la langue imagĂ©e de la Septante. Le motif de lâ image de poussiĂšre » ΔጰÎșᜌΜ ÏÎżÎčÎș᜔ renvoie bien Ă©videmment au rĂ©cit biblique de la crĂ©ation de lâhomme, oĂč lâon voit Dieu façonner Adam poussiĂšre prise Ă la terre » 2, 7 ÏÎżáżŠÎœ áŒÏ᜞ áż Îłáż, puis le chasser du Paradis Terrestre, avec cette malĂ©diction 65 Gen. 3, 19 Dogniez et al. 2001. Ă la sueur de ta face tu mangeras ton pain, jusquâĂ ce que tu retournes dans la terre dâoĂč tu as Ă©tĂ© pris, parce que tu es terre Îłáż Î”áŒ¶ et que tu tâen iras dans la terre65. 66 Gen. 18, 27 áŒÎłáœœ ΔጰΌÎč Îłáż Îșα᜶ ÏοΎáœč. 67 Job, 10, 9 ÏηλáœčΜ ΌΔ áŒÏλαα, Δጰ ÎŽáœČ ÎłáżÎœ ΌΔ ÏᜱλÎčΜ áŒÏÎżÏáœłÏΔÎč ; 30, 19 áŒ„ÎłÎ·Î±Îč ÎŽáœł ΌΔ ... 68 Sag. 7, 1 ÎጰΌ᜶ ÎŒáœČΜ ÎșáŒÎłáœŒ ΞΜη᜞ áŒÎœÎžÏÏÎż, áŒŽÎż ጠÏαÎčΜ Îșα᜶ ÎłÎ·ÎłÎ”ÎœÎżáżŠ áŒÏáœčÎłÎżÎœÎż ... 69 Sir. 10, 9-11 ᜷ áœÏΔÏηÏαΜΔ᜻ΔαÎč Îłáż Îșα᜶ ÏοΎáœč ; 17, 32 áŒÎœÎžÏÏÎżÎč ÏᜱΜΔ Îłáż Îșα᜶ ÏοΎáœč ... On songe aussi Ă Abraham se dĂ©clarant terre et cendre » Îłáż Îșα᜶ ÏοΎáœč, avant de se risquer Ă intercĂ©der en faveur des justes de Sodome et Gomorrhe66, Ă Job rappelant quâil a Ă©tĂ© façonnĂ© avec de la boue ÏηλáœčΜ et que sa place est parmi la terre et la cendre »67, Ă Salomon disant ĂȘtre descendant du premier qui fut modelĂ© de terre » ÎłÎ·ÎłÎ”ÎœÎżáżŠ ÏÏÎżÏÎ»áœ±ÎżÏ 68, Ă la dĂ©finition enfin, plusieurs fois rĂ©pĂ©tĂ©e dans le Siracide, de lâhomme terre et cendre »69. 22Utilisant la mĂȘme terminologie biblique, le Pseudo-Basile affirme avec force 70 Pseudo-Basile I, Parenesis, ch. 14 ΠΔÏ᜶ αÏΔÎčÎœÎżÏÏÎżáœ»ÎœÎ·, col. XXVIII C. Câest la boue Ïηλáœč qui est lâunique ancĂȘtre de notre race, mĂȘme si, poussiĂšre ÏáœčΔ que nous sommes, nous nous enflons les uns contre les autres. Souviens-toi donc de toi-mĂȘme, toi qui nâes que poussiĂšre hautaine áœÏηλ᜞ ÏοῊ, et sache bien que, si tu as Ă©tĂ© haussĂ© depuis terre, de toute façon tu retourneras Ă la terre70. Lâauteur du Îáœčγο ÎœÎżÏ ÎžÎ”Î·ÎčÎș᜞ ÏÏ᜞ ÎČαÎčÎ»áœłÎ± dit, pour sa part, que tous les hommes sont fils dâAdam, les empereurs et les souverains comme ceux qui gagnent leur pain par leur travail » § 15-16. Thomas Magister rappelle au jeune prince Constantin que, malgrĂ© son rang, il partage le lot des mortels » Tu nâĂ©tais pas avant de naĂźtreâŠ, lâorigine de ta race remonte Ă la poussiĂšre et au nĂ©ant Δጰ ÏÎżáżŠÎœ Δ Îșα᜶ ᜞ ÎŒÎ·ÎŽáœłÎœâŠ, non seulement tu ne demeureras pas toujours, mais tu obtiendras toi aussi le mĂȘme sort que tes ancĂȘtres ch. 2. Lâempereur Manuel II tient Ă son fils un discours tout aussi austĂšre, et plusieurs fois rĂ©pĂ©tĂ© au chapitre 7, il lui rappelle que lâhomme créé de la main de Dieu est lâancĂȘtre de tous » et lâinvite donc Ă ne pas sâexalter de lâinĂ©galitĂ© de son apparence » Tu es, lui dit-il, boue tirĂ©e de la mĂȘme boue » Ïηλ᜞Μ áœÎŒÎżáœ·ÎżÏ ÏηλοῊ ; au chapitre 68, il reprend Nous sommes tous les enfants dâAdam, qui vint Ă lâexistence façonnĂ© par la main de Dieu avec de la boue Ïηλ » ; et la mĂȘme thĂ©matique reparaĂźt Ă nouveau dans le centiĂšme et dernier chapitre des Praecepta, assortie dâune rĂ©fĂ©rence Ă lâenseignement davidique Il se montre sensĂ©, celui qui, sachant quâil est poussiĂšre ÏοῊ et quâil faut accorder son dĂ» Ă la terre-mĂšre ÎłáżÍ áżÍ ΌηÏ᜷, Ă©coute David et arrive Ă la mort en Ă©tat de repentance. Le ÎČαÎčλΔáœș áœ»ÎœÎŽÎżÏ Î»Îż Compagnon dâesclavage » de ses propres sujets 71 Photius, Lettre Ă Michel de Bulgarie, l. 619-622. 72 ThĂ©ognostos, Thesaurus, § 1. 73 NicĂ©phore BlemmydĂšs, Basilikos Andrias, ch. 35 et 39. 23Beaucoup de passages, dans nos traitĂ©s byzantins, soulignent la solidaritĂ© de lâempereur avec les autres hommes Photius rappelle au prince Michel de Bulgarie que les mĂȘmes rĂšgles de comportement valent pour gouvernant et gouvernĂ©, car commune est leur nature, communs les commandements , communs la vigilance et le soin requis par ces commandements »71. Lâempereur ne doit pas, dĂ©clare ThĂ©ognostos, alors quâil rĂšgne sur des hommes de mĂȘme nature que lui » áœÎŒÎżÎłÎ”ΜΜ, se laisser dominer par dâindignes passions72. Il doit savoir, dit NicĂ©phore BlemmydĂšs, que ses sujets lui sont apparentĂ©s » ᜞ áŒÏÏáœčÎŒÎ”ÎœÎżÎœ áœ»ÎłÎłÎ”ÎœÎ”, et penser, sâil chĂątie lâun dâentre eux, que celui quâil chĂątie est de la mĂȘme essence que lui » ῠαáœáż Îżáœáœ·Î±73. Thomas Magister affirme pareillement 74 Thomas Magister, De regis officiis, ch. 2. Avant tout, il te faut considĂ©rer que, mĂȘme si tu as obtenu de diriger le monde et dâĂȘtre environnĂ© dâune telle puissance, tu nâen partages pas moins toi aussi le lot des mortels et le mĂȘme sort que nous74. 75 Agapet, Ekthesis, ch. 68. Dans la liturgie mĂȘme, lâempereur Ă©tait dĂ©signĂ© comme escla ... 76 Barlaam, ch. 36, § 333 ; le mĂȘme motif est repris au § 334 Barachias devra se montrer ... 24Cette solidaritĂ© essentielle liant souverain et sujets, plusieurs de nos auteurs lâĂ©voquent en termes dâesclavage partagĂ©. Sans doute, rappelle Agapet, le roi est-il maĂźtre de tous, mais avec tous il est esclave de Dieu » ΎοῊλο ΞΔοῊ75. Dans Barlaam, Joasaph tient le mĂȘme langage Ă celui quâil sâest choisi pour successeur, Barachias, afin de lâinviter Ă pratiquer la charitĂ© Tels nous sommes disposĂ©s Ă lâĂ©gard de nos compagnons dâesclavage Ï ÎœÎŽÎżáœ»Î»ÎżÎč, lui dit-il, tel nous trouverons le Seigneur disposĂ© Ă notre Ă©gard »76. Le Pseudo-Basile dĂ©clare avec plus dâinsistance 77 Pseudo-Basile I, Parenesis, ch. 14 ΠΔÏ᜶ αÏΔÎčÎœÎżÏÏÎżáœ»ÎœÎ·, col. XXVIII C. Tu veux te rendre Dieu favorable ? Montre-toi favorable Ă tes sujets, toi aussi. Car mĂȘme si tu leur as Ă©tĂ© dĂ©signĂ© pour maĂźtre, tu nâen es pas moins leur compagnon dâesclavage áœ»ÎœÎŽÎżÏ Î»Îż. Nous, les hommes, possĂ©dons tous en effet un seul et unique maĂźtre universel⊠Souviens-toi de tes fautes envers Dieu, et tu oublieras les fautes que ton prochain a commises envers toi77. Mais, de tous nos auteurs, sans doute est-ce lâempereur Manuel II qui, dans ses Praecepta, a donnĂ© au motif du ÎČαÎčλΔáœș áœ»ÎœÎŽÎżÏ Î»Îż lâexpression la plus vigoureuse. Il rappelle Ă son fils 78 Manuel II, Praecepta, ch. 7. Dieu te prodiguera ses bienfaits, si tu sais que tu lui dois le sceptre, si tu es bien conscient que tu es son esclave ÎŽÎżáżŠÎ»ÎżÎœ, et te rĂ©jouis de cette servitude ÎŽÎżÏ Î»Î”áœ·áŸł plus que de rĂ©gner sur autrui ; sache que tu es esclave de Dieu bien plus que nâest esclave chez toi nâimporte quel homme achetĂ© Ă prix dâargent⊠Et mĂȘme, exceptĂ© pour lâapparence extĂ©rieure, cet homme achetĂ© Ă prix dâargent est ton compagnon dâesclavage áœ»ÎœÎŽÎżÏ Î»Îż, ton frĂšre, ton Ă©gal, en raison de votre commune nature tirĂ©e de la terre78. 79 ThĂ©ophylacte SimokattĂšs, Historiae, 3, 11, 9. 80 ThĂ©ognostos, Thesaurus, § 4 et 14 cf. Matthieu, 19, 23. 25Comme le Memento mori, le motif de lâempereur-esclave de Dieu possĂšde une fonction prophylactique il sert Ă protĂ©ger le souverain du pĂ©ril de lâhybris, en lui rappelant notamment quâil sera, comme tout un chacun, soumis au jugement de Dieu. ThĂ©ophylacte SimokattĂšs fait tenir Ă lâempereur Justin, Ă lâintention de TibĂšre, quâil sâapprĂȘte Ă associer au pouvoir, un discours oĂč il avoue avoir, dans lâexercice de la royautĂ©, commis des fautes dont il devra rendre compte devant le tribunal du Christ »79. ThĂ©ognostos, dans son Thesaurus, rappelle au destinataire de son miroir des princes intĂ©grĂ© » quâil doit redouter le seul roi vĂ©ritable, grand et sans successeur » et ne pas oublier que, si les riches entreront difficilement au royaume des cieux », la chose sera plus malaisĂ©e encore pour le roi qui ne gouvernerait pas comme il plaĂźt Ă Dieu » ; il doit songer quâĂ lâheure du dĂ©part, il nâemportera avec lui aucune de ses richesses, mais ses seuls actes Car câest nu que tout mortel vient au jour, et il sâen ira, nu, dans lâau-delà »80. Une nouvelle vertu princiĂšre lâhumilitĂ© 81 EusĂšbe, Louanges de Constantin, 18, 3 Maraval 2001 Tu pourrais nous exposer en dĂ© ... 82 ThĂ©ognostos, Thesaurus, § 1 áŒÎœ Îłáœ°Ï áżÍ ÏΔÎčÏ᜶ Îżáœ»ÎżÏ áŒĄ ᜎ ÎșαÏΎ᜷α. 83 Prov. 21, 1 dâHamonville 2000. Dagron 1968, 150-153, signale trois rĂ©fĂ©re ... 84 Antoine Melissa, Loci communes, II, 1, col. 1000 D. 26Sâil est comptable devant Dieu des fautes quâil peut ĂȘtre amenĂ© Ă commettre, lâempereur doit en revanche attribuer au Tout-Puissant le mĂ©rite de ses succĂšs, puisque, comme EusĂšbe lâexposait dĂ©jĂ dans ses Louanges de Constantin, Dieu Ćuvre Ă ses cĂŽtĂ©s pour lui assurer la victoire81. ThĂ©ognostos dĂ©bute ses conseils au prince en lui rappelant que son cĆur est entre les mains de Dieu82 â citation tronquĂ©e des Proverbes, oĂč il est Ă©crit Comme un jaillissement dâeau, ainsi le cĆur du roi dans la main de Dieu ; oĂč quâil veuille le faire tendre, câest lĂ quâil incline »83. La formule Ă©tait chĂšre aux Byzantins, comme lâatteste sa prĂ©sence rĂ©currente dans les florilĂšges spirituels ; dans les Loci communes dâAntoine Melissa, elle figure Ă deux reprises dans le chapitre Sur le bon roi », assortie, Ă la premiĂšre occurrence, du commentaire Ce nâest pas la force des armes, mais lâaide de Dieu qui assure le salut du roi »84. 27Cette conviction sâexprime en bien des passages de nos miroirs des princes. Photius rappelle Ă Michel de Bulgarie 85 Photius, Lettre Ă Michel de Bulgarie, l. 1165-1169. Tous les succĂšs que tu remportes, que ce soit dans ta vie privĂ©e ou pour lâintĂ©rĂȘt commun de lâĂtat, juge bon dâen attribuer Ă Dieu la responsabilitĂ© tu te le rendras ainsi plus secourable, tu passeras pour un ami de Dieu ΞΔοÏÎčλ᜔, tu ne tâentendras pas reprocher dâĂȘtre lĂ©ger et fanfaron ÎșοῊÏÎżÎœ Îșα᜶ áŒÎ»Î±Î¶ÎżÎœÎčÎșáœčΜ et tu verras brisĂ©s les aiguillons de la jalousie85. 86 Pseudo-Basile I, Parenesis, ch. 65 ΠΔÏ᜶ οῊ Όᜎ áŒÏα᜷ÏΔΞαÎč, col. LIII D â LVI A. Sur l ... 87 Manuel II, Praecepta, § 13 et 42. Le Pseudo-Basile consacre tout un chapitre Ă expliquer quâil ne faut pas se glorifier » Ne considĂšre aucun des succĂšs que tu as obtenus comme absolument tiens », dit-il, et consacre Ă Dieu seul, avec reconnaissance, »86. Manuel II donne Ă son fils le mĂȘme conseil Aucun bien, lui rappelle-t-il, nâadvient sans la volontĂ© de Dieu » ; si nous sommes dĂ©pourvus de son aide, gardes du corps, citadelle, troupe nombreuse et savantes machines deviennent inutiles »87. 88 ThĂ©ophylacte SimokattĂšs, Historiae, 1, 1, 6 et 16-18. La formule áœÏηλáœčΜ Îșα᜶ ÎŒÎ”áœłÏÎżÎœ es ... 89 Agapet, Ekthesis, ch. 14. 90 Barlaam, ch. 36, § 332. 91 Barlaam, ch. 33, § 306. 92 Photius, Lettre Ă Michel de Bulgarie, l. 1197. 93 Alexis Ier ComnĂšne, Les Muses, I, 408-413. 28Dans nos miroirs des princes, lâorgueil apparaĂźt donc comme le danger majeur, et lâhumilitĂ© comme la vertu la plus souhaitable du bon dirigeant. Ăvoquant les mises en garde de lâempereur TibĂšre Ă son successeur Maurice, ThĂ©ophylacte SimokattĂšs nous le montre rĂ©trospectivement effrayĂ© de lâĂ©tendue de son pouvoir LĂ oĂč il y a excĂšs de puissance, dit-il, il est naturel que sâensuivent aussi des fautes plus nombreuses » ; la royautĂ© est chose hautaine et altiĂšre » áœÏηλáœčΜ Îč ÏÏáżÎŒÎ± Îșα᜶ ÎŒÎ”áœłÏÎżÎœ, elle exalte qui la dĂ©tient et incite Ă lâarrogance ; pour ne pas cĂ©der Ă cette tentation, il convient de considĂ©rer la pourpre comme une humble guenille » ΔáœáœłÎ»Î” Îč áż„áœ±ÎșÎż et le pouvoir comme un brillant esclavage » ÎŽÎżÏ Î»Î”áœ·Î±Îœ áŒÎœÎŽÎżÎŸÎżÎœ88. Si le souverain sait purifier son esprit des illusions humaines et considĂ©rer la nullitĂ© de sa propre nature, la briĂšvetĂ© et la fugacitĂ© de lâexistence ici-bas et la souillure liĂ©e Ă la chair, il ne tombera pas dans le gouffre de lâorgueil » áż áœÏΔÏηÏαΜ᜷α ÎșÏηΌΜáœčΜ, dĂ©clare Agapet89 â formule que lâauteur de Barlaam a textuellement reproduite dans le discours oĂč Joasaph engage son successeur, Barachias, Ă ne pas se laisser entraĂźner par la gloire Ă©phĂ©mĂšre » Ă Ă©prouver un vain orgueil » ΌᜱαÎčÎżÎœ Ï᜻ηΌα90. Joasaph lui-mĂȘme, pendant la courte durĂ©e de son rĂšgne, a dâailleurs donnĂ© lâexemple dâune parfaite modestie, en sâemployant Ă susciter crainte et respect moins en raison de la majestĂ© du pouvoir et de la magnificence de la royautĂ© » áŒÏ᜞ ÎżáżŠÍ áœÎłÎșÎżÏ áż áŒÎŸÎżÏ ᜷α Îșα᜶ áż ÎČαÎčλÎčÎșáż ÎŒÎ”ÎłÎ±Î»ÎżÏÏΔÏΔ᜷α que pour son humilitĂ© et sa douceur » áŒÏ᜞ ῠαÏΔÎčÎœÎżÏÏÎżáœ»ÎœÎ· Îșα᜶ ÏÏαáœčηο91. Photius, usant dâune formulation volontairement paradoxale, souhaite que Michel de Bulgarie lâemporte sur la prĂ©somption et soit vaincu par lâhumilitĂ© » ÎżáŒ°áœ”Î” ΌΔ᜷ζΜ, αÏΔÎčÎœÎżÏÏÎżáœ»ÎœÎ· áŒÎ»Î±Îżáœ»ÎŒÎ”ÎœÎż92, et Alexis Ier rappelle Ă son fils que câest uniquement en attachant peu de prix Ă la majestĂ© du trĂŽne et du pouvoir » ᜞Μ áœÌÎłÎșÎżÎœ οῊ ΞÏáœčÎœÎżÏ Îșα᜶ ÎżáżŠÍ ÎșÏáœ±ÎżÏ quâil pourra faire partie des heureux » et passer pour grand aux yeux du Seigneur93. 94 Or. 19 ÌÎÏ᜶ áżÍ ÏÎčλαΜΞÏÏáœ·áŸł οῊ αáœÎżÎșÏáœ±ÎżÏÎż ÎÎ”ÎżÎŽÎżáœ·ÎżÏ , 226 d â 227 a. 95 Sur cette Ă©volution sĂ©mantique du terme ÏÏα᜻η, voir Spicq 1947, 324-332. 29La prĂ©sence de la αÏΔÎčÎœÎżÏÏÎżáœ»ÎœÎ· au nombre des vertus exigĂ©es du bon prince constitue une innovation spĂ©cifiquement chrĂ©tienne. Le terme nâapparaĂźt jamais dans les miroirs des princes anciens, oĂč lâaccent est mis sur la justice, la tempĂ©rance ÏÏÎżáœ»ÎœÎ·, la clĂ©mence ou la bontĂ©. Dans les nombreux discours que ThĂ©mistios composa, entre 350 et 386, Ă lâadresse des empereurs Constance II, Jovien, Valens et ThĂ©odose, câest la philanthropie » qui passe pour la vertu royale par excellence elle est, dit-il, Ă lâorigine de toutes les autres qualitĂ©s, douceur, justice, piĂ©tĂ©, et câest elle seule qui permet au roi de sâassimiler Ă Dieu ΞΔÍÍ áœÎŒÎżÎčοῊΞαÎč94. Il semble nĂ©anmoins que la mise en valeur de vertus comme la douceur áŒĄÎŒÎ”Ïáœčη, ÏÏαáœčη ou la juste mesure ΌΔÏÎčáœčη ait frayĂ© la voie Ă lâexaltation chrĂ©tienne de la αÏΔÎčÎœÎżÏÏÎżáœ»ÎœÎ·. Câest dâailleurs, dans la Septante, le terme ÏÏα᜻η qui, pourvu dâune signification nouvelle, sert bien souvent Ă Ă©voquer humilitĂ© et modestie95 â qualitĂ©s spĂ©cifiques du serviteur de Dieu, habituĂ© Ă sâabaisser devant le TrĂšs-Haut. 96 Isocrate figure parmi les sources mentionnĂ©es dans le prologue des Praecepta, et il est ... 97 Souvenir possible de Jean Chrysostome pour qui le diptyque du Pharisien et du Publicain ... 30Peut-ĂȘtre est-ce sous lâinfluence de ses modĂšles antiques que Manuel II, dans ses Praecepta, prĂŽne avec tant dâinsistance la ΌΔÏÎčáœčη admirateur dâIsocrate, qui, dans son discours Ă NicoclĂšs, exhortait le prince de Chypre Ă ne nourrir que des dĂ©sirs modĂ©rĂ©s § 26 ΌΔÏ᜷Μ áŒÏÎčÎžÏ ÎŒáż, lâempereur byzantin paraĂźt vouloir imiter lâorateur96, en adjoignant la ΌΔÏÎčáœčη aux quatre vertus cardinales de justice, courage, tempĂ©rance et sagesse ch. 73 ; mais la juste mesure antique se confond visiblement dans son esprit avec lâhumilitĂ© chrĂ©tienne Garder la mesure ΌΔÏÎčᜱζΔÎčΜ quand on a obtenu de grands succĂšs, dit-il, câest dresser un double trophĂ©e » qui, au bĂ©nĂ©fice du succĂšs lui-mĂȘme, adjoint le profit que lâon recueille Ă nâen pas tirer gloire, car lâorgueil est ennemi de Dieu » ch. 77 ; il faut se concilier le CrĂ©ateur en accomplissant de bonnes actions, mais sans en Ă©prouver de vanitĂ©, Ă la diffĂ©rence du Pharisien qui, tout en pratiquant la vertu, nâavait pas appris la juste mesure » ΌΔÏÎčᜱζΔÎčΜ agir comme celui-ci serait perdre Ă la lĂ©gĂšre le bĂ©nĂ©fice de ses efforts ch. 9997. 98 BlemmydĂšs a apparemment confondu ce personnage avec BellĂ©rophon ; la paraph ... 99 Lycaon, pour mettre Zeus Ă lâĂ©preuve, lui fit servir de la chair humaine, et le dieu le ... 100 Ici encore, la paraphrase est plus prĂ©cise et condamne explicitement SalmonĂ©e en Ă©voqua ... 101 Il sâagit du feu de lâáŒÏ Ï᜷α et de la αÏΔ᜷ΜÎč », explique la paraphrase. 102 Cf. Dion Chrysostome, Or. 1, 46 celui qui se montre irrespectueux envers la divinitĂ© ... 103 BlemmydĂšs emploie le terme ΌΔÏÎčÎżÏÏÎżÎœÎœ, que la paraphrase transpose, dans le registre ... 104 Dans la paraphrase, le motif figure trĂšs explicitement, en commentaire Ă la formule ala ... 31Dans son Basilikos Andrias, NicĂ©phore BlemmydĂšs a pour sa part utilisĂ© une sĂ©rie dâexemples mythologiques, pour illustrer une leçon fondamentalement chrĂ©tienne ch. 95-102. Voulant mettre son Ă©lĂšve en garde contre les mĂ©faits de lâorgueil, il lui cite successivement le Corinthien Hipponoos qui, sâĂ©tant Ă©lancĂ© vers le ciel, montĂ© sur PĂ©gase, fut prĂ©cipitĂ© au sol la tĂȘte la premiĂšre98 ; puis Icare qui, submergĂ© par lâocĂ©an de la folle prĂ©somption » Î·Í áŒÎ±ÎžÎ±Î»áœ·Î±, perdit ses ailes, pour avoir cherchĂ©, contre toute mesure » ÏáœłÏα οῊ ÎŒáœłÏÎżÏ , Ă toucher les rayons du soleil ; puis les Lycaonides foudroyĂ©s â Ă cause de leur vain orgueil » ÎŽÎčᜰ ᜞Μ ΌᜱαÎčÎżÎœ ῊÏÎżÎœ αáœÎœ, prĂ©cise la paraphrase de GalasiotĂšs99 ; puis SalmonĂ©e qui, pour sâĂȘtre essayĂ© Ă imiter Zeus, fut lui aussi frappĂ© de la foudre100 ; et, pour finir, les Aloades ĂphialtĂšs et Otos qui, ayant voulu, en Ă©levant lâOssa sur lâOlympe, et le PĂ©lion sur lâOssa, se hausser jusquâau ciel, furent prĂ©cipitĂ©s Ă terre. De ces exemples, BlemmydĂšs conclut quâil faut bannir la superbe ᜞ ÎŒÎ”áœłÏÎżÎœ ÏÏáœčΜηΌα, source de catastrophes, et lui prĂ©fĂ©rer la juste mesure ᜞ ÎŒáœłÏÎčÎżÎœ et, puisant Ă nouveau dans le rĂ©pertoire mythologique, il invite le bon roi Ă imiter PersĂ©e combattant la Gorgone ou HĂ©raclĂšs terrassant lâhydre â images de la lutte que la raison doit mener contre les passions, une lutte dont lâarme est le feu de lâesprit mesurĂ© et dĂ©nuĂ© dâorgueil » ᜞ ΌΔÏÎčáœčÏÏÎżÎœ Îșα᜶ áŒÏ ÏÎżÎœ Îșα᜶ ÏῊÍÏ101 â vĂ©hicule vraiment royal qui, loin de prĂ©cipiter Ă terre son passager, comme il arriva jadis Ă PhaĂ©thon, peut seul lui permettre de sâĂ©lever sans danger jusquâau ciel. Si, dans tout ce passage, lâimagerie est exclusivement paĂŻenne et si, parmi les exemples invoquĂ©s, plusieurs Icare ou PhaĂ©thon avaient dĂ©jĂ Ă©tĂ© utilisĂ©s par des auteurs antiques Dion Chrysostome, Lucien ou Julien pour stigmatiser lâesprit de dĂ©mesure, et notamment lâhybris des princes102, la conclusion Ă laquelle aboutit ce dĂ©veloppement truffĂ© de rĂ©fĂ©rences mythologiques est indubitablement chrĂ©tienne Un roi, sâil possĂšde, en plus des autres vertus royales, un esprit mesurĂ© »103, Ă©voque trĂšs exactement celui qui, aprĂšs ĂȘtre montĂ© aux cieux, en est redescendu Ă prendre la forme dâun esclave », autrement dit le Christ, roi de gloire ». Le traitĂ© de BlemmydĂšs nous offre ainsi un exemple, littĂ©raire, du motif de la mimesis Christou104, dont nous avions rencontrĂ© prĂ©cĂ©demment la version rituelle Ă travers la cĂ©rĂ©monie du lavement des pieds. Les leçons politiques de la Bible 105 Cf. Dagron 1996, 20-21 Le passage au christianisme a autant modifiĂ© les donnĂ©es de la ... 106 Pour le Moyen Ăge occidental, voir Reydellet 1985 ; pour Byzance, Dagron 1996, ... 32Les miroirs des princes byzantins illustrent donc, indubitablement, la christianisation de lâinstitution monarchique105. Leur tonalitĂ© nouvelle reflĂšte lâinfluence profonde exercĂ©e sur la rĂ©flexion politique des Byzantins par le texte de la Bible, lue, au Moyen Ăge, comme un miroir des princes106 on trouve en effet dans les Ăcritures, dâune part, les Ă©lĂ©ments dâune thĂ©orie du pouvoir monarchique, et dâautre part, un rĂ©pertoire de situations, dâĂ©pisodes, de personnages que les Byzantins ont Ă©rigĂ©s en archĂ©types modĂšles et contre-modĂšles Ă lâaune desquels ils pouvaient interprĂ©ter les Ă©vĂ©nements du prĂ©sent. ModĂšles 107 Exode, 18, 21 Dogniez et al. 2001 áŒÎœÎŽÏα ÎŽÎčÎșÎ±áœ·ÎżÏ ÎŒÎčÎżáżŠÎœÎ± áœÏΔÏηÏαΜ᜷αΜ. 108 Deut., 17, 20 Dogniez et al. 2001 ጔΜα Όᜎ áœÏΞáżÍ áŒĄ ÎșαÏΎ᜷α αáœÎżáżŠ áŒÏ᜞ Μ áŒÎŽÎ”λÏΜ αáœÎż ... 109 Cf. LĂ©v., 29, 19 ᜎΜ áœÎČÏÎčΜ áż áœÏΔÏηÏαΜ᜷α ; Esther, 4, 17 d ÎżáœÎș áŒÎœ áœÎČÏΔÎč ÎżáœÎŽáœČ áŒÎœ ... 110 Prov., 16, 5 ; 3, 34 dâHamonville 2000. 111 Jacques, 4, 6 et 1 Pierre, 5, 5. 112 Cf. Ăvagre, Schol. Prov. 39 GĂ©hin 1987 Le Seigneur rĂ©siste aux orguei ... 113 On rencontre ce verset, Ă trois reprises, dans les chapitres consacrĂ©s par Antoine ... 114 Lettre dâAristĂ©e Ă Philocrate, § 262 Pelletier 1962. 33Dans le Pentateuque sont exprimĂ©es, Ă propos des chefs du peuple dâIsraĂ«l les juges », des exigences qui ont indĂ©niablement contribuĂ© Ă nourrir lâidĂ©al politique des Byzantins on peut lire dans lâExode que les juges » devront ĂȘtre des hommes justes qui haĂŻssent lâarrogance »107, et dans le DeutĂ©ronome que le chef devra lire tous les jours de sa vie » les commandements du Seigneur, afin que son cĆur ne sâĂ©lĂšve pas au-dessus de ses frĂšres »108. Les prescriptions Ă©noncĂ©es dans les Proverbes sont dâun intĂ©rĂȘt tout particulier, puisque la traduction de ce livre en grec a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e, aux environs de 175 avant par un personnage, Aristobule, qui Ă©tait le prĂ©cepteur de PtolĂ©mĂ©e VI, et qui, semble-t-il, effectua ce travail Ă lâintention du jeune prince, pour parfaire son Ă©ducation politique les Proverbes LXX Ă©taient donc, dĂšs lâorigine, un livre de pĂ©dagogie royale. Câest dans ce recueil que lâon rencontre la formule Comme un jaillissement dâeau, ainsi le cĆur du roi dans la main de Dieu⊠» 21, 1 â formule citĂ©e, nous lâavons vu, dans le Thesaurus de ThĂ©ognostos. Les mises en garde abondent, dans les Proverbes, contre lâáœÏΔÏηÏαΜ᜷α, rĂ©guliĂšrement associĂ©e Ă lâhybris dans le texte de la Septante109 lâauteur qualifie dâ impur pour Dieu tout cĆur altier » áœÏηλοÎșᜱÏÎŽÎčÎż et rappelle que le Seigneur rĂ©siste aux orgueilleux » áœÏΔÏηÏáœ±ÎœÎżÎč, tandis quâ aux humbles αÏΔÎčÎœÎżáż il donne sa grĂące »110 â verset dâautant plus familier aux Byzantins quâil est citĂ©, Ă deux reprises, dans le Nouveau Testament, par Jacques et Pierre111, et quâil fit lâobjet de nombreux commentaires patristiques112 et de multiples rĂ©fĂ©rences dans les florilĂšges spirituels113. Son utilisation politique est attestĂ©e, dĂšs lâĂ©poque hellĂ©nistique, dans la Lettre dâAristĂ©e Ă Philocrate, texte composĂ© au IIe siĂšcle avant en milieu judĂ©o-alexandrin, pour retracer lâhistoire de la traduction de la Bible en grec, Ă lâinitiative de PtolĂ©mĂ©e II Philadelphe la sĂ©rie de banquets offerts par le souverain aux soixante-douze traducteurs nouvellement arrivĂ©s de JĂ©rusalem y fournit le cadre dâun petit traitĂ© ΠΔÏ᜶ ÎČαÎčλΔ᜷α, prĂ©sentĂ© sous forme de questions-rĂ©ponses Ă©changĂ©es par le roi et les sages juifs § 187-293 ; le roi ayant demandĂ© au 51e traducteur ce quâil devait faire pour ne pas cĂ©der Ă lâorgueil áœÏΔÏηÏαΜ᜷α, le sage lui rĂ©pond quâil y parviendra en gardant lâĂ©galitĂ© et en se rappelant devant chacun quâil reste homme, tout chef quâil est. Car Dieu fait pĂ©rir les orgueilleux, tandis quâil Ă©lĂšve les doux et les humbles »114. Comme le livre des Proverbes, le Siracide est riche en mises en garde contre lâorgueil, dont beaucoup sont explicitement adressĂ©es aux puissants Plus tu es grand, plus il faut tâhumilier et devant le Seigneur tu trouveras grĂące 3, 18 ; Le Seigneur a culbutĂ© les trĂŽnes des princes, il a Ă©tabli les doux ÏÏαΔῠà leur place 10, 14 ; 115 Trad. ĆcumĂ©nique 2004. Au jour de ta gloire ne tâĂ©lĂšve pas Όᜎ áŒÏα᜷ÏÎżÏ âŠ Bien des tyrans se sont assis par terre⊠Bien des princes ont Ă©tĂ© complĂštement dĂ©shonorĂ©s et des hommes cĂ©lĂšbres livrĂ©s Ă la merci dâautrui 11, 4-6115. 116 Nombres, 12, 3 Dogniez et al. 2001. Sâappliquant Ă montrer quâaucune vert ... 117 Cf. 2 Regn. 6 ; 12 ; 16. LâĂ©pisode de David et AbishaĂŻ est souvent citĂ© dan ... 34Ă ces recommandations thĂ©oriques, fournies par la Bible, sâajoutent des exemples concrets, offerts Ă lâimitation des princes. Dans le Pentateuque, figure un portrait de MoĂŻse appelĂ© Ă devenir un point de rĂ©fĂ©rence obligĂ© dans la dĂ©finition du bon prince Lâhomme quâĂ©tait MoĂŻse Ă©tait extrĂȘmement doux ÏÏαáœș ÏáœčÎŽÏα en comparaison de tous les hommes de la terre »116. Dans les Livres historiques, câest David qui apparaĂźt comme le modĂšle privilĂ©giĂ©, parce quâil a su mettre lâhonneur de Dieu au-dessus de lâĂ©tiquette royale en dansant devant lâarche, parce quâil nâa pas hĂ©sitĂ© Ă reconnaĂźtre ses fautes et Ă sâhumilier devant Dieu, parce quâil a supportĂ© sans colĂšre les malĂ©dictions dâAbishaĂŻ117. La priĂšre quâil formule, au moment dâaccorder lâinvestiture Ă son fils et successeur Salomon, priĂšre en forme de testament spirituel, peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme le prototype de tous les miroirs des princes byzantins, tant le roi dâIsraĂ«l y exprime avec clartĂ© la dĂ©pendance essentielle dans laquelle le pouvoir humain se trouve par rapport Ă Dieu 118 1 Par. 29, 11-17 Îżáœ·, Îș᜻ÏÎčΔ, áŒĄ ÎŒÎ”ÎłÎ±Î»áœ»ÎœÎ· Îșα᜶ áŒĄ Ύ᜻ΜαΌÎč Îșα᜶ ᜞ Îșα᜻ÏηΌα Îșα᜶ áŒĄ Μ᜷Îșη ... Ă toi, Seigneur, la grandeur, la puissance, la fiertĂ©, la victoire et la force, parce que câest toi le maĂźtre de tout ce qui existe dans le ciel et sur terre et que devant ta face, tout monarque et tout peuple se troublent. De toi viennent la richesse et la gloire, et câest toi qui domines tout, Seigneur qui es au fondement de toute domination. Dans ta main sont la force et la puissance ; dans ta main, Tout-Puissant, le pouvoir de grandir et dâaffermir toutes choses⊠Qui suis-je ?⊠Tout tâappartient⊠Nous sommes des Ă©trangers devant toi⊠Nos jours sur la terre sont comme lâombre⊠Jâai compris, Seigneur, que tu es celui qui sonde les cĆurs et chĂ©ris la justice118. 119 Matthieu, 11, 29 Osty & Trinquet 1974. Dans le chapitre quâAntoine Melissa consacre Ă ... 120 Marc, 9, 35 Osty & Trinquet 1974. Dans la cinquiĂšme de ses CatĂ©chĂšses l. 610 sq., S ... 121 Ambroise, Apologie de David, 81 Cordier 1977. 35Sans doute le Nouveau Testament est-il moins riche en enseignements directement adressĂ©s aux princes, bien que le Christ puisse, lui aussi, ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une figure royale â en tĂ©moigne, notamment, lâĂ©pisode de lâentrĂ©e Ă JĂ©rusalem, oĂč il figure en triomphateur, mais un triomphateur plein de mansuĂ©tude, Ă lâopposĂ© des princes paĂŻens rĂ©gnant par la violence, puisquâil se proclame doux et humble de cĆur »119 et fait rĂ©sider la grandeur dans lâhumiliation volontaire, et la force dans le fait, non dâinfliger lâoutrage, mais de sây exposer, invitant ainsi qui veut ĂȘtre le premier Ă ĂȘtre le dernier de tous et le serviteur de tous »120. Pour reprendre les mots de saint Ambroise, qui voit en lui le vrai David, vraiment humble et doux, premier et dernier », le Christ-Roi est venu comme maĂźtre dâhumilitĂ©, apprendre aux orgueilleux et Ă ceux qui Ă©taient gonflĂ©s par lâenflure de leur cĆur quâil faut passer de ces dispositions Ă la douceur et Ă lâhumilitĂ© »121. ⊠Et contre-exemples 122 2 Par. 26, 16-19. 123 4 Regn. 19, 28. 124 2 Macc. 9, 8-12 trad. ĆcumĂ©nique 2004. Sort prĂ©dit par Mattathias, en 1 M ... 36Si la Bible offre aux princes dâadmirables modĂšles de comportement, elle est plus riche encore en figures repoussoirs, offertes Ă leur dĂ©testation. On trouve ainsi dans les Livres historiques RĂšgnes et ParalipomĂšnes une sĂ©rie de mauvais dirigeants dont le vice majeur est presque toujours lâarrogance â arrogance qui les conduit Ă surestimer leurs forces et Ă se rendre ainsi coupables dâimpiĂ©tĂ©. Tel est le cas dâOzias, le dixiĂšme roi de Judas 781-740, que Dieu frappe de la lĂšpre, parce quâ en raison de sa puissance, son cĆur sâest exaltĂ© pour sa perte » et quâil a osĂ© empiĂ©ter sur les prĂ©rogatives des prĂȘtres122. Par son orgueil, le roi dâAssyrie SennachĂ©rib 705-681 sâattire lui aussi la colĂšre du Tout-Puissant, qui lui adresse ces rĂ©primandes Parce que tu tâes irritĂ© contre moi et que ton insolence ÏáżÎœÎż est montĂ©e Ă mes oreilles, je mettrai un anneau Ă tes narines et un mors Ă tes lĂšvres ! »123. Dans les livres des MaccabĂ©es, câest Antiochos IV Ăpiphane 175-164 qui est dĂ©crit comme un fils dâarrogance », lui qui croyait, dans sa jactance surhumaine ÎŽÎčᜰ ᜎΜ áœÏáœČÏ áŒÎœÎžÏÏÎżÎœ áŒÎ»Î±Î¶ÎżÎœÎ”᜷αΜ, pouvoir commander aux vagues de la mer et sâimaginait peser dans la balance la hauteur des montagnes » frappĂ© par Dieu dâune maladie qui rĂ©duit sa chair en pourriture αÏÏ᜷αΜ, celui qui naguĂšre pensait toucher aux astres du ciel » devient pour tous un objet dâhorreur et, brisĂ© par le fouet divin », finit, dĂ©pouillant son excĂšs dâorgueil ᜞ Ïολáœș áż áœÏΔÏηÏαΜ᜷α, par confesser Il est juste de se soumettre Ă Dieu et, simple mortel, de renoncer Ă sâĂ©galer Ă la divinitĂ© »124. 37Mais câest chez les ProphĂštes que lâon trouve les plus virulentes attaques contre lâarrogance des puissants. Le jour de YahvĂ© », dont IsaĂŻe annonce la venue, est un jour oĂč la hauteur des hommes sera abaissĂ©e et le Seigneur seul exaltĂ© », jour dirigĂ© 125 IsaĂŻe, 2, 11-17 Îșα᜶ αÏΔÎčΜΞ᜔ΔαÎč ᜞ áœÏÎż Μ áŒÎœÎžÏ᜜ÏΜ, Îșα᜶ áœÏΞ᜔ΔαÎč Îș᜻ÏÎčÎż ÎŒáœčÎœÎż ... contre tous les ĂȘtres insolents et orgueilleux, tous les ĂȘtres hautains et altiers, qui seront abaissĂ©s, contre tous les cĂšdres du Liban, hautains et altiers, contre tous les chĂȘnes de Bashan, contre toutes les montagnes, toutes les collines hautaines, contre toutes les tours hautaines, toutes les murailles hautaines, contre tous les vaisseaux de la mer, tous les bateaux de somptueuse apparence125. 126 IsaĂŻe, 10, 12-15. Le roi en question pourrait ĂȘtre Sargon II 721-705, prĂ©dĂ©cesseur et ... Les foudres du prophĂšte sont plus particuliĂšrement dirigĂ©es contre les souverains Ă©trangers et leurs prĂ©tentions insensĂ©es Est-ce que la cognĂ©e se glorifiera aux dĂ©pens de celui qui sâen sert pour tailler ? », ironise-t-il Ă propos du roi dâAssyrie, trop fier de sa force, de sa sagesse, de son intelligence126. En un autre passage, il sâen prend au roi de Babylone qui a, dit-il, poussĂ© lâinsolence jusquâĂ prĂ©tendre rivaliser avec Dieu, et se vantait en ces termes 127 IsaĂŻe, 14, 13-14 Îጰ ᜞Μ ÎżáœÏαΜ᜞Μ áŒÎœÎ±ÎČáœ”ÎżÎŒÎ±Îč, áŒÏᜱΜ Μ áŒÏΜ οῊ ÎżáœÏÎ±ÎœÎżáżŠ Ξ᜔ ᜞Μ ÎžÏ ... Je monterai dans les cieux, je hausserai mon trĂŽne au-dessus des Ă©toiles du ciel, je siĂ©gerai sur une haute montagne, parmi les hautes montagnes du nord, je monterai au-dessus des nuages, je serai pareil au TrĂšs-Haut127. 128 Sur ce passage, voir Grelot 1956 qui renvoie Ă Gordon 1949, 44 texte 49 ... 129 IsaĂŻe, 14, 11-12 et 15. 130 ĂzĂ©chiel, 17, 24 áŒÎłáœŒ Îș᜻ÏÎčÎż ᜠαÏΔÎčΜΜ ÎŸáœ»Î»ÎżÎœ áœÏηλ᜞Μ Îșα᜶ áœÏΜ ÎŸáœ»Î»ÎżÎœ αÏΔÎčΜáœčΜ. Formule ... 131 ĂzĂ©chiel, 28, 2. Pour tracer ce portrait de monarque en proie Ă lâhybris, le poĂšte biblique sâest, semble-t-il, inspirĂ© dâun vieux mythe ougaritique racontant la tentative dâusurpation dâ Attar lâarrogant » qui, ayant voulu sâasseoir sur le trĂŽne du dieu El dieu suprĂȘme du panthĂ©on ougaritique et rĂ©gner sur les sommets de SaphĂŽn », fut prĂ©cipitĂ© du haut du ciel128 â tout comme, dans le texte dâIsaĂŻe, le roi de Babylone, Astre Brillant, Fils de lâAurore », est rejetĂ© par la mort depuis les sommets jusquâ au plus profond de la terre », oĂč la vermine doit lui servir de matelas et les vers de couverture129. Aux portraits de ces deux monarques mĂ©sopotamiens font Ă©cho, chez ĂzĂ©chiel, auteur de la formule fameuse Je suis le Seigneur qui abaisse lâarbre Ă©levĂ©, qui Ă©lĂšve lâarbre abaissĂ© »130, les portraits du prince de Tyr et de Pharaon ; Dieu abandonne le premier Ă lâassaut des Ă©trangers, parce que, dans sa superbe, il a mis son cĆur au rang du cĆur de Dieu et dĂ©clarĂ© Je suis un Dieu, jâhabite une demeure de dieu au cĆur de la mer »131 ; quant Ă Pharaon, il est livrĂ© aux mains des chefs des nations » pour avoir Ă©levĂ© sa taille et portĂ© son pouvoir au milieu des nuĂ©es, et son chĂątiment est explicitement destinĂ© Ă servir dâexemple aux puissants, 132 ĂzĂ©chiel, 31, 10-14. afin quâaucun arbre bien arrosĂ© ne sâĂ©lĂšve en hauteurâŠ, car tous ils sont livrĂ©s Ă la mort, dans la profondeur de la terre, au milieu des fils dâhommes, auprĂšs de ceux qui descendent dans la fosse132. 133 Daniel, 4, 10 sq. Îșα᜶ áŒ°ÎŽÎżáœș ÎŽáœłÎœÎŽÏÎżÎœ áŒÎœ ÎŒáœł áż Îłáż, Îșα᜶ ᜞ áœÏÎż αáœÎżáżŠ ÏÎżÎ»áœ» ; 4, 17 ... On citera enfin un dernier portrait de monarque Ă lâambition sans mesure, dans le livre de Daniel, oĂč Nabuchodonosor le personnage est ici nommĂ©ment dĂ©signĂ© se trouve comparĂ© Ă un arbre dâune hauteur immense, que le Seigneur abat afin que les vivants reconnaissent que le TrĂšs-Haut est maĂźtre de la royautĂ© des hommes, quâil la donnera Ă qui il voudra et y Ă©lĂšvera le plus inexistant des hommes »133. InterprĂ©tation typologique de lâhistoire byzantine 134 Voir Pseudo-Maxime, Loci communes, ch. 9 et 34 ΠΔÏ᜶ áŒÏÏáż Îșα᜶ áŒÎŸÎżÏ ᜷α ; ch. 42 ΠΔÏ᜶ ... 135 Dagron 1996, 70. 38On comprend que les Byzantins, nourris de ces rĂ©fĂ©rences bibliques, dont la diffusion Ă©tait favorisĂ©e par les florilĂšges oĂč les textes prĂ©cĂ©demment citĂ©s figurent sous forme dâextraits dans les chapitres consacrĂ©s Ă lâexercice du pouvoir, aux vertus dâhumilitĂ© et de douceur » ou au pĂ©chĂ© dâorgueil134, aient vu dans les grandes figures de la Bible des normes de lâaction politique â et plus particuliĂšrement dans les figures de lâAncien Testament qui, comme le souligne Gilbert Dagron, avait Ă Byzance une valeur constitutionnelle et possĂ©dait la mĂȘme autoritĂ© dans le domaine politique que le Nouveau Testament dans le domaine moral135. Câest donc Ă lâaune des modĂšles et antimodĂšles vĂ©tĂ©ro-testamentaires que les Byzantins Ă©valuent leur propre histoire, en sorte que tout basileus digne de ce nom passe systĂ©matiquement pour un nouveau David », tandis quâaux ennemis de lâEmpire, intĂ©rieurs ou extĂ©rieurs, est attribuĂ© lâorgueil qui, dans le texte biblique, est une caractĂ©ristique majeure du mauvais prince. 136 Voir Dulaey 1999. Lâ arrogance » ÎłÎ±Ï Ï᜷αΌα de Goliath est explicitement mentionnĂ©e da ... 137 Augustin, Enarr. in Ps. 33, 1, 4 Dekkers & Fraipont 1956, 276 Humilitas occidit s ... 138 Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, CĂ©r. 1, 82 Vogt 1939, 167 course hippique de ... 139 Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, CĂ©r. 1, 78 Vogt 1939, 136. 39Les PĂšres de lâĂglise avaient vu dans le premier exploit de David, sa victoire sur le gĂ©ant Goliath, un symbole du triomphe de lâhomme humble sur lâarrogant136 LâhumilitĂ© a tuĂ© lâorgueil », dit Augustin137. Cette victoire, inaugurale, de lâhumilitĂ© sur lâorgueil fournit le schĂ©ma bipolaire en fonction duquel seront interprĂ©tĂ©s tous les affrontements du prĂ©sent â schĂ©ma auquel se conforment mĂȘme les acclamations reproduites dans le Livre des CĂ©rĂ©monies, puisquâelles placent le basileus sous le patronage daviditique de la ÏÏαáœčη et vouent lâadversaire au gouffre de lâorgueil. Ă lâempereur vont les bĂ©nĂ©dictions de la foule Votre Ville, refleurissant, un tel, Autokrator, prie, comme elle le doit, en voyant votre douceur ÏÏαáœčηα. Elle vous appelle un autre David »138 ; Ă lâennemi sont rĂ©servĂ©es des imprĂ©cations de ce genre Gloire Ă Dieu qui a jetĂ© dans la honte lâarrogance ᜞ ÏÏáœ»Î±ÎłÎŒÎ± dâun tel, lâennemi du Christ ΧÏÎčÎżÎŒáœ±ÏÎżÏ Â»139. 140 Le titre du discours est, Ă soi seul, tout un programme De lâattaque insensĂ©e des A ... 40On pourrait citer, chez les historiens byzantins, beaucoup dâexemples du mĂȘme scĂ©nario manichĂ©en, oĂč câest prĂ©cisĂ©ment la dĂ©mesure qui trace la ligne de partage entre les bons et les mĂ©chants. Je me contenterai de trois exemples empruntĂ©s Ă trois Ă©poques diffĂ©rentes de lâhistoire de Byzance. Le premier figure chez ThĂ©odore le Syncelle, dans un discours prononcĂ© le 7 aoĂ»t 627 pour cĂ©lĂ©brer la victoire de lâempereur HĂ©raclius sur les Avares, qui assiĂ©geaient Constantinople140 le Khagan des Avares y est dĂ©peint comme un homme orgueilleux et vantard » § 11 áœÏΔÏáœčÏηΜ Îșα᜶ áŒÎ»Î±Î¶áœčΜα, un second SalmonĂ©e » personnage citĂ©, rappelons-le, dans le Basilikos Andrias de BlemmydĂšs, pour illustrer les dangers de lâorgueil ; cet infĂąme tyran », qui se faisait fort de prendre la ville et de la dĂ©peupler tout entiĂšre § 21, a Ă©tĂ© vaincu par un empereur dont la piĂ©tĂ© ΔáœÎ”ÎČÎ”áœ·áŸł et la douceur ÏÏαáœčηÎč font un autre David, et quâ Ă lâexemple de David » le Seigneur orne de victoires » § 52. 41Chez lâhistorienne Anne ComnĂšne qui, dans son Alexiade, nous raconte les dĂ©mĂȘlĂ©s de son pĂšre Alexis Ier ComnĂšne avec les CroisĂ©s, lâopposition entre orgueil et humilitĂ© sous-tend la majoritĂ© des portraits des princes occidentaux et du basileus. De la dĂ©mesure congĂ©nitale » des chefs croisĂ©s, le Normand TancrĂšde offre un plaisant exemple sâĂ©tant rendu maĂźtre dâAntioche, 141 Anne ComnĂšne, Alexiade, 14, 2, 4 Leib 1946. La formule fardeau de la terre » áŒÏΞο ... ce barbare furieux et dĂ©mentâŠ, gonflĂ© de vanitĂ© áŒÎ»Î±Î¶ÎżÎœÎ”᜷α, se vanta de placer son trĂŽne au-dessus des Ă©toiles, menaça de percer avec la pointe de sa lance les remparts de Babylone, parla avec assurance et grandiloquence de sa puissance, disant quâil Ă©tait aussi intrĂ©pide quâirrĂ©sistible dans son attaque, et affirma que, quoi quâil arrivĂąt, il ne rendrait pas Antioche, mĂȘme si les soldats qui devaient le combattre avaient des mains de feu lui Ă©tait Ninos, le grand Assyrien, tel un grand gĂ©ant Ă qui il est impossible de rĂ©sister, toujours debout sur le sol comme un fardeau de la terre », tandis que les Romains nâĂ©taient tous, Ă son avis, que des fourmis et les plus chĂ©tifs des vivants141. LâhumilitĂ© du basileus Alexis, en revanche, ne se dĂ©ment jamais, depuis son avĂšnement jusquâĂ sa derniĂšre heure. Le fait mĂȘme quâil soit arrivĂ© au pouvoir Ă la suite dâun coup dâĂtat est, pour Anne ComnĂšne, prĂ©texte Ă mettre en valeur la pĂ©nitence publique de lâempereur, qui dâemblĂ©e sâidentifie ainsi Ă David pĂ©cheur et repentant 142 Anne ComnĂšne, Alexiade, 3, 5, 1 Leib 1937. Lâinvite au repentir sâimposait au basileu ... Ătre irrĂ©prĂ©hensible conduit parfois au fol orgueil áŒÏáœčÎœÎżÎčαΜ celui qui nâa jamais achoppĂ© contre quoi que ce soit. Quant au pĂ©cheur, pourvu quâil soit de ceux qui sont pieux et rĂ©flĂ©chis, il sent aussitĂŽt son Ăąme envahie par la crainte de Dieu ; il est tout bouleversĂ©, il a peur, et cela dâautant plus quâil a entrepris de grandes choses et quâil est montĂ© au faĂźte des honneurs. Car il est effrayĂ© par la crainte de tourner contre lui la colĂšre de Dieu en agissant avec ignorance, tĂ©mĂ©ritĂ© et insolence áŒÎŒÎ±Îžáœ·áŸł Îșα᜶ ΞÏᜱΔÎč Îșα᜶ áœÎČÏΔÎč et de perdre, aprĂšs avoir Ă©tĂ© prĂ©cipitĂ© du pouvoir, ce quâil a tenu jusque-lĂ . Câest aussi bien ce qui arriva Ă SaĂŒl Dieu, Ă cause de la folle prĂ©somption ᜞ áŒáœ±ÎžÎ±Î»ÎżÎœ de ce roi, brisa son empire en deux142. Si Alexis a lâhumilitĂ© de David, il a aussi la patience du Christ, et notre historienne nâhĂ©site pas Ă le comparer trĂšs explicitement au Sauveur crucifiĂ© â dĂ©plorant lâingratitude dont son pĂšre fut trop souvent payĂ©, 143 Anne ComnĂšne, Alexiade, 14, 3, 6 Leib 1946. On notera comment la geste de MoĂŻse est p ... comme jadis lâavait Ă©tĂ© Ă©galement le bienfaiteur du genre humain, le Seigneur, qui fit pleuvoir la manne dans le dĂ©sert, qui rassasia les foules sur les montagnes, qui fit passer la mer Ă pied sec, et qui aprĂšs cela fut reniĂ©, insultĂ© áœÎČÏÎčζáœčÎŒÎ”ÎœÎż, frappĂ©, pour ĂȘtre finalement condamnĂ© Ă la croix par des impies143. 144 Michel ChoniatĂšs, Or. 14 Lampros 1879, 246. 42Chez Michel ChoniatĂšs, câest le rebelle byzantin Alexis Branas qui, dans un discours dâĂ©loge adressĂ© Ă lâempereur Isaac II Ange 1185-1195, est comparĂ© Ă Absalom pour sâĂȘtre soulevĂ© contre le souverain lĂ©gitime, notre David », ce doux fleuve de paix », qui sut garder sa sĂ©rĂ©nitĂ© face Ă lâadversaire, parce quâil avait confiance en Dieu et possĂ©dait la douceur de David » ; la tentative dâusurpation de Branas est assimilĂ©e Ă un acte de dĂ©mesure il a dĂ©sirĂ© inconsidĂ©rĂ©ment ce qui nâĂ©tait pas fait pour lui » Μ Îżáœ ÏÏοηÎșáœčΜΜ et, nouveau SalmonĂ©e », sâest vouĂ© Ă une mort misĂ©rable du fait de son orgueilleuse exaltation » οῊ áœÏΔÏηÏáœ±ÎœÎżÏ ÎŒÎ”Î”ÏÎčÎŒÎżáżŠ144. Lâaccusation de dĂ©mesure arme polĂ©mique 43Lâaccusation de dĂ©mesure est donc utilisĂ©e par les Ă©crivains byzantins comme une arme polĂ©mique, pour mieux stigmatiser lâadversaire. Les invectives de GrĂ©goire de Nazianze contre Julien nous offrent une illustration du procĂ©dĂ©, puisquâon y voit lâauteur chrĂ©tien comparer, dans sa premiĂšre invective, lâempereur apostat aux princes orgueilleux de lâAncien Testament, Nabuchodonosor ou Antiochos Ăpiphane, et flĂ©trir son arrogance, en sâappuyant sur lâenseignement des Ăcritures 145 GrĂ©goire de Nazianze, Or. 4, 32 Bernardi 1983 cf. Prov. 16, 18 et 3, 34. Pour une Ă© ... Lâarrogance marche devant la ruine, disent justement les Proverbes⊠Car le Seigneur sâoppose aux orgueilleux, mais il donne sa grĂące aux humbles⊠Câest parce quâil savait cela que David, sous lâinspiration divine, met au nombre des avantages quâil a reçus le fait dâavoir Ă©tĂ© abaissĂ©145. 146 GrĂ©goire de Nazianze, Or. 5, 8 Bernardi 1983 Mais lui, excitĂ© et aiguillonnĂ© par ... Dans la seconde invective, vient se superposer aux rĂ©fĂ©rences vĂ©tĂ©ro-testamentaires une allusion mythologique qui nous est, elle aussi, familiĂšre GrĂ©goire accuse en effet lâempereur Julien dâavoir agi en nouveau SalmonĂ©e », en se lançant prĂ©somptueusement dans une expĂ©dition contre les Perses, Ă lâimitation de Trajan ou dâHadrien146. 147 Adversus Constantinum Cabalinum, 23 PG, 95, col. 341 texte citĂ© par Dag ... 148 Cf. Attar 2006. 44Ă lâĂ©poque de la querelle iconoclaste, ce sont les empereurs hostiles aux images qui, bien souvent, furent accusĂ©s par leurs adversaires iconophiles de cĂ©der Ă la dĂ©mesure. Gilbert Dagron cite en exemple les Invectives contre Constantin Kaballinos, oĂč LĂ©on III 717-741, partisan de lâiconoclasme, est jugĂ© coupable dâavoir rompu avec la tradition des bons empereurs » par excĂšs dâorgueil, devenant la proie du mĂȘme Satan qui avait dit Ă Adam Si tu manges des fruits de cet arbre, tu deviendras Dieu », et qui lui a dit Ă son tour Le jour oĂč tu aboliras la vĂ©nĂ©ration des images, tu seras heureux et tu surpasseras tous les rois de la terre par lâintelligence et par le nombre des annĂ©es »147 en partant en guerre contre les images, LĂ©on III a donc rĂ©itĂ©rĂ© le pĂ©chĂ© originel â pĂ©chĂ© dont Jamel Attar a montrĂ©, dans son article sur GrĂ©goire de Nazianze, quel lien il entretenait avec lâhybris148. 149 Sur cette affaire, Ă lâorigine de vives tensions entre pouvoir impĂ©rial et milieux ... 45Un dernier exemple nous permettra dâobserver comment lâaccusation de dĂ©mesure est rĂ©versible Ă volontĂ©. LâĂ©pisode incriminĂ© se passe au XIIe siĂšcle, et met aux prises lâempereur Alexis Ier ComnĂšne et lâĂ©vĂȘque de ChalcĂ©doine LĂ©on pour essayer de remĂ©dier Ă la pĂ©nurie du trĂ©sor impĂ©rial, Alexis avait ordonnĂ© la saisie de biens ecclĂ©siastiques, et lâĂ©vĂȘque LĂ©on rĂ©agit en lâaccusant dâhybris, parce quâil avait osĂ© faire main basse sur des objets prĂ©cieux appartenant Ă lâĂglise149 ; mais dans la version des Ă©vĂ©nements fournie par Anne ComnĂšne, version bien Ă©videmment destinĂ©e Ă soutenir le bon droit de lâempereur, il est intĂ©ressant de constater que lâaccusation dâhybris, toujours prĂ©sente, a changĂ© de camp, et vise dĂ©sormais lâĂ©vĂȘque, dont lâhistorienne dĂ©nonce le comportement plein de morgue 150 Anne ComnĂšne, Alexiade, 5, 2, 4 Leib 1943. Ce fut avec assez dâinsolence áœÎČÏÎčÎčÎș᜜ΔÏÎżÎœ et, pour ainsi dire, en rĂ©voltĂ© áŒÎ±ÎșáœčΔÏÎżÎœ, que se conduisit Ă lâĂ©gard du souverain alors rĂ©gnant, abusant de sa patience áŒÎœÎ”ΟÎčÎșαÎșáœ·áŸł et de sa bontĂ© ÏÎčλαΜΞÏÏáœ·áŸł150. Le renversement opĂ©rĂ© par Anne ComnĂšne illustre clairement, me semble-t-il, lâimportance accordĂ©e par les Byzantins Ă la question de lâhybris et le poids des grands modĂšles bibliques dans leur reprĂ©sentation du pouvoir lâáŒÎœÎ”ΟÎčÎșαÎș᜷α est une vertu proprement davidique. Conclusion 151 Barker 1957, 29. 152 Eschyle, Perses, 827-828. 153 Les byzantinistes français, qui travaillaient alors sans relĂąche, se firent, bon grĂ© ... 154 Bossuet, PolitiqueâŠ, PrĂ©face », in Ćuvres complĂštes, IX, 700. 46Le jeu de rĂŽles auquel Ă©tait soumis, Ă Byzance, chaque basileus successif possĂ©dait une valeur hautement contraignante, et câest pourquoi lâhistorien Ernest Barker est en droit dâaffirmer que lâempereur byzantin nâexerçait finalement quâune autocratie limitĂ©e »151. Les Grecs du Moyen Ăge paraissent, au bout du compte, nâavoir pas Ă©tĂ© moins hantĂ©s que ceux de lâĂ©poque classique par le spectre de lâhybris, et le Dieu de la Bible a, pour ainsi dire, pris le relais du Zeus dâEschyle, ce vengeur des pensĂ©es trop prĂ©somptueuses », terrible redresseur de comptes »152 ainsi les leçons de lâĂcriture Sainte viennent-elles complĂ©ter et parfaire celles de la tragĂ©die grecque sur la question de la dĂ©mesure. De lâutilisation du texte biblique comme parade contre les dĂ©rives absolutistes, les Byzantins nâont Ă©videmment pas eu lâexclusive ; au XVIIe siĂšcle, Bossuet, qui fut le prĂ©cepteur du fils de Louis XIV â Ă qui lâEmpire grec dâOrient, mis Ă la mode par lâessor des Ă©tudes byzantines, a servi de modĂšle politique153 â, adresse au Dauphin, dans sa Politique tirĂ©e des propres paroles de lâĂcriture Sainte, des mises en garde qui rappellent dâĂ©tonnamment prĂšs celles des miroirs des princes prĂ©cĂ©demment Ă©voquĂ©s Dieu est le roi des rois »154, dit-il, et si la majestĂ© est lâimage de la grandeur de Dieu dans le prince », celui-ci ne doit pas pour autant oublier ce quâil est ; citant un passage du Psaume 81 â Vous ĂȘtes des dieux, et vous ĂȘtes tous enfants du TrĂšs-Haut ; mais vous mourrez comme des hommes, et vous tomberez comme les grands » â, Bossuet commente en ces termes les versets bibliques 155 Bossuet, PolitiqueâŠ, livre V, Article IV, 1re prop., ibid., 830. Vous ĂȘtes des dieux, câest-Ă -dire vous avez dans votre autoritĂ©, vous portez sur votre front un caractĂšre divin. Vous ĂȘtes les enfants du TrĂšs-Haut câest lui qui a Ă©tabli votre puissance pour le bien du genre humain. Mais, ĂŽ dieux de chair et de sang, dieux de boue et de poussiĂšre, vous mourrez comme des hommes, et vous tomberez comme les grands. La grandeur sĂ©pare les hommes pour peu de temps ; une chute commune Ă la fin les Ă©gale tous. Ă rois, exercez donc hardiment votre puissance ; car elle est divine et salutaire au genre humain ; mais exercez-la avec humilitĂ©. Elle vous est appliquĂ©e par le dehors. Au fond, elle vous laisse faibles ; elle vous laisse mortels ; elle vous laisse pĂ©cheurs, et vous charge devant Dieu dâun plus grand compte155. Haut de page Bibliographie Textes anciens156 Bible Septuaginta id est Vetus Testamentum Graece iuxta LXX interpretes, A. Rahlfs Ă©d., 6e Ă©d., Stuttgart, Privilegierte WĂŒrttembergische Bibelanstalt, 1935, 2 C. 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Julien cite et commente longuement ce passage de Platon dans lâĂpĂźtre Ă ThĂ©mistios oĂč, immĂ©diatement aprĂšs son accession au pouvoir, il exprime ses craintes de nâĂȘtre pas Ă la hauteur de ses nouvelles fonctions â lâexercice de la royautĂ© excĂ©dant, dit-il, les forces de lâhomme Or. 6, 257 d â 259 b. 4 Affirmation similaire dans lâopuscule Ă un chef mal Ă©duquĂ©, 6 Le vice, dont la course est accĂ©lĂ©rĂ©e par le pouvoir, dĂ©chaĂźne toutes les passions, rendant la colĂšre meurtriĂšre, lâamour adultĂšre, la cupiditĂ© spoliatrice ». 5 Dion Chrysostome, Or. 57 Nestor, 6-8 Agamemnon et Achille ont pĂ©chĂ© par insolence ÎŽÎč Ì áœÎČÏÎčΜ â sentiment auquel les hommes cĂšdent, exaltĂ©s par la gloire ou le pouvoir » Ύ᜻ΜαΌÎčΜ ; câest le pouvoir de la royautĂ© et le fait de diriger Ă lui seul tous les Grecs » qui a rendu Agamemnon arrogant, lâa fait sombrer dans lâorgueil ᜻ÏÎżÏ et la folie ; Or. 61 ChrysĂ©is, 12-13 Agamemnon est exaltĂ© par le pouvoir » ÎŽÎčᜰ ᜎΜ áŒÏÏᜎΜ áŒÏαÎčÏáœčÎŒÎ”ÎœÎż, il est orgueilleux » áœÏΔÏ᜔ÏÎ±ÎœÎż et insolent » áœÎČÏÎč᜔. 6 Acte II, scĂšne 3, Ă©d. de Paris 1877, 350. Texte prĂ©sentĂ© par Delouis 2003, 104-105. 7 Cf. Barker 1957, 28-29. Dans la Novelle 105, 2, en affirmant que Dieu a subordonnĂ© les lois Ă la tychĂȘ impĂ©riale, Ă©rigĂ©e au rang de loi vivante » ΜáœčÎŒÎżÎœ áŒÎŒÏÏ ÏÎżÎœ, Justinien proclame la supĂ©rioritĂ© de lâ Ă©conomie » sur la lĂ©gislation Schoell & Kroll 1954, 507. La novelle 47 de LĂ©on VI 886-911 renforça encore lâautoritĂ© de lâempereur, en abolissant les pouvoirs que le SĂ©nat possĂ©dait par le passĂ© de nommer des stratĂšges et autres magistrats, sous prĂ©texte quâ aujourdâhui, toutes les choses dĂ©pendent de la sollicitude de lâempereur áż ÎČαÎčλÎčÎșáż ÏÏÎżÎœáœ·ÎŽÎż et sont, grĂące Ă Dieu, examinĂ©es et dirigĂ©es par le soin providentiel ÏÏÎżÎœÎżáœ·áŸł de cette sollicitude » Zachariae von Lingenthal 1931, 116-117. 8 Voir Guilland 1959. 9 NicĂ©tas ChoniatĂšs, Historia rĂšgne dâIsaac Ier Ange, van Dieten 1975, 366 áŒÎœÎ·ÎŒÎ±ÎœÎžáœłÎœÎ± ÏΔÎčÏ᜶ ΞΔοῊ. 10 EusĂšbe de CĂ©sarĂ©e, Louanges de Constantin, 1, 3 Celui qui est pour nous le grand roi Dieu est vĂ©ritablement lâauteur du pouvoir royal » ; 2, 1 lâempereur tire ses prĂ©rogatives des Ă©manations royales dâen haut et sa puissance de lâattribution dâun titre divin » ; 2, 4 il est interprĂšte du Logos de Dieu » ; 3, 5 ParĂ© de lâimage de la royautĂ© cĂ©leste, regardant vers le haut, gouverne et dirige ceux dâen bas Ă la maniĂšre de son modĂšle » Maraval 2001. 11 Cf. Guilland 1959, 218. Lâiconographie du pouvoir reflĂšte elle aussi cette idĂ©ologie thĂ©ocratique, comme le montre le thĂšme, souvent exploitĂ© Ă lâĂ©poque macĂ©donienne, du couronnement symbolique de lâempereur par le Christ ou par une figure dĂ©lĂ©guĂ©e Vierge, ange ou saint voir Jolivet-LĂ©vy 1987, 445-449. 12 Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, CĂ©r. I, 9 Vogt 1935, 55. 13 Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, CĂ©r. I, 74 Vogt 1939, 102. 14 Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, CĂ©r. 1, 78 Vogt 1939, 130-131. 15 Sur lâimportance de la notion dâ ordre » dans lâidĂ©ologie byzantine, voir Ahrweiler 1975, 134-135 le terme ordre » taxis a jouĂ© Ă Byzance le rĂŽle quâavait dans lâAntiquitĂ© le terme mesure » metron. 16 Denys lâArĂ©opagyte, HiĂ©rarchie cĂ©leste, 3, 1-2 Roques, Heil & de Candillac 1958. 17 Treitinger 1938, 49-123. TĂ©moin de cette formalisation des rituels, dont la mise en place remonte Ă lâAntiquitĂ© tardive, SynĂ©sios, dans son discours Sur la royautĂ©, critique violemment ce quâil considĂšre comme une dĂ©rive barbare ; il dĂ©nonce lâapprĂ©hension quâont les empereurs de se ravaler au rang de simples mortels » en se rendant accessibles Ă tous Vous ressemblez, dit-il, au prisonnier qui, sous des chaĂźnes et des biens dâune inestimable valeur, ne comprendrait pas sa misĂšre⊠Vous menez la vie recluse de lĂ©zards hĂ©sitant Ă tirer la tĂȘte Ă la lumiĂšre, de crainte que les hommes ne constatent que vous ĂȘtes des hommes comme eux » 1076 c et 1080 b-c Lacombrade 1951. 18 Dagron 2002, 30. Aux Xe-XIe siĂšcles encore, le mutisme de lâempereur est presque absolu lors des rĂ©ceptions officielles câest un maĂźtre des cĂ©rĂ©monies qui, normalement, parle en son nom ; les quelques exceptions figurant dans le Livre des CĂ©rĂ©monies sont des cas oĂč lâempereur se contente de prononcer un seul mot⊠en latin cf. Grabar 1971, 200. 19 Cf. Guilland 1959. 20 Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, CĂ©r. 1, 47 Vogt 1939, 2. 21 Cf. Guilland 1966-1967, 258. 22 Voir par exemple CĂ©r. 1, 1 Vogt 1935, 10-11 et 26 procession Ă la Grande Ăglise ; 1, 32 Vogt 1935, 122 fĂȘte de la Sainte Naissance ; 1, 35 Vogt 1935, 134 fĂȘte des LumiĂšres ; 1, 45 Vogt 1935, 174 cortĂšge de lâunion de lâĂglise. 23 Dagron 1996, 104, 116. 24 Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, CĂ©r. 1, 69 Vogt 1939, 84-85. 25 Sur lâakakia, voir Treitinger 1938, 117 ; Kazhdan 1991. 26 Cf. CĂ©r. 1, 1 Vogt 1935, 20 tenue de lâempereur le jour de PĂąques ; 1, 9 Vogt 1935, 57 tenue de lâempereur lors de la fĂȘte de la PentecĂŽte ; 1, 46 Vogt 1935, 175 tenue des souverains lors des fĂȘtes et cortĂšges. 27 Cf. Underwood & Hawkins 1961, 195-196 et fig. 1 et 8. Lâakakia est Ă©galement figurĂ©e sur diverses monnaies byzantines Constantin V, Constantin VIIIâŠ, et on la distingue nettement dans certaines miniatures reprĂ©sentant des empereurs en costume dâapparat Jean VI CantacuzĂšne dans le Par. gr. 1242 cf. Grabar 1936, pl. VI, 2 et XXII, 2 ; Grabar 1953, 184. 28 Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, CĂ©r. 2, 40 Reiske 1829, 638. Voir Dagron 1996, 350. 29 Pseudo-Kodinos, TraitĂ© des offices, ch. IV, Verpeaux 1966, 201-202 CĂ©rĂ©monial des fĂȘtes du Seigneur ». Sur ce texte, voir Grabar 1971. 30 SymĂ©on de Thessalonique, De sancto templo, ch. 148, PG, 155, col. 356 ⊠ᜎΜ áŒÎșαÎș᜷αΜ, ᜠÏÎ”Ï ÏοῊ áŒÎčΜ áŒÎœ ÎŒÎ±ÎœÎŽÏ Î»áœ·, ηΌαáżÎœÎżÎœ ᜞ ÏΞαÏ᜞Μ áż áŒÏÏáż Îșα᜶ ᜎΜ áŒÎș Îżáœ»ÎżÏ Î±ÏΔ᜷ΜÎčΜ. 31 LĂ©ontios de NĂ©apolis, Vie de Jean de Chypre, chap. 17, FestugiĂšre & Ryden 1974, 365 texte grec et 467 traduction. 32 Cf. Vasiliev 1932, 159. 33 Sur les cĂ©rĂ©monies du triomphe, voir Cagnat 1919 ; Ehlers 1939 ; Versnel 1970 ; Scheid 1986. 34 Cf. Pline, NH, 33, 111 ; Tite-Live, 10, 7, 10. 35 Pline, NH, 28, 39 lâeffigie du dieu Fascinus est suspendue sous le char des triomphateurs en guise de mĂ©decin contre lâenvie » invidia, tandis quâ une voix ayant pareille fonction curatrice leur ordonne de se retourner afin de conjurer derriĂšre eux la Fortune, ce bourreau de la gloire » ; Tertullien, ApologĂ©tique, 33, 4 On rappelle quâil est un homme, le jour mĂȘme du triomphe, quand il est assis sur le plus sublime des chars ; dans son dos, on lui suggĂšre âRegarde derriĂšre toi ! Souviens-toi que tu es hommeâ » ; JĂ©rĂŽme, Ep. 39, 2, 8 Ă propos de saint Paul et son Ă©charde dans la chair » Pour abaisser la superbe des rĂ©vĂ©lations, il lui est adjoint une sorte de moniteur de lâhumaine faiblesse, comme câĂ©tait le cas pour les triomphateurs, aux cĂŽtĂ©s desquels se tenait, Ă lâarriĂšre du char, un compagnon qui, chaque fois que les citoyens poussaient des acclamations, disait âSouviens-toi que tu es un homme !â » ; Isidore de SĂ©ville, sâĂ©tant mĂ©pris sur le sens du texte de Pline, imagine les triomphateurs flanquĂ©s dâun bourreau » carnifice, destinĂ© Ă leur rappeler la mĂ©diocritĂ© humaine » Ătym. 18, 2, 6. 36 ĂpictĂšte, Entretiens, 3, 24, 85 Fais obstacle Ă la maniĂšre de ceux qui se tiennent en arriĂšre des triomphateurs et leur rappellent quâils sont des hommes » ; Dion Cassius, 6, 21 ap. Zonaras, 7, 21, 9 description du triomphe de Camille, en 396 avant Un serviteur public se tenait sur le char, Ă ses cĂŽtĂ©s, soutenant sa couronne de pierres prĂ©cieuses serties dâor, et il lui disait âRegarde derriĂšre toi áœÏ᜷ ÎČÎ»áœłÏΔ ᜞ ÎșαáœčÏÎčΜ, songe Ă la suite de ton existence, ne te laisse pas exalter par le prĂ©sent, ne sois pas arrogant !â ; au char Ă©taient attachĂ©s une clochette et un fouet, pour lui montrer quâil pouvait lui aussi connaĂźtre le malheur au point de subir des outrages et dâĂȘtre condamnĂ© Ă mort car il Ă©tait dâusage que les gens condamnĂ©s Ă mort pour quelque offense portent une clochette, afin que nul ne contracte de souillure, en tombant sur eux en cours de route » ; on retrouve les mĂȘmes dĂ©tails chez TzetzĂšs, Ep. 97 et Chil. 13, hist. 461. Par ailleurs, il semble quâĂlien, auteur latin dâexpression grecque, se soit souvenu des usages du triomphe romain lorsquâil attribue Ă Philippe de MacĂ©doine les prĂ©cautions suivantes contre lâhybris AprĂšs avoir vaincu les AthĂ©niens Ă ChĂ©ronĂ©e, Philippe, bien quâexaltĂ© par le succĂšs, contint nĂ©anmoins sa pensĂ©e et ne se montra pas arrogant ÎżáœÏ áœÎČÏÎčΔ. Câest prĂ©cisĂ©ment pourquoi il jugea nĂ©cessaire de se faire rappeler dĂšs lâaube par lâun de ses esclaves quâil Ă©tait un homme, et il commanda Ă cet esclave de se vouer Ă la tĂąche en question. Ă ce que lâon dit, lui-mĂȘme ne sortait pas, et aucun de ceux qui venaient le solliciter ne lâapprochait, avant que lâesclave ne lui eĂ»t, chaque jour, criĂ© Ă trois reprises cet avertissement. Il lui disait âPhilippe, tu es un homme !â » HV, 8, 15. 37 Cf. SuĂ©tone, CĂ©sar, 49 ; Denys dâHalicarnasse, AR, 7, 72, 11. 38 SĂ©minaire du 3 octobre 1996 CollĂšge de France. 39 Choricios de Gaza, Îáœčγο áœÏáœČÏ Îœ áŒÎœ ÎÎčÎżÎœáœ»ÎżÏ áœžÎœ ÎČáœ·ÎżÎœ ΔጰÎșÎżÎœÎčζáœčΜΜ, 119-122 Förster & Richtsteig 1972, 371-372. 40 RĂ©cit sur la construction du temple de la Grande Ăglise, 5 Preger 1901, 80 ; trad. Dagron 1984, 198-199. 41 Cf. Dagron 1984, 222. 42 Pseudo-Kodinos, TraitĂ© des offices, XII, Verpeaux 1966, 228-229. Sur cette cĂ©rĂ©monie, voir Treitinger 1938, 126-128 ; il sâagit dâun rite ancien importĂ© » tardivement au palais impĂ©rial il Ă©tait, semble-t-il, en usage Ă lâĂ©glise dĂšs la fin du IVe siĂšcle voir PĂ©tridĂšs 1899. 43 Jean, 13, 16 Osty & Trinquet 1974. 44 Voir Grabar 1971, 200-201. 45 Cf. Hunger 1978, 157-165 ; Blum 1981. 46 Formule empruntĂ©e Ă Prinzing 1988. 47 LâEkthesis dâAgapet est destinĂ©e Ă Justinien 527-565, le Îáœčγο ÎœÎżÏ ÎžÎ”Î·ÎčÎș᜞ ÏÏ᜞ ÎČαÎčÎ»áœłÎ± fut peut-ĂȘtre composĂ© Ă lâintention dâAlexis Ier ComnĂšne 1081-1118. 48 LâarchevĂȘque ThĂ©ophylacte de Bulgarie sâadresse Ă Constantin Doukas, fils de lâempereur Michel VII 1071-1078 ; NicĂ©phore BlemmydĂšs Ă©crit pour le futur empereur ThĂ©odore II Laskaris 1254-1258 ; 49 Thomas Magister destine son miroir des princes au jeune Constantin, fils dâAndronic II PalĂ©ologue 1282-1328. ThĂ©ophylacte et Thomas Magister Ă©taient les prĂ©cepteurs respectifs de Constantin Doukas et Constantin PalĂ©ologue. 49. Il sâagit des discours de Justin II Ă TibĂšre a. 574 et de TibĂšre Ă Maurice a. 582 chez ThĂ©ophylacte SimokattĂšs Historiae, 1, 1, 5-20 et 3, 11, 8-11, du discours de Joasaph Ă Barachias dans Barlaam ch. 36, § 331-335. 50 Voir Anastasi 1976. 51 Sur la postĂ©ritĂ© dâAgapet, voir Sevcenko 1978. 52 Voir Sevcenko 1954. 53 Cf. Sevcenko 1954, 163-164. 54 Cf. Gautier 1980, 48. 55 Cf. Dujcev 1965, 117-118. 56 Ădition synoptique des deux textes par Hunger 1986. 57 Cf. Hadot 1969. 58 Manuel II PalĂ©ologue, Praecepta, PG, 156, col. 317. 59 Isocrate, Ă NicoclĂšs, 37. 60 Ap. StobĂ©e, 6, 22 Delatte 1942, 26 texte grec et 47 traduction. Delatte place la composition du traitĂ© dâEcphante Ă une date assez rĂ©cente Ier ou IIe siĂšcle aprĂšs 61 Le poids des modĂšles antiques est particuliĂšrement sensible dans le dĂ©veloppement oĂč ThĂ©ophylacte prĂ©sente Ă son jeune Ă©lĂšve les traits distinctifs de la tyrannie et de la royautĂ© et trace un portrait classique de tyran qui ne fait confiance Ă personne, nâa aucun ami, se rend ou suppose tous les hommes ennemis » et ne cesse de couper les Ă©pis dont la tĂȘte dĂ©passe » Gautier 1980, 196 â souvenir Ă©vident du passage cĂ©lĂšbre oĂč HĂ©rodote Ă©voque le conseil du tyran Thrasybule Ă PĂ©riandre 5, 92. 62 Câest en raison mĂȘme de cette ambivalence que lâEkthesis a pu ĂȘtre exploitĂ©e au XVIe siĂšcle Ă la fois par les partisans du tsar Ivan le Terrible et par ses adversaires, les premiers gommant tout ce qui avait trait Ă la fragilitĂ© de lâempereur en tant quâhomme, tandis que les seconds insistaient au contraire sur lâaspect humain du prince ! Voir Sevcenko 1954, 173-178. 63 Agapet, Ekthesis, ch. 21. Ce passage a Ă©tĂ© intĂ©gralement repris dans Barlaam pour caractĂ©riser Joasaph ch. 33, § 306 ; par ailleurs, il est citĂ© dans les Loci communes du Pseudo-Maxime ch. 9, no 72 /75 et no 73 / 76 et dans le florilĂšge dâAntoine Melissa, qui en attribue indĂ»ment la paternitĂ© Ă Philon dâAlexandrie II, 2, col. 1012 B. 64 Dagron 1996, 37-38. Voir Marc AurĂšle, PensĂ©es, 4, 48 ConsidĂ©rer sans cesse⊠combien de tyrans qui, avec un terrible orgueil ÏÏÏ áœ±ÎłÎŒÎ±Îż, comme sâils Ă©taient immortels, avaient abusĂ© de leur pouvoir sur la vie des hommes » ; 8, 5 Dans peu de temps, tu ne seras rien nulle part, pas plus quâHadrien ou Auguste » ; 8, 25 Se souvenir quâil faudra soit que ton ĂȘtre composite se disperse, soit que ton souffle sâĂ©teigne ou sâen aille et soit affectĂ© ailleurs ». 65 Gen. 3, 19 Dogniez et al. 2001. 66 Gen. 18, 27 áŒÎłáœœ ΔጰΌÎč Îłáż Îșα᜶ ÏοΎáœč. 67 Job, 10, 9 ÏηλáœčΜ ΌΔ áŒÏλαα, Δጰ ÎŽáœČ ÎłáżÎœ ΌΔ ÏᜱλÎčΜ áŒÏÎżÏáœłÏΔÎč ; 30, 19 áŒ„ÎłÎ·Î±Îč ÎŽáœł ΌΔ ጎα ÏηλÍ, áŒÎœ ÎłáżÍ Îșα᜶ ÏÎżÎŽÍ ÎŒÎżÏ áŒĄ ÎŒáœłÏÎč. 68 Sag. 7, 1 ÎጰΌ᜶ ÎŒáœČΜ ÎșáŒÎłáœŒ ΞΜη᜞ áŒÎœÎžÏÏÎż, áŒŽÎż ጠÏαÎčΜ Îșα᜶ ÎłÎ·ÎłÎ”ÎœÎżáżŠ áŒÏáœčÎłÎżÎœÎż ÏÏÎżÏÎ»áœ±ÎżÏ . 69 Sir. 10, 9-11 ᜷ áœÏΔÏηÏαΜΔ᜻ΔαÎč Îłáż Îșα᜶ ÏοΎáœč ; 17, 32 áŒÎœÎžÏÏÎżÎč ÏᜱΜΔ Îłáż Îșα᜶ ÏοΎáœč. La plupart des formules qui viennent dâĂȘtre citĂ©es n. 65-69 ont Ă©tĂ© abondamment exploitĂ©es dans les homĂ©lies des PĂšres de lâĂglise notamment chez Jean Chrysostome et se retrouvent en de multiples exemplaires dans les florilĂšges monastiques cf. Antoine Melissa, II, 73, col. 1173 D et 1176 A rĂ©fĂ©rence Ă Gen. 18, 27 et Ă Job, 30, 19 ; II, 74, col. 1181 B rĂ©fĂ©rence Ă Sir. 10, 9-11. La formule terre et cendre » est typique de lâimaginaire chrĂ©tien les Grecs de lâAntiquitĂ© classique voyaient lâhomme comme un composĂ© de terre et dâeau cf. Vernant 1979, 76-78. 70 Pseudo-Basile I, Parenesis, ch. 14 ΠΔÏ᜶ αÏΔÎčÎœÎżÏÏÎżáœ»ÎœÎ·, col. XXVIII C. 71 Photius, Lettre Ă Michel de Bulgarie, l. 619-622. 72 ThĂ©ognostos, Thesaurus, § 1. 73 NicĂ©phore BlemmydĂšs, Basilikos Andrias, ch. 35 et 39. 74 Thomas Magister, De regis officiis, ch. 2. 75 Agapet, Ekthesis, ch. 68. Dans la liturgie mĂȘme, lâempereur Ă©tait dĂ©signĂ© comme esclave » de Dieu Ă lâinstar des autres hommes voir les passages consacrĂ©s aux rites propres Ă la Cour dans lâeuchologe du Barberini gr. 336 VIIIe siĂšcle, le plus ancien et le plus cĂ©lĂšbre des euchologes byzantins, ouvrages oĂč sont consignĂ©s les formulaires et priĂšres en usage dans la liturgie cf. § 171, 175, 177 et § 174, oĂč lâempereur est censĂ© courber la nuque » devant le seul Roi des hommes, au mĂȘme titre que tous les autres fidĂšles Parenti & Velkovska 1995, 195, 199, 200 et 198. 76 Barlaam, ch. 36, § 333 ; le mĂȘme motif est repris au § 334 Barachias devra se montrer indulgent avec les fautes de ses compagnons dâesclavage » áœÎŒÎżÎŽÎżáœ»Î»ÎżÏ , sâil veut bĂ©nĂ©ficier lui-mĂȘme de lâindulgence divine. 77 Pseudo-Basile I, Parenesis, ch. 14 ΠΔÏ᜶ αÏΔÎčÎœÎżÏÏÎżáœ»ÎœÎ·, col. XXVIII C. 78 Manuel II, Praecepta, ch. 7. 79 ThĂ©ophylacte SimokattĂšs, Historiae, 3, 11, 9. 80 ThĂ©ognostos, Thesaurus, § 4 et 14 cf. Matthieu, 19, 23. 81 EusĂšbe, Louanges de Constantin, 18, 3 Maraval 2001 Tu pourrais nous exposer en dĂ©tail, de la maniĂšre qui convient, les secours manifestes de ton Dieu, ton champion et ton protecteur, dans les guerres, la destruction des ennemis et des comploteurs, la protection de sa droite dans les dangers, la solution dans les difficultĂ©s, le soutien dans la solitude, les trouvailles dans les impasses, la prescience du futur, la prudente prĂ©voyance pour le bien gĂ©nĂ©ral, la dĂ©cision dans les incertitudes, les plans pour les grandes entreprises, les dĂ©cisions politiques, lâadministration de lâarmĂ©e, la correction de toute chose, les dĂ©crets pour le bien public, les lois utiles Ă la vie ». 82 ThĂ©ognostos, Thesaurus, § 1 áŒÎœ Îłáœ°Ï áżÍ ÏΔÎčÏ᜶ Îżáœ»ÎżÏ áŒĄ ᜎ ÎșαÏΎ᜷α. 83 Prov. 21, 1 dâHamonville 2000. Dagron 1968, 150-153, signale trois rĂ©fĂ©rences au mĂȘme verset des Proverbes dans les discours du paĂŻen ThĂ©mistios â signe que ce passage Ă©tait dĂ©jĂ au IVe siĂšcle un lieu commun de la rhĂ©torique chrĂ©tienne. 84 Antoine Melissa, Loci communes, II, 1, col. 1000 D. 85 Photius, Lettre Ă Michel de Bulgarie, l. 1165-1169. 86 Pseudo-Basile I, Parenesis, ch. 65 ΠΔÏ᜶ οῊ Όᜎ áŒÏα᜷ÏΔΞαÎč, col. LIII D â LVI A. Sur la transcription iconographique de ce motif, voir Jolivet-LĂ©vy 1987, 450 portrait de Basile II entourĂ© de saints guerriers, symbolisant lâorigine divine des victoires impĂ©riales. 87 Manuel II, Praecepta, § 13 et 42. 88 ThĂ©ophylacte SimokattĂšs, Historiae, 1, 1, 6 et 16-18. La formule áœÏηλáœčΜ Îșα᜶ ÎŒÎ”áœłÏÎżÎœ est empruntĂ©e Ă IsaĂŻe, 2, 12. 89 Agapet, Ekthesis, ch. 14. 90 Barlaam, ch. 36, § 332. 91 Barlaam, ch. 33, § 306. 92 Photius, Lettre Ă Michel de Bulgarie, l. 1197. 93 Alexis Ier ComnĂšne, Les Muses, I, 408-413. 94 Or. 19 ÌÎÏ᜶ áżÍ ÏÎčλαΜΞÏÏáœ·áŸł οῊ αáœÎżÎșÏáœ±ÎżÏÎż ÎÎ”ÎżÎŽÎżáœ·ÎżÏ , 226 d â 227 a. 95 Sur cette Ă©volution sĂ©mantique du terme ÏÏα᜻η, voir Spicq 1947, 324-332. 96 Isocrate figure parmi les sources mentionnĂ©es dans le prologue des Praecepta, et il est Ă nouveau citĂ© au chapitre 15. 97 Souvenir possible de Jean Chrysostome pour qui le diptyque du Pharisien et du Publicain Luc, 18, 9-14 est lâillustration parfaite des avantages de lâhumilitĂ© et des dangers du fol orgueil áŒÏáœčÎœÎżÎčα Le fol orgueil peut faire descendre des cieux mĂȘmes celui qui se montre inattentif, tandis que lâhumilitĂ© peut Ă©lever dans les hauteurs, depuis lâabĂźme mĂȘme des pĂ©chĂ©s, celui qui sait garder la mesure » De profectu Evangelii 1-2, PG, 51, col. 311-312. 98 BlemmydĂšs a apparemment confondu ce personnage avec BellĂ©rophon ; la paraphrase de GalasiotĂšs attribue explicitement lâentreprise dâHipponoos Ă lâáŒÏαÏÎč. 99 Lycaon, pour mettre Zeus Ă lâĂ©preuve, lui fit servir de la chair humaine, et le dieu le punit en foudroyant ses cinquante fils. 100 Ici encore, la paraphrase est plus prĂ©cise et condamne explicitement SalmonĂ©e en Ă©voquant son fol orgueil áŒÏÎżÎœÎżáœ·Î± et son áŒÏαÏÎč. Sur ce personnage, voir Apollodore, 1, 9, 7 Plein dâinsolence áœÎČÏÎč᜔, il voulait sâĂ©galer Ă Zeus et fut chĂątiĂ© pour son impiĂ©tĂ©. Il disait quâil Ă©tait lui-mĂȘme Zeus. Retirant au dieu ses sacrifices, il ordonna quâils soient offerts Ă lui-mĂȘme. Il traĂźnait, accrochĂ©s Ă un char, des outres de peau sĂ©chĂ©e et des chaudrons de bronze, et prĂ©tendait que câĂ©tait le tonnerre ; et lançant vers le ciel des torches enflammĂ©es, il affirmait que câĂ©taient des Ă©clairs. Zeus le foudroya et fit disparaĂźtre la citĂ© quâil avait fondĂ©e et tous ses habitants ». 101 Il sâagit du feu de lâáŒÏ Ï᜷α et de la αÏΔ᜷ΜÎč », explique la paraphrase. 102 Cf. Dion Chrysostome, Or. 1, 46 celui qui se montre irrespectueux envers la divinitĂ© qui lui a donnĂ© le pouvoir ressemble Ă PhaĂ©thon, juchĂ© de maniĂšre inconvenante ÏαÏᜰ ÎŒÎżáżÏαΜ sur un char puissant et divin, sans ĂȘtre capable de le conduire » ; Or. 4, 118-122 lâesprit toujours exaltĂ© » áŒÎ”᜶ ÎŒÎ”áœłÏÎż des hommes passionnĂ©s de gloire Ă©voque lâaventure violente et contre nature dâIcare » ; Lucien, Le Coq, 23 la chute fracassante dâIcare fait penser aux naufrages infamants » de CrĂ©sus ou Denys de Syracuse ; Julien, Or. 3, 83 d lâhomme, une fois nanti de la puissance royale, sâexalte et devient excessivement hautain αጎÏΔαÎč ÎŒÎ”áœłÏÎż áŒÏ᜷ÏαΜ ; son sort ne diffĂšre en rien de la tragique histoire de PhaĂ©thon ». 103 BlemmydĂšs emploie le terme ΌΔÏÎčÎżÏÏÎżÎœÎœ, que la paraphrase transpose, dans le registre chrĂ©tien, en αÏΔÎčΜáœčÏÏΜ. 104 Dans la paraphrase, le motif figure trĂšs explicitement, en commentaire Ă la formule alambiquĂ©e de BlemmydĂšs αáœÎżáżŠ οῊ ΧÏÎčοῊ οῊ áŒÎ»Î·ÎžÎčÎœÎżáżŠÍ ÎΔοῊ áŒĄÎŒÎœ áŒÎč ÎŒÎčΌη᜔. 105 Cf. Dagron 1996, 20-21 Le passage au christianisme a autant modifiĂ© les donnĂ©es de la politique que celles de la religion » ; 114 La christianisation du pouvoir romain sâest faite, au IVe siĂšcle, en grande partie par lâinterposition dâimages bibliques ». 106 Pour le Moyen Ăge occidental, voir Reydellet 1985 ; pour Byzance, Dagron 1996, 68-69 La royautĂ©, son origine et la nature, sacerdotale ou non, de sa fonction sont lâun des grands sujets de lâAncien Testament, et un lecteur byzantin pouvait y puiser quelques idĂ©es maĂźtresses ». 107 Exode, 18, 21 Dogniez et al. 2001 áŒÎœÎŽÏα ÎŽÎčÎșÎ±áœ·ÎżÏ ÎŒÎčÎżáżŠÎœÎ± áœÏΔÏηÏαΜ᜷αΜ. 108 Deut., 17, 20 Dogniez et al. 2001 ጔΜα Όᜎ áœÏΞáżÍ áŒĄ ÎșαÏΎ᜷α αáœÎżáżŠ áŒÏ᜞ Μ áŒÎŽÎ”λÏΜ αáœÎżáżŠ. 109 Cf. LĂ©v., 29, 19 ᜎΜ áœÎČÏÎčΜ áż áœÏΔÏηÏαΜ᜷α ; Esther, 4, 17 d ÎżáœÎș áŒÎœ áœÎČÏΔÎč ÎżáœÎŽáœČ áŒÎœ áœÏΔÏηÏÎ±Îœáœ·áŸł ; 2 Macc., 1, 28 áŒÎŸÏ ÎČÏáœ·Î¶ÎżÎœÎ± áŒÎœ áœÏΔÏηÏÎ±Îœáœ·áŸł ; Prov., 8, 13 áœÎČÏÎčΜ Δ Îșα᜶ áœÏΔÏηÏαΜ᜷αΜ ; IsaĂŻe, 2, 12 áœÎČÏÎčᜎΜ Îșα᜶ áœÏΔÏ᜔ÏÎ±ÎœÎżÎœ ; 13, 11 áœÎČÏÎčΜ áœÏΔÏηÏᜱΜΜ ; JĂ©r., 31, 29 áœÎČÏÎčΜ αáœÎżáżŠ Îșα᜶ áœÏΔÏηÏαΜ᜷αΜ αáœÎżáżŠâŠ 110 Prov., 16, 5 ; 3, 34 dâHamonville 2000. 111 Jacques, 4, 6 et 1 Pierre, 5, 5. 112 Cf. Ăvagre, Schol. Prov. 39 GĂ©hin 1987 Le Seigneur rĂ©siste aux orgueilleux, en ce quâil est lui-mĂȘme humilitĂ© » Îżáż áœÏΔÏηÏáœ±ÎœÎżÎč áœĄ αÏΔÎčÎœÎżÏÏÎżáœ»ÎœÎ· áŒÎœÎčᜱΔαÎč. 113 On rencontre ce verset, Ă trois reprises, dans les chapitres consacrĂ©s par Antoine Melissa aux humbles et aux orgueilleux II, 73, col. 1176 B et 1177 A ; II, 74, col. 1180 D. 114 Lettre dâAristĂ©e Ă Philocrate, § 262 Pelletier 1962. 115 Trad. ĆcumĂ©nique 2004. 116 Nombres, 12, 3 Dogniez et al. 2001. Sâappliquant Ă montrer quâaucune vertu chrĂ©tienne nâest plus admirable que lâhumilitĂ©, Jean Chrysostome invoque prĂ©cisĂ©ment ce passage, oĂč MoĂŻse est dĂ©crit comme le plus doux de tous les hommes », et il loue le chef des HĂ©breux de sâĂȘtre montrĂ© si humble » alors quâil dirigeait un peuple si nombreux In Ep. 1 ad Cor. 1, 2, PG, 61, col. 15. 117 Cf. 2 Regn. 6 ; 12 ; 16. LâĂ©pisode de David et AbishaĂŻ est souvent citĂ© dans les florilĂšges, comme exemple dâhumilitĂ© cf. Antoine Melissa, II, 1, col. 997 A ; II, 73, col. 1173 D. Ce mĂȘme Ă©pisode est invoquĂ© aussi dans le Thesaurus de ThĂ©ognostos pour illustrer lâáŒÎœÎ”ΟÎčÎșαÎș᜷α du trĂšs doux David » ÏÏαáœčÎ±ÎżÎœ. Jolivet-LĂ©vy 1987, 461, signale la prĂ©sence dâune personnification de la Î Ïαáœčη aux cĂŽtĂ©s de David dans lâune des miniatures du Psautier de Paris Paris. gr. 139. 118 1 Par. 29, 11-17 Îżáœ·, Îș᜻ÏÎčΔ, áŒĄ ÎŒÎ”ÎłÎ±Î»áœ»ÎœÎ· Îșα᜶ áŒĄ Ύ᜻ΜαΌÎč Îșα᜶ ᜞ Îșα᜻ÏηΌα Îșα᜶ áŒĄ Μ᜷Îșη Îșα᜶ áŒĄ ጰÏ᜻, ᜠÎč áœș ÏᜱΜΜ Μ áŒÎœ Í ÎżáœÏÎ±ÎœÍ Îșα᜶ áŒÏ᜶ ῠγῠΎΔÏáœčζΔÎč, áŒÏ᜞ ÏÏÎżáœœÏÎżÏ ÎżÏ Î±ÏᜱΔαÎč Ï៶ ÎČαÎčλΔáœș Îșα᜶ áŒÎžÎœÎż. ÏαÏᜰ οῊ ᜠÏλοῊο Îșα᜶ áŒĄ ÎŽáœčΟα, áœș ÏᜱΜΜ áŒÏÏΔÎč, Îș᜻ÏÎčΔ ᜠáŒÏÏΜ Ïᜱη áŒÏÏáż, Îșα᜶ áŒÎœ ÏΔÎčÏ᜷ ÎżÏ áŒ°Ïáœș Îșα᜶ ÎŽÏ ÎœÎ±Î”áœ·Î±, Îșα᜶ áŒÎœ ÏΔÎčÏ᜷ ÎżÏ , ÏÎ±ÎœÎżÎșÏᜱÏ, ÎŒÎ”ÎłÎ±Î»áżŠÎœÎ±Îč Îșα᜶ ÎșαÎčÏῊαÎč ᜰ ÏᜱΜα⊠Îșα᜶ ᜷ ΔጰΌÎč áŒÎłáœœ ÍŸ âŠáœ° ᜰ ÏᜱΜα⊠ÏᜱÏÎżÎčÎșÎżáœ· áŒÎŒÎ”Μ áŒÎœÎ±Îœáœ·ÎżÎœ ÎżÏ âŠ áœĄ ÎșÎčᜰ αጱ áŒĄÎŒáœłÏαÎč áŒĄÎŒÎœ áŒÏ᜶ ÎłáżâŠ Îșα᜶ áŒÎłÎœÎœ, Îș᜻ÏÎčΔ, ᜠÎč áœș Δጶ ᜠáŒáœ±Î¶Îœ ÎșαÏΎ᜷α Îșα᜶ ÎŽÎčÎșαÎčÎżáœ»ÎœÎ·Îœ áŒÎłÎ±Ï៷. 119 Matthieu, 11, 29 Osty & Trinquet 1974. Dans le chapitre quâAntoine Melissa consacre Ă lâhumilitĂ© II, 84 ΠΔÏ᜶ ÏÏÎ±áœ»Î·Îż Îșα᜶ ΔáœÎ»Î±ÎČΔ᜷α, sont Ă©voquĂ©es Ă la fois la douceur » de MoĂŻse col. 1201 B cf. Nombres, 12, 3 et celle du Christ col. 1201 D dâap. Matthieu, 11, 29. 120 Marc, 9, 35 Osty & Trinquet 1974. Dans la cinquiĂšme de ses CatĂ©chĂšses l. 610 sq., SymĂ©on le Nouveau ThĂ©ologien rappelle aux rois et gouverneurs cette parole du Christ, qui a inspirĂ© Ă saint Paul la formule fameuse Je me complais dans les faiblesses, dans les outrages áŒÎœ áœÎČÏΔÎčΜ, dans les dĂ©tresses, dans les persĂ©cutions et les angoisses pour Christ ; car lorsque je suis faible, câest alors que je suis fort » 2 Cor. 12, 10 Osty & Trinquet 1974. 121 Ambroise, Apologie de David, 81 Cordier 1977. 122 2 Par. 26, 16-19. 123 4 Regn. 19, 28. 124 2 Macc. 9, 8-12 trad. ĆcumĂ©nique 2004. Sort prĂ©dit par Mattathias, en 1 Macc. 2, 62-63 trad. ĆcumĂ©nique 2004 Ne craignez pas les menaces de lâhomme pĂ©cheur, car sa gloire sâen va vers la pourriture et les vers. Aujourdâhui il sâĂ©lĂšve, et demain on ne le trouvera plus, car il sera retournĂ© Ă sa poussiĂšre Δጰ ᜞Μ ÏÎżáżŠÎœ αáœÎżáżŠ et ses projets seront anĂ©antis ». 125 IsaĂŻe, 2, 11-17 Îșα᜶ αÏΔÎčΜΞ᜔ΔαÎč ᜞ áœÏÎż Μ áŒÎœÎžÏ᜜ÏΜ, Îșα᜶ áœÏΞ᜔ΔαÎč Îș᜻ÏÎčÎż ÎŒáœčÎœÎż áŒÎœ áżÍ áŒĄÎŒáœłÏáŸł áŒÎșΔ᜷Μáż. áŒĄÎŒáœłÏα Îłáœ°Ï ÎșÏ Ïáœ·ÎżÏ Î±ÎČαΞ áŒÏ᜶ ÏᜱΜα áœÎČÏÎčᜎΜ Îșα᜶ áœÏΔÏ᜔ÏÎ±ÎœÎżÎœ Îșα᜶ áŒÏ᜶ ÏᜱΜα áœÏηλ᜞Μ Îșα᜶ ÎŒÎ”áœłÏÎżÎœ, Îșα᜶ αÏΔÎčÎœÎžáœ”ÎżÎœÎ±Îč, Îșα᜶ áŒÏ᜶ Ï៶αΜ ÎșáœłÎŽÏÎżÎœ οῊ ÎÎčÎČáœ±ÎœÎżÏ Îœ áœÏηλΜ Îșα᜶ ΌΔΔ᜜ÏΜ Îșα᜶ áŒÏ᜶ Ï៶Μ ÎŽáœłÎœÎŽÏÎżÎœ ÎČÎ±Î»áœ±ÎœÎżÏ ÎααΜ Îșα᜶ áŒÏ᜶ Ï៶Μ áœÏÎż Îșα᜶ áŒÏ᜶ ÏᜱΜα ÎČÎżÏ ÎœáœžÎœ áœÏηλ᜞Μ Îșα᜶ áŒÏ᜶ ÏᜱΜα Ï᜻ÏÎłÎżÎœ áœÏηλ᜞Μ Îșα᜶ áŒÏ᜶ Ï៶Μ ΔáżÏÎż áœÏηλ᜞Μ Îșα᜶ áŒÏ᜶ Ï៶Μ ÏλοáżÎżÎœ Ξαλᜱη Îșα᜶ áŒÏ᜶ Ï៶αΜ ÎžáœłÎ±Îœ ÏÎ»Îżáœ·Îœ Îșáœ±Î»Î»ÎżÏ Î Îșα᜶ αÏΔÎčΜΞ᜔ΔαÎč Ï៶ áŒÎœÎžÏÏÎż, Îșα᜶ ÏΔΔáżÎ±Îč áœÏÎż áŒÎœÎžÏ᜜ÏΜ, Îșα᜶ áœÏΞ᜔ΔαÎč Îș᜻ÏÎčÎż ÎŒáœčÎœÎż áŒÎœ áż áŒĄÎŒáœłÏáŸł áŒÎșΔ᜷Μáż. 126 IsaĂŻe, 10, 12-15. Le roi en question pourrait ĂȘtre Sargon II 721-705, prĂ©dĂ©cesseur et pĂšre de SennachĂ©rib. 127 IsaĂŻe, 14, 13-14 Îጰ ᜞Μ ÎżáœÏαΜ᜞Μ áŒÎœÎ±ÎČáœ”ÎżÎŒÎ±Îč, áŒÏᜱΜ Μ áŒÏΜ οῊ ÎżáœÏÎ±ÎœÎżáżŠ Ξ᜔ ᜞Μ ΞÏáœčÎœÎżÎœ ÎŒÎżÏ , ÎșαΞÎč áŒÎœ áœÏΔÎč áœÏÎ·Î»Í áŒÏ᜶ ᜰ áœÏη ᜰ áœÏηλᜰ ᜰ ÏÏ᜞ ÎČÎżÏÏ៶Μ, áŒÎœÎ±ÎČáœ”ÎżÎŒÎ±Îč áŒÏᜱΜ Μ ΜΔÏΔλΜ, áŒÎżÎŒÎ±Îč áœ ÎŒÎżÎčÎż Í áœÏ᜷. Ce roi de Babylone pourrait ĂȘtre Nabuchodonosor II 604-562 ou Nabonide 556-539. 128 Sur ce passage, voir Grelot 1956 qui renvoie Ă Gordon 1949, 44 texte 49 I. Le mythe dâAttar, surnommĂ© le Brillant » Helel, est, dâaprĂšs Grelot, un ancien mythe astral, Ă comparer avec ceux de PhaĂ©thon et de Lucifer. Le texte dâIsaĂŻe 14 a dâailleurs Ă©tĂ© utilisĂ© par les PĂšres de lâĂglise pour Ă©voquer la chute de Satan, comme lâa montrĂ© Jamel Attar Ă propos de GrĂ©goire de Nazianze voir Attar 2006. 129 IsaĂŻe, 14, 11-12 et 15. 130 ĂzĂ©chiel, 17, 24 áŒÎłáœŒ Îș᜻ÏÎčÎż ᜠαÏΔÎčΜΜ ÎŸáœ»Î»ÎżÎœ áœÏηλ᜞Μ Îșα᜶ áœÏΜ ÎŸáœ»Î»ÎżÎœ αÏΔÎčΜáœčΜ. Formule souvent reprise dans les florilĂšges voir par exemple Antoine Melissa, II, 73, col. 1176 B. 131 ĂzĂ©chiel, 28, 2. 132 ĂzĂ©chiel, 31, 10-14. 133 Daniel, 4, 10 sq. Îșα᜶ áŒ°ÎŽÎżáœș ÎŽáœłÎœÎŽÏÎżÎœ áŒÎœ ÎŒáœł áż Îłáż, Îșα᜶ ᜞ áœÏÎż αáœÎżáżŠ ÏÎżÎ»áœ» ; 4, 17 Îș᜻ÏÎčáœč áŒÎčΜ ᜠáœÏÎčÎż áż ÎČαÎčλΔ᜷α Μ áŒÎœÎžÏ᜜ÏΜ, Îșα᜶ ៧ áŒáœ°Îœ ÎŽáœčΟáż, Ύ᜜ΔÎč αáœáœŽÎœ Îșα᜶ áŒÎŸÎżÏ ÎŽáœłÎœÎ·ÎŒÎ± áŒÎœÎžÏ᜜ÏΜ áŒÎœÎ±áœ”ΔÎč áŒÏ Ì Î±áœáœ”Μ. 134 Voir Pseudo-Maxime, Loci communes, ch. 9 et 34 ΠΔÏ᜶ áŒÏÏáż Îșα᜶ áŒÎŸÎżÏ ᜷α ; ch. 42 ΠΔÏ᜶ αÏΔÎčÎœÎżÏÏÎżáœ»ÎœÎ· ; Antoine Melissa, II, 1 ΠΔÏ᜶ ÎČαÎčÎ»áœł ÏÏηοῊ ; II, 2 ΠΔÏ᜶ ÎČαÎčÎ»áœł Όᜎ λ᜷αΜ ÎžÎ±Ï ÎŒÎ±Î¶ÎżÎŒáœłÎœÎżÏ ; II, 73 ΠΔÏ᜶ αÏΔÎčÎœÎżÏÏÎżÎœÎżáœ»ÎœÎœ Îșα᜶ ÏÏΜ Í ÏΜΔ᜻ΌαÎč ; II, 74 ΠΔÏ᜶ áœÏΔÏηÏᜱΜΜ Îșα᜶ ÎżÎČαÏΜ Îșα᜶ áŒÎ»Î±Î¶áœčΜΜ Îșα᜶ ÎșÎ”ÎœÎżÎŽáœčΟΜ ; II, 84 ΠΔÏ᜶ ÏÏÎ±áœ»Î·Îż Îșα᜶ ΔáœÎ»Î±ÎČΔ᜷α. 135 Dagron 1996, 70. 136 Voir Dulaey 1999. Lâ arrogance » ÎłÎ±Ï Ï᜷αΌα de Goliath est explicitement mentionnĂ©e dans Sir. 47, 4. 137 Augustin, Enarr. in Ps. 33, 1, 4 Dekkers & Fraipont 1956, 276 Humilitas occidit superbiam ». En Orient, on trouve le mĂȘme type dâinterprĂ©tation chez Didyme lâAveugle qui fut le maĂźtre de saint JĂ©rĂŽme voir notamment le commentaire in Ps. 32, 16, oĂč la dĂ©faite de Goliath, confiant en sa seule force, est imputĂ©e Ă son orgueil ጊΜ ÎŽáœČ Îșα᜶ áœÏΔÏ᜔ÏÎ±ÎœÎż Gronewald 1969, 180. 138 Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, CĂ©r. 1, 82 Vogt 1939, 167 course hippique des Lupercales. 139 Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, CĂ©r. 1, 78 Vogt 1939, 136. 140 Le titre du discours est, Ă soi seul, tout un programme De lâattaque insensĂ©e des Avares et des Perses athĂ©es contre cette ville, par Dieu protĂ©gĂ©e, et de leur retraite honteuse, que lâamour de Dieu pour les hommes suscita par lâintervention de la ThĂ©otokos » Makk 1975. 141 Anne ComnĂšne, Alexiade, 14, 2, 4 Leib 1946. La formule fardeau de la terre » áŒÏΞο áŒÏÎżáœ»Ïη est une citation dâIliade, 18, 104. 142 Anne ComnĂšne, Alexiade, 3, 5, 1 Leib 1937. Lâinvite au repentir sâimposait au basileus chaque fois quâil franchissait les portes de Sainte-Sophie, puisque la mosaĂŻque du narthex lui offrait lâimage dâun empereur en proskynĂšse devant le Christ, dans une attitude rappelant celle de David, en posture de pĂ©nitent, dans les Psautiers byzantins cf. Dagron 1996, 129. 143 Anne ComnĂšne, Alexiade, 14, 3, 6 Leib 1946. On notera comment la geste de MoĂŻse est prĂ©sentĂ©e en ce passage comme une prĂ©figuration de celle du Christ, conformĂ©ment aux usages de lâexĂ©gĂšse typologique. 144 Michel ChoniatĂšs, Or. 14 Lampros 1879, 246. 145 GrĂ©goire de Nazianze, Or. 4, 32 Bernardi 1983 cf. Prov. 16, 18 et 3, 34. Pour une Ă©tude plus dĂ©taillĂ©e du thĂšme de la dĂ©mesure dans les deux invectives Contre Julien, voir Attar 2006. 146 GrĂ©goire de Nazianze, Or. 5, 8 Bernardi 1983 Mais lui, excitĂ© et aiguillonnĂ© par ses folles passionsâŠ, entre en campagne contre les Perses, en sâappuyant plus sur une aveugle tĂ©mĂ©ritĂ© que sur la soliditĂ© de ses forces⊠Comme un nouveau SalmonĂ©e, il imitait le tonnerre avec une trompette ; il avait les yeux fixĂ©s sur ces Trajans et ces Hadriens dont on nâadmirait pas moins la prudence que le courage ». Peut-ĂȘtre cette rĂ©fĂ©rence de GrĂ©goire de Nazianze Ă SalmonĂ©e â explicitĂ©e dans le commentaire du Pseudo-Nonnos Or. 5, hist. 2 â contribue-t-elle Ă expliquer que le personnage en question soit si souvent invoquĂ© Ă titre dâantimodĂšle dans la littĂ©rature byzantine outre les passages, dĂ©jĂ Ă©voquĂ©s, de NicĂ©phore BlemmydĂšs, ThĂ©odore le Syncelle et Michel ChoniatĂšs, voir aussi Michel Italikos, Or. 43 Basilikos logos adressĂ© en 1138 Ă lâempereur Jean II ComnĂšne, sur ses combats en Syrie, Gautier 1972, 249 assimilation Ă SalmonĂ©e de lâArmĂ©nien Roupen, rebelle » et faux basileus » ; NicĂ©tas ChoniatĂšs, Or. 11 discours prononcĂ© en 1202, pour cĂ©lĂ©brer la victoire dâAlexis III Ange sur les rebelles KamitzĂšs, Chrysos Dobromir, Kalojean et SpiridonakĂšs, van Dieten 1972, 110 comparaison du tsar Kalojean avec SalmonĂ©e ÏÎ”Ï ÎŽÎżÎșÏÎżÎœáœ·ÎœÎ± en raison de son arrogance. 147 Adversus Constantinum Cabalinum, 23 PG, 95, col. 341 texte citĂ© par Dagron 1996, 195-196. 148 Cf. Attar 2006. 149 Sur cette affaire, Ă lâorigine de vives tensions entre pouvoir impĂ©rial et milieux ecclĂ©siastiques, voir Glavinas 1972 notamment p. 66 et 82 citations de la lettre adressĂ©e par LĂ©on Ă Alexis. Inquiet de lâĂ©motion que sa dĂ©cision avait suscitĂ©e, Alexis dĂ©cida de faire amende honorable, dans un chrysobulle datĂ© de 1082, oĂč il manifesta le regret de son geste et promit, sous serment, de ne plus recourir Ă ce genre de procĂ©dĂ© â ce qui ne lâempĂȘcha pas de rĂ©cidiver en 1087 ! 150 Anne ComnĂšne, Alexiade, 5, 2, 4 Leib 1943. 151 Barker 1957, 29. 152 Eschyle, Perses, 827-828. 153 Les byzantinistes français, qui travaillaient alors sans relĂąche, se firent, bon grĂ© mal grĂ©, les auxiliaires de la royautĂ© voir AuzĂ©py & GrĂ©lois 2001, 18. 154 Bossuet, PolitiqueâŠ, PrĂ©face », in Ćuvres complĂštes, IX, 700. 155 Bossuet, PolitiqueâŠ, livre V, Article IV, 1re prop., ibid., 830. 156 En lâabsence dâautre indication, les traductions proposĂ©es sont dues Ă lâauteur de lâ de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence papier Corinne Jouanno, RĂ©flexions sur pouvoir et dĂ©mesure Ă Byzance », Kentron, 23 2007, 127-165. RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Corinne Jouanno, RĂ©flexions sur pouvoir et dĂ©mesure Ă Byzance », Kentron [En ligne], 23 2007, mis en ligne le 16 mars 2018, consultĂ© le 21 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page
Georgessur le rooftop du centre pompidou En plein cĆur de Paris et au dernier Ă©tage du Centre Pompidou, le restaurant Georges dispose dâun rooftop idĂ©al avec une vue sur tout Paris. Que lâon soit en terrasse ou Ă lâintĂ©rieur, on profite Ă loisir du coucher du soleil et des lumiĂšres de Paris. AprĂšs une exposition au Centre
Voici 46 cas, autant de situations diffĂ©rentes et souvent dramatiques. Perdre la vie, perdre une bataille ou une place enviĂ©e, perdre un combat idĂ©ologique, perdre la confiance du peuple ou dâun partenaire essentiel, perdre la face et lâhonneur. Perdre parce quâon est faible ou quâon se croit trop fort, perdre par malchance, par injustice ou par la force des choses et du sens de lâHistoire Louis XVI sous la RĂ©volution. Perdre individuellement, mais aussi en groupe les femmes, les Templiers, les Girondins sous la RĂ©volution, les canuts de Lyon, la Commune de Paris. Certains cas semblent anecdotiques ou paradoxaux â nous assumons, avec des arguments. MalgrĂ© tout, ces perdantes et perdants sont honorĂ©s Ă des titres divers. Aux grands hommes, la patrie reconnaissante » le PanthĂ©on leur fait place. Ils se retrouvent ici et lĂ statufiĂ©s ou sâinscrivent dans la toponymie de nos rues, nos places, notre environnement quotidien. Ils figurent dans les livres dâhistoire et les dictionnaires, renaissent dans des Ćuvres de fiction littĂ©raire, théùtrale, lyrique. La sanctification honore volontiers les femmes, Blandine, GeneviĂšve, Jeanne dâArc. Parfois, les perdants font Ă©cole, crĂ©ant un courant dâidĂ©es, une thĂ©orie, voire une religion qui change le monde â JĂ©sus-Christ, lâexemple incroyable mais vrai ». Autant de qui perd gagne » permettant une revanche posthume. On peut en tirer une petite philosophie de lâHistoire et rĂ©flĂ©chir au travail de mĂ©moire dont on parle tant. Câest le but de nos Ă©ditos et la preuve que les citations bien choisies se rĂ©vĂšlent toujours utiles. Câest aussi lâoccasion de dĂ©mentir deux personnages exceptionnellement rĂ©unis Ă la fin, il nây a que la mort qui gagne. » 2980Charles de GAULLE 1890-1970, citant volontiers ce mot de STALINE dans ses MĂ©moires de guerre.Toutes les citations numĂ©rotĂ©es sont comme toujours tirĂ©es de notre Histoire en citations Honneur aux perdants, retrouvez nos quatre Ă©ditos De la Gaule aux guerres de Religion Du rĂšgne dâHenri IV Ă la RĂ©volution De lâEmpire Ă la DeuxiĂšme RĂ©publique De la TroisiĂšme RĂ©publique Ă nos jours IV. De la TroisiĂšme RĂ©publique Ă nos jours LOUISE MICHEL ET LA COMMUNE DE PARIS RĂ©volution manquĂ©e, incarnĂ©e par la Vierge rouge » et des socialistes plus ou moins utopistes et radicaux dont les idĂ©es vont nourrir nombre de rĂ©formes Ă venir. Suite Ă la tragique rĂ©pression, la mĂ©moire de la Semaine sanglante » marquera les gĂ©nĂ©rations de gauche. Faisons la rĂ©volution dâabord, on verra ensuite. »2330 Louise MICHEL 1830-1905. LâĂpopĂ©e de la rĂ©volte le roman vrai dâun siĂšcle dâanarchie 1963, Gilbert Guilleminault, AndrĂ© MahĂ© Câest lâhĂ©roĂŻne la plus populaire de cette page dâhistoire ex-institutrice, fĂ©ministe, militante rĂ©publicaine et anarchiste, surnommĂ©e la Vierge rouge », elle appelle Ă lâinsurrection les quartiers rouges » de la capitale, ceux qui font toujours peur aux bourgeois Montmartre, Belleville, ĂŽ lĂ©gions vaillantes, / Venez, câest lâheure dâen finir. / Debout ! La honte est lourde et pesantes les chaĂźnes, / Debout ! Il est beau de mourir. » On la voit sur les barricades dĂšs les premiers jours du soulĂšvement de Paris cause perdue dâavance, rĂ©volution sans espoir, utopie dâun Paris libre dans une France libre » ? En tout cas, rien de moins prĂ©mĂ©ditĂ© que ce mouvement qui Ă©chappe Ă ceux qui tentent de le diriger, au nom dâidĂ©aux dâailleurs contradictoires. Au nom du peuple, la Commune est proclamĂ©e ! »2363 Gabriel RANVIER 1828-1879, place de lâHĂŽtel-de-Ville, DĂ©claration du 28 mars 1871. Histoire socialiste, 1789-1900, volume XI, La Commune, Louis Dubreuilh, sous la direction de Jean JaurĂšs 1908 Ranvier est maire de Belleville, ouvrier peintre dĂ©corateur et disciple de Blanqui - lâĂ©ternel insurgĂ©. Les Ă©lections municipales du 26 mars nâont mobilisĂ© que la moitiĂ© des Parisiens 230 000 votants, trĂšs majoritairement de gauche, beaucoup de gens des beaux quartiers ayant fui la capitale 18 Ă©lus bourgeois » refuseront de siĂ©ger Ă cĂŽtĂ© des 72 rĂ©volutionnaires, jacobins, proudhoniens, blanquistes, socialistes, internationaux. Comment dĂ©finir cette Commune ? Un conseil municipal de gauche, un contre-gouvernement Ă©lu, provisoire et rival de celui de Versailles, un exemple devant servir de modĂšle Ă la France ? La Commune de Paris se veut tout Ă la fois, mais ne vivra pas deux mois. Paris ouvrait Ă une page blanche le livre de lâhistoire et y inscrivait son nom puissant ! »2364 ComitĂ© central de la garde nationale, Proclamation du 28 mars 1871. Histoire du socialisme 1879, BenoĂźt Malon En prĂ©sence de 200 000 Parisiens, le comitĂ© central de la garde nationale sâefface devant la Commune, le jour de sa proclamation officielle. Le lyrisme sâaffiche Aujourdâhui il nous a Ă©tĂ© donnĂ© dâassister au spectacle populaire le plus grandiose qui ait jamais frappĂ© nos yeux, qui ait jamais Ă©mu notre Ăąme. » Le mouvement sâĂ©tend Ă quelques villes Lyon, Marseille, Narbonne, Toulouse, Saint-Ătienne. La rĂ©volution sera la floraison de lâhumanitĂ© comme lâamour est la floraison du cĆur. »2365 Louise MICHEL 1830-1905, La Commune, Histoire et souvenirs 1898 Un quart de siĂšcle aprĂšs, elle fait revivre ces souvenirs vibrants et tragiques. Face aux Communards ou FĂ©dĂ©rĂ©s, les Versaillais se prĂ©parent, troupes commandĂ©es par les gĂ©nĂ©raux Mac-Mahon et Vinoy. En plus des 63 500 hommes dont lâĂtat dispose, il y a les 130 000 prisonniers libĂ©rĂ©s par Bismarck â hostile Ă tout mouvement populaire Ă tendance rĂ©volutionnaire. Le 30 mars, Paris est pour la seconde fois ville assiĂ©gĂ©e, bombardĂ©e, et Ă prĂ©sent par des Français. Premiers affrontements, le 2 avril bataille de Courbevoie. Les FĂ©dĂ©rĂ©s ou Communards tentent une sortie de Paris pour marcher sur Versailles oĂč lâAssemblĂ©e nationale sâest repliĂ©e, mais sont arrĂȘtĂ©s par le canon du Mont ValĂ©rien, fort stratĂ©gique investi par les Versaillais depuis le 21 mars les rĂȘveurs de la Commune qualifient les obus qui les Ă©crasent de choses printaniĂšres » ! 17 tuĂ©s dont les 5 premiers fusillĂ©s de la Commune et 25 prisonniers chez les FĂ©dĂ©rĂ©s. Dans lâarmĂ©e versaillaise, 5 morts et 21 blessĂ©s. Nous avons la mission dâaccomplir la rĂ©volution moderne la plus large et la plus fĂ©conde de toutes celles qui ont illuminĂ© lâhistoire. »2369 La Commune, DĂ©claration au peuple français, 19 avril 1871. EnquĂȘte parlementaire sur lâinsurrection du 18 mars 1872, Commission dâenquĂȘte sur lâinsurrection du 18 mars, comte NapolĂ©on Daru La Commune ne fait pas que se dĂ©fendre et attaquer. Elle gouverne Paris et prend des mesures importantes qui prĂ©figurent lâĆuvre de la TroisiĂšme RĂ©publique sĂ©paration des Ăglises et de lâĂtat, instruction laĂŻque, gratuite et obligatoire en projet. Elle est socialiste quand elle communalise » par dĂ©cret du 16 avril les ateliers abandonnĂ©s par les fabricants en fuite, pour en donner la gestion Ă des coopĂ©ratives formĂ©es par les Chambres syndicales ouvriĂšres. Ce qui fait Ă©crire Ă Karl Marx, lâannĂ©e mĂȘme CâĂ©tait la premiĂšre rĂ©volution dans laquelle la classe ouvriĂšre Ă©tait ouvertement reconnue comme la seule qui fĂ»t encore capable dâinitiatives sociales » La Guerre civile en France. Paris sera soumis Ă la puissance de lâĂtat comme un hameau de cent habitants. »2373 Adolphe THIERS 1797-1877, DĂ©claration du 15 mai 1871. La Commune 1904, Paul et Victor Margueritte Ces mots plusieurs fois rĂ©pĂ©tĂ©s annoncent la Semaine sanglante du 22 au 28 mai. Le chef du gouvernement amasse toujours plus de troupes aux portes de Paris, espĂ©rant sans trop y croire que ses menaces feront cĂ©der les Communards. Puisquâil semble que tout cĆur qui bat pour la libertĂ© nâait droit quâĂ un peu de plomb, jâen rĂ©clame ma part, moi ! Si vous nâĂȘtes pas des lĂąches, tuez-moi ! »2375 Louise MICHEL 1830-1905. Histoire de ma vie 2000, Louise Michel, XaviĂšre Gauthier La Vierge rouge se retrouve sur les barricades, fusil sur lâĂ©paule. Paris est reconquis, rue par rue, et incendiĂ©. La derniĂšre barricade des FĂ©dĂ©rĂ©s, rue Ramponeau, tombe le 28 mai 1871. Ă 15 heures, toute rĂ©sistance a cessĂ©. Le bon Dieu est trop Versaillais. »2378 Louise MICHEL 1830-1905, La Commune, Histoire et souvenirs 1898 Elle tĂ©moigne de lâinĂ©vitable victoire des Versaillais, vu lâinĂ©galitĂ© des forces et de lâorganisation. Bilan de la Semaine sanglante, du 22 au 28 mai 1871 au moins 20 000 morts chez les insurgĂ©s, 35 000 selon Rochefort. De son cĂŽtĂ©, lâarmĂ©e bien organisĂ©e des Versaillais a perdu moins de 900 hommes, depuis avril. Les journalistes, unanimes, condamnent la rĂ©pression. La Seine est devenue un fleuve de sang. Dans Le SiĂšcle, on Ă©crit Câest une folie furieuse. On ne distingue plus lâinnocent du coupable. » Et dans Paris-Journal du 9 juin Câest au bois de Boulogne que seront exĂ©cutĂ©s Ă lâavenir les gens condamnĂ©s par la cour martiale. Toutes les fois que le nombre des condamnĂ©s dĂ©passera dix hommes, on remplacera par une mitrailleuse le peloton dâexĂ©cution. » 3 500 insurgĂ©s sont fusillĂ©s sans jugement dans Paris, prĂšs de 2 000 dans la cour de prison de la Roquette, plusieurs centaines au cimetiĂšre du PĂšre-Lachaise câest le mur des FĂ©dĂ©rĂ©s », de sinistre mĂ©moire. Il y aura 400 000 dĂ©nonciations Ă©crites â sur 2 millions de Parisiens, ce fort pourcentage de dĂ©lateurs montre assez la haine accumulĂ©e. On ne peut pas tuer lâidĂ©e Ă coups de canon ni lui mettre les poucettes [menottes]. »2381 Louise MICHEL 1830-1905, La Commune, Histoire et souvenirs 1898 CondamnĂ©e, dĂ©portĂ©e en Nouvelle-CalĂ©donie, amnistiĂ©e en 1880, elle reviendra en France pour continuer le combat en militante. Le cadavre est Ă terre, mais lâidĂ©e est debout », dit Hugo Ă propos de la Commune. La force des idĂ©es est lâune des leçons de lâhistoire, la Commune en est lâillustration, malgrĂ© la confusion des courants qui lâanimĂšrent. Un chant y est nĂ©, porteur dâune idĂ©e qui fera le tour du monde et en changera le cours, câest LâInternationale Debout ! Les damnĂ©s de la terre ! / Debout ! Les forçats de la faim ! ⊠Câest la lutte finale ; / Groupons-nous et demain / LâInternationale / Sera le genre humain. » Paroles dâEugĂšne Pottier, mises en musique par Pierre Degeyter. [La Commune] fut dans son essence, elle fut dans son fond la premiĂšre grande bataille rangĂ©e du Travail contre le Capital. Et câest mĂȘme parce quâelle fut cela avant tout [âŠ] quâelle fut vaincue et que, vaincue, elle fut Ă©gorgĂ©e. »2384 Jean JAURĂS 1859-1914, Histoire socialiste, 1789-1900, volume XI, La Commune, Louis Dubreuilh 1908 JaurĂšs, qui dirige ce travail en 13 volumes juge Ă la fois en historien et en socialiste. Homme politique, il sera toujours du cĂŽtĂ© du Travail et des travailleurs. Nâexcluant pas le recours Ă la force insurrectionnelle malgrĂ© son pacifisme, il aurait sans doute Ă©tĂ© Communard. Le Paris ouvrier, avec sa Commune, sera cĂ©lĂ©brĂ© Ă jamais comme le glorieux fourrier dâune sociĂ©tĂ© nouvelle. Ses martyrs seront enclos dans le grand cĆur de la classe ouvriĂšre. »2385 Karl MARX 1818-1883, La Guerre civile en France 1871 Hommage du militant rĂ©volutionnaire, mĂȘme si le thĂ©oricien socialiste Ă©mit de nombreuses rĂ©serves ! Le mouvement ouvrier français restera marquĂ© par les consĂ©quences de la Commune vide dans le rang de ses militants, haine des victimes contre les bourreaux, force du mythe qui sâattache Ă jamais au nom de la Commune. ADOLPHE THIERS RĂ©publicain de la premiĂšre heure et longtemps condamnĂ© Ă lâopposition malgrĂ© son goĂ»t du pouvoir, il rate de peu la prĂ©sidence sous la TroisiĂšme RĂ©publique et reste impopulaire dans lâhistoire pour sa rĂ©pression de la Commune. Double injustice rĂ©parĂ©e par quelques historiens. Faisons donc la RĂ©publique, la RĂ©publique honnĂȘte, sage, conservatrice. »2060 Adolphe THIERS 1797-1877, Manifeste de M. Thiers. Portraits historiques 1883, H. Draussin Apparition dâun homme politique qui va faire carriĂšre jusque sous la TroisiĂšme RĂ©publique. Pour lâheure, Louis Adolphe Thiers est un jeune avocat qui a frĂ©quentĂ© les milieux libĂ©raux et collaborĂ© au Constitutionnel. En janvier 1830, il crĂ©e un autre journal dâopposition orlĂ©aniste, Le National. Il dĂ©fend une monarchie constitutionnelle de type anglais et sâoppose aux Doctrinaires, Guizot et Royer-Collard pour qui le trĂŽne nâest pas un fauteuil vide ». Ces dĂ©bats agitent lâopinion. La Charte revue et corrigĂ©e, approuvĂ©e le 7 aoĂ»t 1830 par une majoritĂ© de dĂ©putĂ©s 219 contre 33, mais plus de 200 absents, reconnaĂźt certes la libertĂ© de la presse, lâabolition de la censure, lâinitiative des lois Ă la Chambre, la suppression des justices dâexception, tandis que le catholicisme nâest plus religion dâĂtat. Mais lâon se retrouve quand mĂȘme en monarchie. Le 9 aoĂ»t, le duc dâOrlĂ©ans prĂȘte serment sur la Charte et devient Louis-Philippe Ier, roi des Français et non plus roi de France. Thiers va cautionner cette monarchie constitutionnelle, comme le trĂšs rĂ©publicain La Fayette qui sây est ralliĂ©. Ministre de Louis-Philippe Ă plusieurs reprises, Thiers tentera de sauver le rĂ©gime en 1848. La RĂ©publique est le gouvernement qui nous divise le moins. »2201 Adolphe THIERS 1797-1877, AssemblĂ©e lĂ©gislative, 13 fĂ©vrier 1850. LâEmpire libĂ©ral Louis-NapolĂ©on et le coup dâĂ©tat 1897, Ămile Ollivier Le parti de lâOrdre est au pouvoir et cette majoritĂ© satisfait ou rassure, sous cette DeuxiĂšme RĂ©publique. Mais Thiers se mĂ©fie bientĂŽt de Louis-NapolĂ©on devenu prĂ©sident de cette RĂ©publique, avant dâinstaurer le Second Empire suite Ă un coup dâĂtat. Thiers se retrouve dans lâopposition rĂ©publicaine et se fait remarquer pour sa dĂ©fense des libertĂ©s, puis son hostilitĂ© Ă la guerre franco-allemande. Pacifier, rĂ©organiser, relever le crĂ©dit, ranimer le travail, voilĂ la seule politique possible et mĂȘme concevable en ce moment. »2355 Adolphe THIERS 1797-1877, prĂ©sentant son ministĂšre et son programme Ă lâAssemblĂ©e, Bordeaux, 19 fĂ©vrier 1871. Questions ouvriĂšres et industrielles en France sous la TroisiĂšme RĂ©publique 1907, Pierre Ămile Levasseur 1871 annĂ©e de tous les pouvoirs et tous les dangers pour cet homme de 74 ans, Ă©lu dĂ©putĂ© par 26 dĂ©partements Ă la fois et devenu chef du pouvoir exĂ©cutif de la RĂ©publique », le 17 fĂ©vrier. Lourde tĂąche, dans une France vaincue et dĂ©chirĂ©e. En vieux routier de la politique, Thiers sâengage Ă respecter la trĂȘve des partis et Ă diffĂ©rer toute discussion sur la forme du rĂ©gime et la Constitution. Son programme prend le nom de Pacte de Bordeaux. Mais la guerre civile va de nouveau bouleverser le pays et dĂ©jouer tous les plans politiques. Il nây a quâune solution radicale qui puisse sauver le pays il faut Ă©vacuer Paris. Je nâabandonne pas la patrie, je la sauve ! »2361 Adolphe THIERS 1797-1877, aux ministres de son gouvernement, 18 mars 1871. Histoire de la France et des Français 1972, AndrĂ© Castelot, Alain Decaux Thiers a dĂ©cidĂ© dâen finir avec la Commune et la Terreur qui sâorganise dans Paris, affolant une France majoritairement monarchiste et fondamentalement bourgeoise. Ordre est donnĂ© de dĂ©sarmer les quelque 200 000 gardes nationaux organisĂ©s en FĂ©dĂ©ration et de rĂ©cupĂ©rer les 227 canons qui ont servi Ă la dĂ©fense de Paris contre les Prussiens, Ă prĂ©sent regroupĂ©s Ă Montmartre et Belleville, quartiers populaires. Les 4 000 soldats font leur devoir sans enthousiasme. La foule, les femmes surtout sâinterposent. Deux gĂ©nĂ©raux, lâun chargĂ© de lâopĂ©ration, lâautre Ă la retraite, mais reconnu, sont arrĂȘtĂ©s, traĂźnĂ©s au ChĂąteau rouge ancien bal de la rue Clignancourt, devenu quartier gĂ©nĂ©ral des FĂ©dĂ©rĂ©s, blessĂ©s, puis fusillĂ©s Lecomte et Thomas. Clemenceau, maire du XVIIIe arrondissement et tĂ©moin, est atterrĂ©. On ne connaĂźtra jamais les responsables de cette exĂ©cution sommaire leur nom est la foule » Georges Duby. Câest lâĂ©tincelle qui met le feu Ă Paris, insurgĂ© en quelques heures. Thiers renonce Ă rĂ©primer lâĂ©meute â il dispose de 30 000 soldats face aux 150 000 hommes de la garde nationale et il nâest mĂȘme pas sĂ»r de leur fidĂ©litĂ©. Il abandonne Paris au pouvoir de la rue et regagne Versailles, ordonnant Ă lâarmĂ©e et aux corps constituĂ©s dâĂ©vacuer la place. Câest la premiĂšre journĂ©e de la Commune au sens dâinsurrection la tragĂ©die va durer 72 jours. Elle se termine par la Semaine sanglante du 22 au 28 mai. La presse dĂ©nonce la sauvagerie de la rĂ©pression, mais Thiers gagne en popularitĂ© auprĂšs des Français pour ce rĂ©tablissement de lâordre devenu indispensable. Lâheure de gloire semble enfin arrivĂ©e pour le vieux RĂ©publicain. Chef, câest un qualificatif de cuisinier ! »2418 Adolphe THIERS 1797-1877. Histoire de la France et des Français 1972, AndrĂ© Castelot, Alain Decaux Le petit homme, surnommĂ© Foutriquet pour sa houppe de cheveux et son mĂštre cinquante-cinq, troque son titre de chef du pouvoir exĂ©cutif pour celui, plus prestigieux, de prĂ©sident de la RĂ©publique autoproclamĂ©, le 31 aoĂ»t 1871, tandis que lâAssemblĂ©e se proclame Constituante câest la loi Rivet dĂ©putĂ© de centre gauche, ami de Thiers. Rappelons que la tĂąche institutionnelle avait sagement Ă©tĂ© remise Ă plus tard, en fĂ©vrier 1871. Profitant de son prestige, le libĂ©rateur du territoire » sâimpose, aussi conservateur que rĂ©publicain, soutenu par Gambetta lui-mĂȘme, rĂ©publicain dâextrĂȘme gauche Ă la tĂȘte de lâUnion rĂ©publicaine. La RĂ©publique existe, elle est le gouvernement lĂ©gal du pays, vouloir autre chose serait une nouvelle rĂ©volution et la plus redoutable de toutes. »2422 Adolphe THIERS 1797-1877, Discours de rentrĂ©e parlementaire, 13 novembre 1872. Discours parlementaires de M. Thiers 1872-1877 posthume, 1883 Il veut dĂ©fendre sa » RĂ©publique qui nâest toujours quâun rĂ©gime provisoire. Il rappelle que câest le rĂ©gime qui nous divise le moins » autre idĂ©e opportuniste » et met en garde les monarchistes, majoritaires de lâAssemblĂ©e. La RĂ©publique sera conservatrice ou elle ne sera pas. » Il prĂȘche toujours pour sa paroisse, en lâoccurrence sa personne. Et dâinsister Tout gouvernement doit ĂȘtre conservateur et nulle sociĂ©tĂ© ne pourrait vivre sans un gouvernement qui ne le serait point. » Il vise alors les rĂ©publicains avancĂ©s de lâAssemblĂ©e. Câest la tactique classique du un coup Ă droite, un coup Ă gauche ». Fort de son autoritĂ©, Thiers veut rassurer le pays et pour faire la RĂ©publique, jouer lâalliance des rĂ©publicains modĂ©rĂ©s et des orlĂ©anistes, contre les extrĂȘmes lĂ©gitimistes ultras inconditionnels du drapeau blanc et nostalgiques de la Commune rĂ©volutionnaire. Le conflit va Ă©clater quelques mois plus tard. Il faut tout prendre au sĂ©rieux, mais rien au tragique. »2427 Adolphe THIERS 1797-1877, Discours Ă la Chambre des dĂ©putĂ©s, 24 mai 1873. Annales de lâAssemblĂ©e nationale, volume XVIII 1873, AssemblĂ©e nationale ContestĂ© pour son parti pris rĂ©publicain par les monarchistes majoritaires, Thiers a perdu son droit de parole Ă lâAssemblĂ©e prĂ©sident de la RĂ©publique, il ne peut plus sâexprimer que par un message lu, ne donnant lieu Ă aucune discussion loi de Broglie, du 13 mars. Il se conforme Ă ce cĂ©rĂ©monial chinois ». La veille, de Broglie lâa interpellĂ© sur la nĂ©cessitĂ© de dĂ©fendre lâ ordre moral », des dĂ©putĂ©s royalistes lui demandant de faire prĂ©valoir une politique rĂ©solument conservatrice ». Le 24 mai au matin, avant la sĂ©ance Ă la Chambre, il rĂ©affirme sa position rĂ©publicaine La monarchie est impossible il nây a quâun trĂŽne, et on ne peut lâoccuper Ă trois ! » Outre le comte de Paris et le comte de Chambord, il y a encore le prince impĂ©rial, fils de NapolĂ©on III. LâaprĂšs-midi, en son absence, par 360 voix contre 334, lâAssemblĂ©e vote un blĂąme contre Thiers. Il offre sa dĂ©mission. Il nây est pas obligĂ©, mais il est sĂ»r quâon le rappellera et sa position en sera renforcĂ©e. Le soir, sa lettre est lue Ă lâAssemblĂ©e qui procĂšde aussitĂŽt Ă lâĂ©lection du nouveau prĂ©sident. La gauche sâabstient⊠et le marĂ©chal Mac-Mahon, candidat des royalistes, est Ă©lu. Thiers a jouĂ©, et perdu. Saluons son humour devenu proverbe Il faut tout prendre au sĂ©rieux, mais rien au tragique. » La RĂ©publique, câest la nĂ©cessitĂ©. »2455 Adolphe THIERS 1797-1877. Discours parlementaires de M. Thiers 1872-1877 posthume, 1883 Dernier message du vieux rĂ©publicain. Il meurt le 3 septembre 1877. Sa famille refuse les obsĂšques officielles. Mais 384 villes sont reprĂ©sentĂ©es et une foule estimĂ©e Ă un million assiste Ă ses funĂ©railles parisiennes. LâĂ©motion nationale atteste Ă la fois lâimmense prestige du petit homme et son incontestable rĂ©ussite son ralliement Ă la RĂ©publique a su rallier le pays Ă ce rĂ©gime et rĂ©concilier les Français avec les rĂ©publicains. Le presse tĂ©moigne de sa popularitĂ©. Ce vieillard, dont lâhistoire Ă©tait celle du pays depuis prĂšs de soixante ans, apparaissait dĂ©jĂ comme un personnage lĂ©gendaire et, cependant, avec le passĂ©, il reprĂ©sentait pour nous, pour la France rĂ©publicaine et libĂ©rale, un avenir long et utile⊠Il avait encore des services Ă rendre, des conseils Ă donner, des hommes Ă Ă©clairer ; sa grande expĂ©rience, sa clairvoyance inaltĂ©rable, sa passion du bien public donnaient Ă ses avis une autoritĂ© tout Ă fait unique ». Journal Le Temps, 5 septembre 1877, rĂ©sumant la carriĂšre de Thiers LâimpopularitĂ© viendra plus tard, par ignorance de lâhistoire certes complexe qui a prĂ©cĂ©dĂ© lâavĂšnement de la TroisiĂšme RĂ©publique et par le culte de la Commune qui ne va cesser de grandir. En 1990, lâhistorien François Roth rĂ©sume bien Il faut dĂ©barrasser la mĂ©moire de Thiers des lĂ©gendes qui lâobscurcissent. La plupart de ses contemporains lâont portĂ© aux nues et nâont pas tari dâĂ©loges sur lâillustre nĂ©gociateur », sur lâĂ©minente sagesse de lâillustre homme dâĂtat ». Les historiens du dĂ©but du [XXe] siĂšcle ont baissĂ© un peu le ton tout en lâapprouvant. Puis un courant dâopinion amorcĂ© par les ouvrages dâHenri Guillemin lâa rejetĂ©. Pour les insurgĂ©s de 1968 et les cĂ©lĂ©brants intellectuels du centenaire de la Commune, le cas de Thiers nâest mĂȘme plus plaidable [âŠ] Il faut toujours revenir au contexte de fĂ©vrier 1871. Avec ce qui restait dâarmĂ©e, la reprise de la guerre Ă©tait une totale illusion. [âŠ] Thiers a Ă©tĂ© suivi, la mort dans lâĂąme, par lâimmense majoritĂ© de ses compatriotes. » La Guerre de 70, Fayard, 1990. Je nâaimais pas ce roi des prudâhommes. Nâimporte ! comparĂ© aux autres, câest un gĂ©ant. »2456 Gustave FLAUBERT 1821-1880, Ă la mort de Thiers, Correspondance 1893 ⊠et puis il avait une vertu rare le patriotisme. Personne nâa rĂ©sumĂ© comme lui la France, de lĂ lâimmense effet de sa mort. » Flaubert, un an plus tĂŽt, sâexclamait pourtant Rugissons contre M. Thiers ! Peut-on voir un plus triomphant imbĂ©cile, un croĂ»tard plus abject, un plus Ă©troniforme bourgeois ! Non, rien ne peut donner lâidĂ©e du vomissement que mâinspire ce vieux melon diplomatique, arrondissant sa bĂȘtise sur le fumier de la bourgeoisie ! Il me semble Ă©ternel comme la mĂ©diocritĂ© ! » Cet hommage posthume et du bout de la plume prendra encore plus de valeur par la suite le personnel politique de la TroisiĂšme RĂ©publique fut â sauf exceptions â dâune grande mĂ©diocritĂ©. CLEMENT ADER Inventeur tout terrain, la TroisiĂšme RĂ©publique ne lâa pas soutenu au mĂȘme titre que dâautres noms. Il reste quand mĂȘme dans la mĂ©moire collective comme le premier aviateur de lâhistoire. Ils mâont Ă©tranglĂ© avec la cravate. »2537 ClĂ©ment ADER 1841-1925. Lettre ouverte Ă mon grand-pĂšre qui avait le tort dâavoir raison 1995, Marcel Jullian Câest le pionnier de lâaviation avec le premier vol au monde dâun mĂštre de haut et cinquante de long sur Ăole I, petit monomoteur, en octobre 1890. Une nouvelle dĂ©monstration au camp de Satory en 1897 Ă©choue en raison dâun vent violent et le ministre de la Guerre ne donne pas suite Ă sa commande. LâingĂ©nieur et inventeur par ailleurs touche-Ă -tout renonce en 1903, dĂ©couragĂ© par lâincomprĂ©hension des politiques. Il a ce mot bien plus tard, quand on veut le consoler avec la cravate » en le nommant commandeur de la LĂ©gion dâhonneur. Louis BlĂ©riot vengera Ader en traversant la Manche en avion juillet 1909 et Roland Garros, la MĂ©diterranĂ©e septembre 1913. Le vol des oiseaux et des insectes mâa toujours prĂ©occupé⊠Jâavais essayĂ© tous les genres dâailes dâoiseaux, de chauve-souris et dâinsectes, disposĂ©es en ailes battantes, ou ailes fixes avec hĂ©lice⊠je dĂ©couvris lâimportante courbe universelle du vol ou de sustentation. » ClĂ©ment ADER 1841-1925, LâAĂ©roplane Ăole, 1893 Il consacra une partie de sa vie Ă la rĂ©alisation dâun rĂȘve dâenfant faire voler un plus lourd que lâair autopropulsĂ© ». Ses travaux et recherches pour y parvenir coĂ»taient cher. Il trouva dâabord un parrain Ă la fois gĂ©nĂ©reux et avisĂ©, lâhomme dâaffaires Isaac Pereire, crĂ©ateur de la banque moderne avec son frĂšre Isaac-Jacob sous le Second Empire. Pendant la guerre de 1870, employĂ© comme scientifique, ClĂ©ment Ader tente sans succĂšs de rĂ©aliser un cerf-volant capable dâemporter un homme. En 1874, il construit un planeur de neuf mĂštres dâenvergure, pesant 24 kg et capable de recevoir un moteur. Certaines photographies de son ami Nadar en tĂ©moignent. Des Ă©tudes menĂ©es au MusĂ©e de lâair et de lâespace du Bourget tendraient Ă montrer que cette machine Ă©tait capable de sâĂ©lever dans les airs. Par la suite, ayant convaincu le ministre de la Guerre de financer ses travaux, Ader aidĂ© de Ferdinand Morel, ingĂ©nieur qui dessina les plans de lâavion Chauve-souris mit au point des prototypes aux voilures inspirĂ©es dâobservations naturalistes, imitant lâaile de la chauve-souris. Ader pensait quâune fois le vol maĂźtrisĂ©, une aile rigide comme celle des oiseaux serait plus efficace et plus solide. Mais il ne fallait pas tenter de reproduire le battement des ailes dâoiseau, le concept de voilure fixe Ă©tant plus appropriĂ©. Entre 1890 et 1897, il rĂ©alisa trois appareils lâĂole, financĂ© par lui-mĂȘme, le ZĂ©phyr Ader Avion II et lâAquilon Ader Avion III subventionnĂ©s par lâĂtat. GĂNĂRAL BOULANGER Le Bravâ gĂ©nĂ©ral jouit dâune incroyable popularitĂ© qui met en danger la RĂ©publique, avant de sombrer dans le ridicule â aidĂ© par Clemenceau. Il laisse quand mĂȘme son nom au boulangisme », prĂ©curseur du populisme de plus en plus rĂ©pandu. La popularitĂ© du gĂ©nĂ©ral Boulanger est venue trop tĂŽt Ă quelquâun qui aimait trop le bruit. »2481 Georges CLEMENCEAU 1841-1929. Le Boulangisme 1946, Adrien Dansette Boulanger est imposĂ© au gouvernement le 7 janvier 1886 par les radicaux, Clemenceau en tĂȘte, avec qui les rĂ©publicains opportunistes doivent compter. Le nouveau ministre de la Guerre devient vite le bravâgĂ©nĂ©ral Boulanger » pour lâarmĂ©e, sachant se rendre populaire par diverses rĂ©formes qui amĂ©liorent lâordinaire du conscrit. Sa popularitĂ© va gagner les rangs des innombrables mĂ©contents du rĂ©gime. Le 14 juillet 1886 sera la premiĂšre apothĂ©ose de sa fulgurante ascension. Il reviendra quand le tambour battra,Quand lâĂ©tranger mânaçâra notre frontiĂšreIl reviendra et chacun le suivraPour cortĂšge il aura la France entiĂšre. »2485 Refrain populaire en lâhonneur du gĂ©nĂ©ral Revanche 1887, chanson. Le GĂ©nĂ©ral Boulanger jugĂ© par ses partisans et ses adversaires 1888, Georges Grison Le 8 juillet 1887, la foule se masse Ă la gare de Lyon pour empĂȘcher le dĂ©part de son idole. La popularitĂ© de Boulanger devenait gĂȘnante pour les rĂ©publicains opportunistes qui ont par ailleurs jaugĂ© le personnage, irresponsable et bien lĂ©ger. En mai, il a perdu son portefeuille sous le nouveau ministĂšre Rouvier. Le voilĂ expĂ©diĂ© Ă Clermont-Ferrand pour commander le 13e corps dâarmĂ©e. Mais le voilĂ aussi Ă©ligible. Dissolution, RĂ©vision, Constituante. »2492 GĂ©nĂ©ral BOULANGER 1837-1891, Mot dâordre de sa campagne Ă©lectorale, printemps 1888. Histoire politique de lâEurope contemporaine 1897, Charles Seignobos Le scandale des dĂ©corations Ă lâĂlysĂ©e a transformĂ© la vague de sentimentalitĂ© populaire en mouvement politique le boulangisme, devenu syndicat des mĂ©contents », hostile aux rĂ©publicains opportunistes au pouvoir, menace le rĂ©gime parlementaire. Il rassemble des radicaux qui veulent depuis toujours la rĂ©vision de la Constitution Rochefort, Naquet, des patriotes de droite qui ne rĂȘvent que revanche DĂ©roulĂšde, mais aussi des royalistes et des bonapartistes. Boulanger se pose en champion dâune RĂ©publique nouvelle et crĂ©e son Parti rĂ©publicain national. Clemenceau se mĂ©fie, voyant poindre un nouveau Bonaparte, et Charles Floquet, prĂ©sident du Conseil, dans son discours Ă la Chambre du 19 avril 1888, qualifie le gĂ©nĂ©ral Boulanger de manteau trouĂ© de la dictature », avant de le blesser dans un duel Ă lâĂ©pĂ©e, le 13 juillet. Pourquoi voulez-vous que jâaille conquĂ©rir illĂ©galement le pouvoir quand je suis sĂ»r dây ĂȘtre portĂ© dans six mois par lâunanimitĂ© de la France ? »2496 GĂ©nĂ©ral BOULANGER 1837-1891, rĂ©ponse aux manifestants, 27 janvier 1889. Histoire de la TroisiĂšme RĂ©publique, volume II 1963, Jacques Chastenet RĂ©ponse aux manifestants qui lui crient Ă lâĂlysĂ©e ! » et marchent vers le palais oĂč le prĂ©sident Carnot fait dĂ©jĂ ses malles ! Boulanger choisit la lĂ©galitĂ© ce 27 janvier 1889, il choisit aussi dâĂ©couter les conseils de sa maĂźtresse passionnĂ©ment aimĂ©e, Marguerite de Bonnemainsâ il ignore quâelle travaille pour la police. Cela laisse le temps au gouvernement de rĂ©agir le ministre de lâIntĂ©rieur, Ernest Constans, accuse Boulanger de complot contre lâĂtat. Craignant dâĂȘtre arrĂȘtĂ©, il fuit en Belgique. Son prestige sâeffondre. Il est mort comme il a vĂ©cu en sous-lieutenant. »2499 Georges CLEMENCEAU 1841-1929, apprenant le suicide du gĂ©nĂ©ral Boulanger sur la tombe de sa maĂźtresse Ă Ixelles Belgique, le 30 septembre 1891. Histoire de la France 1947, AndrĂ© Maurois LâĂ©pitaphe est cinglante, mais la fin du Brave GĂ©nĂ©ral » qui fit trembler la RĂ©publique est un fait divers pitoyable. Le 14 aoĂ»t, le SĂ©nat, rĂ©uni en Haute Cour de justice, lâa condamnĂ© par contumace Ă la dĂ©portation. Sa maĂźtresse, Mme de Bonnemains, meurt du mal du siĂšcle la phtisie, le 16 juillet 1891. Sur sa tombe, toujours fou dâamour, Boulanger fait graver ces mots Marguerite⊠à bientĂŽt ». Le 30 septembre, il revient se tirer une balle dans la tĂȘte, pour ĂȘtre enterrĂ© dans la mĂȘme tombe oĂč lâon gravera Ai-je bien pu vivre deux mois et demi sans toi ? » Parlez-nous de lui, grand-mĂšre,Grand-mĂšre, parlez-nous de lui ! »2500 MAC-NAB 1856-1889, Les Souvenirs du populo, chanson. Chansons du chat noir 1890, Camille Baron, Maurice Mac-Nab Parodie de la cĂ©lĂšbre chanson de BĂ©ranger, comme si Bonaparte et Boulanger Ă©taient Ă©galement sensibles au cĆur du peuple Devant la photographie / Dâun militaire Ă cheval / En habit de gĂ©nĂ©ral / Songeait une femme attendrie. / Ses quatre petits-enfants / Disaient Quel est donc cet homme ? » / Mes fils, ce fut dans le temps / Un brave gĂ©nĂ©ral comme / On nâen voit plus aujourdâhui / Son image mâest bien chĂšre ! » » Le phĂ©nomĂšne Boulanger aura durĂ© trois ans. Mais le nationalisme revanchard va lui survivre dans les milieux de droite. Il porte un nom le boulangisme. Il a surtout un hĂ©ritier, le populisme. En France, nous aurons Pierre Poujade et le poujadisme sous la QuatriĂšme RĂ©publique, Le Pen et le Front national trĂšs prĂ©sent sous la CinquiĂšme. Citons aussi Silvio Berlusconi et Matteo Salvini Italie, Donald Trump Ătats-Unis et Jair Bolsonaro BrĂ©sil. Le populisme est toujours le signe dâune dĂ©mocratie malade oĂč les hommes politiques sâadressent directement aux classes populaires, sans jouer le jeu des institutions rĂ©publicaines. Certains historiens sâintĂ©ressant Ă ce phĂ©nomĂšne ont trouvĂ© un prĂ©cĂ©dent en la personne de Louis-NapolĂ©on Bonaparte. Mais lâon doit pouvoir remonter plus avant, aussi vrai que lâHistoire se rĂ©pĂšte fatalement, pour le pire et le meilleur. CHARLES PĂGUY ChrĂ©tien mystique, politicien atypique, poĂšte Ă©corchĂ© vif, penseur engagĂ©, volontaire pour la Grande Guerre, il meurt aux premiers jours. Son nom reste, littĂ©ralement inclassable Ă lâimage de lâhomme. Lâordre, et lâordre seul, fait en dĂ©finitive la libertĂ©. Le dĂ©sordre fait la servitude. »2540 Charles PĂGUY 1873-1914, Cahiers de la Quinzaine, 5 novembre 1905 RejetĂ© de tous les groupes constituĂ©s, parce que patriote et dreyfusard, socialiste et chrĂ©tien, suspect Ă lâĂglise comme au parti socialiste, isolĂ© par son intransigeance et ignorĂ© jusquâĂ sa mort du grand public, câest lâun des rares intellectuels de lâĂ©poque Ă©chappant aux Ă©tiquettes. Voyant dâabord pour seul remĂšde au mal universel lâĂ©tablissement de la RĂ©publique socialiste universelle », il crĂ©e ses Cahiers de la Quinzaine pour y traiter tous les problĂšmes du temps, y publier ses Ćuvres et celles dâamis Romain Rolland, Julien Benda, AndrĂ© SuarĂšs. La mystique rĂ©publicaine, câest quand on mourait pour la RĂ©publique, la politique rĂ©publicaine, câest Ă prĂ©sent quâon en vit. »2556 Charles PĂGUY 1873-1914, Notre jeunesse 1910 Et lâessentiel est que [âŠ] la mystique ne soit point dĂ©vorĂ©e par la politique Ă laquelle elle a donnĂ© naissance ». Câest dire si PĂ©guy, lâhumaniste qui se voudra toujours engagĂ© jusquâĂ sa mort aux premiers jours de la prochaine guerre, doit souffrir de la politique politicienne nĂ©e sous la TroisiĂšme RĂ©publique. De plus en plus isolĂ©, il tĂ©moigne Ă la fois contre le matĂ©rialisme du monde moderne, la tyrannie des intellectuels de tout parti, les manĆuvres des politiques, la morale figĂ©e des bien-pensants. Heureux ceux qui sont morts dans une juste guerre !Heureux les Ă©pis mĂ»rs et les blĂ©s moissonnĂ©s ! »2588 Charles PĂGUY 1873-1914, Ăve 1914 Deux derniers alexandrins dâun poĂšme qui en compte quelque 8 000. Le poĂšte appelle de tous ses vĆux et de tous ses vers la gĂ©nĂ©ration de la revanche ». Lieutenant, il tombe Ă la tĂȘte dâune compagnie dâinfanterie, frappĂ© dâune balle au front, Ă Villeroy, le 5 septembre, veille de la bataille de la Marne. Un site lui est dĂ©diĂ©, pour faire vivre sa mĂ©moire. En exergue, une citation qui le dĂ©finit bien Il y a quelque chose de pire quâune mauvaise pensĂ©e. Câest dâavoir une pensĂ©e toute faire. » Ă mĂ©diter. JEAN MOULIN Chef de la RĂ©sistance ralliĂ© Ă de Gaulle, volontaire pour les missions difficiles, martyre panthĂ©onisĂ© avec tous les honneurs dus Ă sa mĂ©moire, câest un Nom qui symbolise lâhĂ©roĂŻsme sous la Seconde guerre. Je ne savais pas que câĂ©tait si simple de faire son devoir quand on est en danger. »2748 Jean MOULIN 1899-1943, Lettre Ă sa mĂšre et Ă sa sĆur, 15 juin 1940. Vies et morts de Jean Moulin 1998, Pierre PĂ©an Sous-prĂ©fet Ă 27 ans, chargĂ© en 1936 dâacheminer vers lâEspagne rĂ©publicaine le matĂ©riel de guerre soviĂ©tique, il est prĂ©fet dâEure-et-Loir et refusera, le 17 juin, de signer une dĂ©claration accusant de crimes de guerre les troupes coloniales engagĂ©es dans le secteur de Chartres. RĂ©voquĂ© comme franc-maçon par le gouvernement de Vichy en juillet, il rejoindra de Gaulle Ă Londres en automne. La mort ? DĂšs le dĂ©but de la guerre, comme des milliers de Français, je lâai acceptĂ©e. Depuis, je lâai vue de prĂšs bien des fois, elle ne me fait pas peur. »2785 Jean MOULIN 1899-1943. Vies et morts de Jean Moulin 1998, Pierre PĂ©an PrĂ©fet ayant refusĂ© la politique de Vichy, il rejoint Londres Ă lâautomne 1940. ParachutĂ© en France dans les Alpilles le 1er janvier 1942 comme reprĂ©sentant du gĂ©nĂ©ral de Gaulle », il a pour mission dâunifier les trois grands rĂ©seaux de rĂ©sistants de la zone sud Combat, LibĂ©ration, Franc-Tireur. RĂŽle difficile, vue lâextrĂȘme diversitĂ© des sensibilitĂ©s, tendances et courants ; action Ă haut risque quâil paiera bientĂŽt de sa vie. Pierre Brossolette qui agit dans la zone nord, lui aussi arrĂȘtĂ©, se suicidera pour ne pas livrer de secrets sous la torture. BafouĂ©, sauvagement frappĂ©, la tĂȘte en sang, les organes Ă©clatĂ©s, il atteint les limites de la souffrance humaine, sans jamais trahir un seul secret, lui qui les savait tous. »2796 Laure MOULIN 1892-1974, sĆur et collaboratrice de Jean Moulin, tĂ©moignage. AntimĂ©moires Le Miroir des limbes, volume I 1976, AndrĂ© Malraux ChargĂ© dâunifier les rĂ©seaux de la zone sud, Jean Moulin a obtenu le ralliement des communistes, particuliĂšrement prĂ©cieux par leur discipline et leur expĂ©rience de la clandestinitĂ©. Le 27 mai 1943, il crĂ©e Ă Paris le Conseil national de la RĂ©sistance CNR, mais il est livrĂ© aux Allemands le 21 juin Ă Caluire RhĂŽne, emprisonnĂ© au fort de Montluc Ă Lyon. Il meurt des suites de tortures, dans le train qui lâemmĂšne en Allemagne. Battus, brĂ»lĂ©s, aveuglĂ©s, rompus, la plupart des rĂ©sistants nâont pas parlĂ© ; ils ont brisĂ© le cercle du Mal et rĂ©affirmĂ© lâhumain, pour eux, pour nous, pour leurs tortionnaires mĂȘmes. »2718 Jean-Paul SARTRE 1905-1980, Situations II 1948 Prisonnier, libĂ©rĂ© grĂące Ă un subterfuge, Sartre lâĂ©ternel engagĂ© participe Ă la constitution dâun rĂ©seau de rĂ©sistance. ActivitĂ© clandestine Ă haut risque en France, 30 000 rĂ©sistants fusillĂ©s, plus de 110 000 dĂ©portĂ©s, dont la plupart morts dans les camps, ou Ă leur retour. Jean Moulin en fut Ă la fois le chef prĂ©sident du Conseil national de la RĂ©sistance, le hĂ©ros, le martyr et le symbole. Pauvre roi suppliciĂ© des ombres, regarde ton peuple dâombres se lever dans la nuit de juin constellĂ©e de tortures. »2797 AndrĂ© MALRAUX 1901-1976, Discours au PanthĂ©on, lors du transfert des cendres de Jean Moulin, 19 dĂ©cembre 1964. AndrĂ© Malraux et la politique LâĂȘtre et lâHistoire 1996, Dominique Villemot Le corps fut renvoyĂ© Ă Paris en juillet 1943, incinĂ©rĂ© au PĂšre-Lachaise. Ses cendres supposĂ©es telles ont Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©es au PanthĂ©on. Cette panthĂ©onisation », reconnaissance suprĂȘme de la patrie Ă ses hĂ©ros, est lâacte final des cĂ©lĂ©brations du 20e anniversaire de la LibĂ©ration. ROBERT BRASILLACH Câest vĂ©ritablement un cas ». Peut-on lui rendre honneur ? Oui, au titre de son indiscutable talent, reconnu par ses pairs et mĂȘme par de Gaulle ! Mais le gĂ©nĂ©ral refuse sa grĂące au collaborateur et au dĂ©lateur responsable de nombreux morts durant la guerre. En finira-t-on avec les relents de pourriture parfumĂ©e quâexhale encore la vieille putain agonisante, la garce vĂ©rolĂ©e, fleurant le patchouli et la perte blanche, la RĂ©publique toujours debout sur son trottoir. Elle est toujours lĂ , la mal blanchie, elle est toujours lĂ , la craquelĂ©e, la lĂ©zardĂ©e, sur le pas de sa porte, entourĂ©e de ses michĂ©s et de ses petits jeunots, aussi acharnĂ©s que les vieux. Elle les a tant servis, elle leur a tant rapportĂ© de billets dans ses jarretelles ; comment auraient-ils le cĆur de lâabandonner, malgrĂ© les blennorragies et les chancres ? Ils en sont pourris jusquâĂ lâos. »2781 Robert BRASILLACH 1909-1945, Je suis partout, 7 fĂ©vrier 1942 Ăcrivain de talent et dâautant plus responsable, il sâest engagĂ© politiquement dans lâentre-deux-guerres avec lâAction française le mouvement et le journal, mais câest comme rĂ©dacteur en chef de Je suis partout quâil va se faire remarquer. Il prĂŽne un fascisme Ă la française ». Sa haine du Front populaire et de la RĂ©publique va de pair avec celle des juifs, notamment ceux au pouvoir, comme LĂ©on Blum et Georges Mandel nĂ© Rothschild, ex ministre et dĂ©putĂ©, dont il demande rĂ©guliĂšrement la mise Ă mort et qui sera assassinĂ© par la Milice française, en juillet 1944. Il est un autre droit que nous revendiquons, câest dâindiquer ceux qui trahissent. »2794 Robert BRASILLACH 1909-1945. La Force de lâĂąge 1960, Simone de Beauvoir La dĂ©lation est la forme la plus infĂąme, parce que la plus lĂąche de la collaboration. Ă cĂŽtĂ© des trafiquants trop contents de faire des affaires sur le marchĂ© noir, dâautres ont des raisons politiques. Faiblesse devant le vainqueur admirĂ©, calcul pour ĂȘtre du bon » cĂŽtĂ© au jour de la victoire escomptĂ©e, mais aussi et plus rarement, conviction idĂ©ologique mĂȘlant souvent anticommunisme, antisĂ©mitisme, anglophobie. Brasillach est de ce camp. PassĂ© de LâAction française Ă Je suis partout, il participe Ă la chasse aux rĂ©sistants, de plus en plus nombreux et organisĂ©s, qui se radicalise en janvier 1943 avec la Milice, police supplĂ©tive de volontaires chargĂ©s de les traquer. Le Service du travail obligatoire STO instituĂ© en fĂ©vrier va augmenter considĂ©rablement le nombre de ceux qui trahissent » pour ne pas aller travailler en Allemagne. DĂ©noncĂ©s frĂ©nĂ©tiquement par Brasillach et ses amis, la rĂ©sistance devient une activitĂ© clandestine Ă haut risque. Dans les lettres, comme en tout, le talent est un titre de responsabilitĂ©. »2821 Charles de GAULLE 1890-1970, refusant la grĂące de Robert Brasillach. MĂ©moires de Guerre, tome III, Le Salut, 1944-1946 1959, Charles de Gaulle Sur 2 071 recours prĂ©sentĂ©s, de Gaulle en acceptera 1 303. CondamnĂ© Ă mort pour intelligence avec les Allemands, Brasillach est fusillĂ© le 6 fĂ©vrier 1945. Ses convictions hitlĂ©riennes ne font aucun doute et son journal Je suis partout en tĂ©moigne abondamment. Le procĂšs est bĂąclĂ©, de nombreux confrĂšres tentent de le sauver. Mais le PC voulait la tĂȘte de lâhomme responsable de la mort de nombreux camarades et de Gaulle ne lui pardonnait pas celle de Georges Mandel, rĂ©sistant exĂ©cutĂ© par la Milice aprĂšs les appels au meurtre signĂ©s, entre autres, par Brasillach. Et ceux que lâon mĂšne au poteauDans le petit matin glacĂ©,Au front la pĂąleur des cachots,Au cĆur le dernier chant dâOrphĂ©e,Tu leur tends la main sans un mot,O mon frĂšre au col dĂ©grafĂ©. »2822 Robert BRASILLACH 1909-1945, PoĂšmes de Fresnes, Chant pour AndrĂ© ChĂ©nier RĂ©fĂ©rence Ă ChĂ©nier, poĂšte exĂ©cutĂ© sous la RĂ©volution Ă la fin de la Terreur, presque au mĂȘme Ăąge. Jean Luchaire journaliste, directeur des Nouveaux Temps et Jean HĂ©rold-Paquis de Radio-Paris subiront le mĂȘme sort, parmi quelque 3 000 condamnĂ©s. Lâhistoire est Ă©crite par les vainqueurs. »2826 Robert BRASILLACH 1909-1945, Les FrĂšres ennemis dialogue Ă©crit Ă Fresnes fin 1944, posthume ⊠Ăcrite par les vivants plus que par les vainqueurs et Brasillach ne sera pas fusillĂ© pour cause de dĂ©faite, mais de trahison. Lâhistoire de la Seconde Guerre mondiale, cette page dâhistoire de France encore si sensible et mĂȘme brĂ»lante, fut dâailleurs réécrite tant de fois que les vaincus ont eu, lĂ©gitimement, le droit de tĂ©moigner aux cĂŽtĂ©s des vainqueurs. PIERRE MENDĂS FRANCE Premier ministre sous la QuatriĂšme RĂ©publique, personnalitĂ© atypique du monde politique, il ne rĂ©siste Ă lâopposition que 7 mois et 7 jours, mais reste une rĂ©fĂ©rence indiscutable pour les socialistes français en mal de repĂšres. Gouverner, câest choisir. »2885 Pierre MENDĂS FRANCE 1907-1982, Discours Ă lâAssemble nationale, 3 juin 1953. Gouverner, câest choisir 1958, Pierre MendĂšs France La cause fondamentale des maux qui accablent le pays, câest la multiplicitĂ© et le poids des tĂąches quâil entend assumer Ă la fois reconstruction, modernisation et Ă©quipement, dĂ©veloppement des pays dâoutre-mer, amĂ©lioration du niveau de vie et rĂ©formes sociales, exportations, guerre en Indochine, grande et puissante armĂ©e en Europe, etc. Or, lâĂ©vĂ©nement a confirmĂ© ce que la rĂ©flexion permettait de prĂ©voir on ne peut pas tout faire Ă la fois. Gouverner, câest choisir, si difficiles que soient les choix. » Cette formule empruntĂ©e involontairement ? au duc Gaston de LĂ©vis Maximes politiques, 1808 accompagne dĂ©sormais lâhomme politique bientĂŽt au pouvoir. Quelques jours avant, dans le premier numĂ©ro de LâExpress 16 mai 1953, MendĂšs France Ă©crit Ă prĂ©tendre tout faire, nous nâavons rĂ©ussi quâĂ dĂ©tĂ©riorer notre monnaie, sans satisfaire aucun de nos objectifs [âŠ] Ce nâest pas sur des confĂ©rences diplomatiques, mais sur la vigueur Ă©conomique que lâon fait une grande nation. » Quelques mois plus tard, devant la dĂ©route française dans la guerre dâIndochine, il ajoutera Nous sommes en 1788 », cependant que Paul Reynaud voit en la France lâhomme malade de lâEurope ». La dĂ©mocratie, câest dâabord un Ă©tat dâesprit. »2890 Pierre MENDĂS FRANCE 1907-1982, La RĂ©publique moderne 1962 Le gouvernement Laniel est renversĂ© sur la question de lâIndochine. MendĂšs France le remplace, annonçant quâil obtiendra un cessez-le-feu avant le 20 juillet. Sa dĂ©claration dâinvestiture Ă lâAssemblĂ©e nationale 17 juin 1954 est plutĂŽt musclĂ©e Je ferai appel [âŠ] Ă des hommes capables de servir, Ă des hommes de caractĂšre, de volontĂ© et de foi. Je le ferai sans aucune prĂ©occupation de dosage [âŠ] Il nây aura pas de ces nĂ©gociations interminables que nous avons connues ; je nâadmettrai ni exigence ni vetos. Le choix des ministres, en vertu de la Constitution, appartient au prĂ©sident du Conseil investi, et Ă lui seul. Je ne suis pas disposĂ© Ă transiger sur les droits que vous mâauriez donnĂ©s par votre investiture. » Bref, MendĂšs France refuse dâemblĂ©e de devenir un homme du systĂšme. Dans son cabinet, il prend des gaullistes le gĂ©nĂ©ral Koenig Ă la DĂ©fense, des radicaux François Mitterrand Ă lâIntĂ©rieur. Edgar Faure reste aux Finances et MendĂšs prend le portefeuille des Affaires Ă©trangĂšres. En ce jour anniversaire qui est aussi celui oĂč jâassume de si lourdes responsabilitĂ©s, je revis les hautes leçons de patriotisme et de dĂ©vouement au bien public que votre confiance mâa permis de recevoir de vous. »2891 Pierre MENDĂS FRANCE 1907-1982, TĂ©lĂ©gramme au gĂ©nĂ©ral de Gaulle, 18 juin 1954. MendĂšs France au pouvoir 1965, Pierre Rouanet Son premier jour au pouvoir coĂŻncide avec celui de lâAppel, il y a quatorze. MendĂšs France avoue alors avoir trois grands hommes comme modĂšle PoincarĂ©, Blum et de Gaulle. Le troisiĂšme homme est sceptique sur les chances du nouveau chef du gouvernement Vous verrez, ils ne vous laisseront pas aller jusquâau bout », lui dira-t-il le 13 octobre. Sept mois et dix-sept jours le titre donnĂ© par MendĂšs France au recueil de ses discours dit trĂšs exactement la durĂ©e de son ministĂšre, renversĂ© le 5 fĂ©vrier 1955. Il cherche plutĂŽt Ă trancher quâĂ sâaccommoder, ce qui lui vaut, surtout auprĂšs des jeunes, un prestige certain. Quand on lâaura vu Ă lâĆuvre, on sâapercevra quâil est dans sa maniĂšre de prendre les problĂšmes lâun aprĂšs lâautre, en quelque sorte Ă la gorge, sans sây attarder. Son attitude est celle dâun liquidateur. »2892 AndrĂ© SIEGFRIED 1875-1959, PrĂ©face Ă lâAnnĂ©e politique 1954 MendĂšs France prend lâaffaire indochinoise Ă bras-le-corps il sâengage Ă en finir avant le 20 juillet, sinon il dĂ©missionnera. Les accords de GenĂšve sont signĂ©s dans la nuit du 20 au 21 juillet 1954. Le Vietnam est partagĂ© en deux zones, le Nord Ă©tant abandonnĂ© au communisme et Ă lâinfluence chinoise et bientĂŽt soviĂ©tique, lâinfluence occidentale et bientĂŽt amĂ©ricaine prĂ©valant dans le Sud. Six ans et demi de guerre, 3 000 milliards de francs, 92 000 morts et 114 000 blessĂ©s », tel est le bilan de cette guerre, dressĂ© par Jacques Fauvet La QuatriĂšme RĂ©publique. Le Figaro parle dâun deuil » pour la France, mais lâopinion soulagĂ©e sait dâabord grĂ© Ă MendĂšs dâavoir sorti le pays de ce guĂȘpier oĂč les USA vont sâenliser. Plus tard, il sera pourtant traitĂ© de bradeur ». Les hommes passent, les nĂ©cessitĂ©s nationales demeurent. »2896 Pierre MENDĂS FRANCE 1907-1982, AssemblĂ©e Nationale, nuit du 4 au 5 fĂ©vrier 1955. Pierre MendĂšs France 1981, Jean Lacouture LâAssemblĂ©e vient de lui refuser la confiance 319 voix contre 273 par peur dâune politique dâ aventure » en Afrique du Nord. On lâaccuse, dans son discours de Carthage, dâavoir encouragĂ© la rĂ©bellion des Tunisiens et des fellagas dâAlgĂ©rie, alors quâil est partisan dĂ©clarĂ© de lâAlgĂ©rie française dont il a renforcĂ© la dĂ©fense. Contrairement aux usages et sous les protestations, il remonte Ă la tribune pour justifier son action. MendĂšs France est restĂ© populaire dans le pays, mais de nombreux parlementaires dĂ©plorent ses positions cassantes, aux antipodes des compromis et compromissions de la QuatriĂšme. Le syndicat » des anciens prĂ©sidents du Conseil et anciens ministres lui reproche de ne pas jouer le jeu politicien et de semer le trouble dans lâhĂ©micycle et ses coulisses. De Gaulle lâavait prĂ©dit Ils ne vous laisseront pas faire ! » MendĂšs France, pour la derniĂšre fois Ă la tribune, dĂ©fie les dĂ©putĂ©s Ce qui a Ă©tĂ© fait pendant ces sept ou huit mois, ce qui a Ă©tĂ© mis en marche dans ce pays ne sâarrĂȘtera pas⊠» Il faudrait ĂȘtre bien inattentif pour croire que lâaction de Pierre MendĂšs France fut limitĂ©e aux quelque sept mois et dix-sept jours passĂ©s de juin 1954 Ă fĂ©vrier 1955 Ă la tĂȘte du gouvernement de la RĂ©publique. Un Ă©tĂ©, un automne, quelques jours. LâHistoire ne fait pas ces comptes-lĂ . LĂ©on Blum pour un an, Gambetta et JaurĂšs, pour si peu, pour jamais, pour toujours. »2897 François MITTERRAND 1916-1996, Cour dâhonneur de lâAssemblĂ©e nationale, Discours du 27 octobre 1982. Le Pouvoir et la rigueur Pierre MendĂšs France, François Mitterrand 1994, Raymond Krakovitch Tel sera lâhommage solennel de Mitterrand, devenu prĂ©sident de la RĂ©publique, Ă la mort de Pierre MendĂšs France. JACQUES CHABAN-DELMAS Brillant Premier ministre qui lance lâidĂ©e dâune nouvelle sociĂ©tĂ© », il Ă©choue Ă faire vraiment couple avec Pompidou, prĂ©sident plus pragmatique que social. Sportif aguerri, il se prĂ©cipite trop vite dans la course Ă sa succession. Il se rattrapera un peu comme maire de Bordeaux pendant 48 ans avec cumul des mandats. Dans ce rĂ©gime, tout ce qui est rĂ©ussi lâest grĂące au prĂ©sident de la RĂ©publique. Tout ce qui ne va pas est imputĂ© au Premier ministre⊠mais je ne lâai compris quâau bout dâun certain temps. »2937 Jacques CHABAN-DELMAS 1915-2000. Vie politique sous la CinquiĂšme RĂ©publique 1981, Jacques Chapsal Câest une loi qui se dĂ©gage Ă mesure que passent les gouvernements les fusibles » sont faits pour sauter. Chaban-Delmas lâa Ă©prouvĂ© en Ă©tant le second » de Pompidou â prĂ©sident de la RĂ©publique aprĂšs de Gaulle â sortant vaincu de ce duo qui tourna au duel et injustement Ă son dĂ©savantage. Pourtant, la cote de popularitĂ© dâun prĂ©sident peut chuter au-dessous de celle de son Premier ministre durablement, dans le cas de Sarkozy et au terme dâun rĂ©fĂ©rendum manquĂ© de Gaulle ou dâune Ă©lection perdue Giscard dâEstaing, il lui arrive de cĂ©der sa place Ă la tĂȘte de lâĂtat. Nous ne parvenons pas Ă accomplir des rĂ©formes autrement quâen faisant semblant de faire des rĂ©volutions. »2953 Jacques CHABAN-DELMAS 1915-2000, AssemblĂ©e nationale, 16 septembre 1969. MĂ©moires pour demain 1997, Jacques Chaban-Delmas Le Premier ministre songe naturellement aux Ă©vĂ©nements de Mai 68, constatant de façon plus gĂ©nĂ©rale que la sociĂ©tĂ© française nâest pas encore parvenue Ă Ă©voluer autrement que par crises majeures ». Câest un mal français, maintes fois diagnostiquĂ©. Contre les conservatismes » et les blocages », il propose sa nouvelle sociĂ©tĂ© ». La guerre des RĂ©publiques est terminĂ©e. »3113 Jacques CHABAN-DELMAS 1915-2000, prĂ©sentant son gouvernement le 23 juin 1969. La Guerre de succession 1969, Roger-GĂ©rard Schwartzenberg LâUDR soutient ce baron » du gaullisme, rĂ©sistant pendant la guerre et en mĂȘme temps un des piliers de la QuatriĂšme RĂ©publique. On lui passe mĂȘme quelques gestes dâouverture en direction dâanciens adversaires du GĂ©nĂ©ral. Mais la guerre nâest pas finie entre les partis ! Et les tentatives de sĂ©duction du trĂšs sĂ©duisant Premier ministre vont Ă©chouer. Les centristes dâopposition continueront de dĂ©noncer la dictature de lâ Ătat UDR », tandis que la gauche socialiste et communiste fourbit les armes de lâunion qui fera un jour sa force. Il y a peu de moments dans lâexistence dâun peuple oĂč il puisse autrement quâen rĂȘve se dire Quelle est la sociĂ©tĂ© dans laquelle je veux vivre ? Jâai le sentiment que nous abordons un de ces moments. Nous pouvons donc entreprendre de construire une nouvelle sociĂ©tĂ©. »3116 Jacques CHABAN-DELMAS 1915-2000, Discours Ă lâAssemblĂ©e nationale, 16 septembre 1969 Aucun discours parlementaire de Premier ministre nâeut plus de retentissement, sous la CinquiĂšme RĂ©publique. La dĂ©nonciation du conservatisme » et des blocages » de la sociĂ©tĂ© française annonce un programme ambitieux de rĂ©formes â maĂźtre mot des quatre prochains prĂ©sidents, mais malheureusement pas de Pompidou, aux prioritĂ©s plus concrĂštes que sociĂ©tales ! Chaban-Delmas, dans LâArdeur 1975, donne de sa nouvelle sociĂ©tĂ© » deux dĂ©finitions Lâune politique, câest une sociĂ©tĂ© qui tend vers plus de justice et de libertĂ© [âŠ] Lâautre sociologique, câest une sociĂ©tĂ© oĂč chacun considĂšre chacun comme un partenaire ». Comment ne pas souscrire Ă un tel projet ? Tandis que vous parliez, je vous regardais et je ne doutais pas de votre sincĂ©ritĂ©. Et puis, je regardais votre majoritĂ© et je doutais de votre rĂ©ussite. »3117 François MITTERRAND 1916-1996, AssemblĂ©e nationale, 16 septembre 1969. La PrĂ©sidence de Georges Pompidou essai sur le rĂ©gime prĂ©sidentialiste français 1979, Françoise Decaumont Lâopposition ne fait pas mauvais accueil au programme du Premier ministre, sur le principe, mais elle doute de sa rĂ©alisation On ne bĂątit pas une nouvelle sociĂ©tĂ© sur des vĆux pieux. » Les difficultĂ©s viendront surtout du scepticisme du prĂ©sident de la RĂ©publique, aux convictions Ă©conomiques plus que sociologiques. On ne tire pas sur une ambulance. »3149 Françoise GIROUD 1916-2003, LâExpress, 24 avril 1974 Le trait dâune charitĂ© sans pitiĂ© vise Chaban-Delmas dont la cote ne cesse de baisser dans les sondages, dĂ©but mai 1974. Jeudi 4 avril, avant mĂȘme la fin du discours dâhommage dâEdgar Faure, prĂ©sident de lâAssemblĂ©e nationale, au prĂ©sident dĂ©funt, Chaban-Delmas avait annoncĂ© par un communiquĂ© Ayant Ă©tĂ© trois ans Premier ministre sous la haute autoritĂ© de Georges Pompidou et dans la ligne tracĂ©e par le gĂ©nĂ©ral de Gaulle, jâai dĂ©cidĂ© dâĂȘtre candidat Ă la prĂ©sidence de la RĂ©publique. Je compte sur lâappui des formations politiques de la majoritĂ© prĂ©sidentielle. » Candidature lancĂ©e trop tĂŽt ? Pas assez solide face Ă Mitterrand Ă gauche ? ConcurrencĂ©e par dâautres candidats Ă droite ? Et Françoise Giroud de commenter Alors que MM. Giscard dâEstaing et Mitterrand provoquent des mouvements intenses dâadmiration ou dâhostilitĂ©, parfois dâadmiration et dâhostilitĂ© mĂȘlĂ©es, on a envie de demander, sans acrimonie, Ă M. Chaban-Delmas Et vous, quâest-ce que vous faites au juste dans cette affaire ? » Il encombre. Comment le battant a-t-il virĂ© Ă lâancien combattant ? » Il redevient dĂ©putĂ©, prĂ©sident de lâAssemblĂ©e nationale, toujours sportif et hyperactif, et il retrouve sa mairie de Bordeaux â surnommĂ©e la belle endormie ». ĂgĂ© de 80 ans et presque toujours aussi jeune dâallure, il soutient la candidature dâAlain JuppĂ© et se retire de la vie politique quâil aura tant aimĂ©e, avec ce constant dĂ©sir de plaire qui irrita Pompidou. ALAIN JUPPĂ Premier ministre de Chirac qui le dĂ©signe comme le meilleur dâentre nous », homme de droite toujours droit dans ses bottes, il paie pour ceux de son camp en assumant diverses malversations. AprĂšs une carriĂšre politique presque aussi longue que Chaban, il lui succĂšde Ă la mairie de Bordeaux pour dix ans et un marathon des travaux qui rĂ©veille la belle endormie ». Je suis droit dans mes bottes et je crois en la France. »3336 Alain JUPPĂ nĂ© en 1945, Premier ministre, TF1, 6 juillet 1995 Un mois aprĂšs son entrĂ©e en fonction, le plus fidĂšle ami de Chirac doit rĂ©pondre sur le loyer de son appartement parisien, trop bas pour ĂȘtre honnĂȘte, et la baisse de loyer demandĂ©e pour lâappartement de son fils Laurent. Affaire dĂ©risoire, mais symbolique. JuppĂ© devient vite impopulaire sa cote dâavenir » passe de 63 % en juin Ă 37 % en novembre baromĂštre TNS Sofres pour Le Figaro Magazine. Sa dĂ©fense paraĂźt rigide, illustrĂ©e par lâexpression qui le poursuivra empruntĂ©e Ă la cavalerie militaire Je suis droit dans mes bottes. » Autrement dit, je ne plie pas, jâai ma conscience pour moi. En dĂ©saccord avec son ministre de lâĂconomie et des Finances, Alain Madelin, il doit faire face Ă sa dĂ©mission, le 26 aoĂ»t 1995, et le remplace par Jean Arthuis. Mais il reste Premier ministre, droit dans ses bottes. En 1996, AndrĂ© Santini, dĂ©putĂ© de droite et grand faiseur de petites phrases, reçoit le prix dâexcellence dĂ©cernĂ© par le trĂšs sĂ©rieux Club de lâhumour politique, pour avoir dĂ©clarĂ© Alain JuppĂ© voulait un gouvernement ramassĂ©, il nâest pas loin de lâavoir. » Un Premier ministre, on le lĂšche, on le lĂąche, on le lynche ! »3383 Alain JUPPĂ nĂ© en 1945. La MalĂ©diction Matignon 2006, Bruno Dive, Françoise Fressoz Il a vĂ©cu un court Ă©tat de grĂące, Premier ministre 1995-1997 et maire de Bordeaux. Reconnu plusieurs fois par Chirac comme le meilleur dâentre les hommes de droite », il se rend vite impopulaire par le projet de rĂ©forme des retraites, le gel des salaires des fonctionnaires, la dĂ©route des Juppettes huit femmes dĂ©barquĂ©es du gouvernement aprĂšs quelques mois dâexercice et cette raideur de lâhomme qui se dit lui-mĂȘme droit dans ses bottes. » Mais le pire est Ă venir. En 1998, il est mis en examen pour abus de confiance, recel dâabus de biens sociaux et prise illĂ©gale dâintĂ©rĂȘt » â pour des faits commis en tant que secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du RPR et maire adjoint de Paris aux finances, de 1983 Ă 1995. Le 30 janvier 2004, le tribunal correctionnel de Nanterre le condamne lourdement dix-huit mois de prison avec sursis dans lâaffaire des emplois fictifs de la mairie de Paris et dix ans dâinĂ©ligibilitĂ©. Lâappel interjetĂ© suspend lâapplication de la peine, jusquâĂ lâarrĂȘt de la cour dâappel. Le 1er dĂ©cembre 2004, condamnation rĂ©duite Ă quatorze mois de prison avec sursis et un an dâinĂ©ligibilitĂ©. JuppĂ© vit une traversĂ©e du dĂ©sert qui passe par le Canada⊠Nombre de commentateurs bien informĂ©s estiment quâil paie pour Chirac, reconnu comme responsable moralement. Il finira en beautĂ©, maire de Bordeaux, succĂ©dant Ă Chaban et lui rendant Ă©lĂ©gamment hommage en baptisant lâun des grands travaux que lui doit la ville le fameux pont Jacques Chaban-Delmas qui relie les deux rives de la Garonne. LIONEL JOSPIN Premier ministre socialiste de cohabitation avec Chirac prĂ©sident de droite, il se rĂ©vĂšle beau joueur dans lâĂ©chec majeur de la gauche aux prĂ©sidentielles de 2002. Son retrait dĂ©finitif de la vie politique devient paradoxalement son premier titre de gloire. La nation est non seulement la rĂ©alitĂ© vivante Ă laquelle nous sommes tous attachĂ©s, mais surtout le lieu oĂč bat le cĆur de la dĂ©mocratie, lâensemble oĂč se nouent les solidaritĂ©s les plus profondes. La France, ce nâest pas seulement le bonheur des paysages, une langue enrichie des Ćuvres de lâesprit ; câest dâabord une histoire. »3343 Lionel JOSPIN nĂ© en 1937, Premier ministre, DĂ©claration de politique gĂ©nĂ©rale, 19 juin 1997 La cohabitation va durer cinq ans â un record sous la CinquiĂšme RĂ©publique. Le pouvoir du chef de lâĂtat sâen trouve limitĂ©, mais sur la scĂšne internationale, avec les deux tĂȘtes de lâexĂ©cutif prĂ©sentes aux grands rendez-vous, la France parle dâune seule voix, la sienne. Pour commencer Ă Ă©crire la suite de lâhistoire de la France, Jospin forme un gouvernement dâunion, centrĂ© sur quelques proches Martine Aubry, Claude AllĂšgre, Dominique Strauss-Kahn. Principale promesse de campagne les 35 heures payĂ©es 39 pour favoriser le partage du travail. Câest la mesure la plus populaire, la plus contestĂ©e aussi. Martine Aubry, ministre de lâEmploi et de la SolidaritĂ©, reste Ă jamais la Dame des 35 heures », mĂȘme si Strauss-Kahn fut le premier Ă prĂ©coniser la rĂ©duction du temps de travail RTT. Ancien professeur, Jospin affirme que lâĂ©cole est le berceau de la RĂ©publique » et son ami AllĂšgre sâattelle Ă la rĂ©forme, souhaitant dĂ©graisser le mammouth ». Mot maladroit qui entraĂźnera sa dĂ©mission. Pas de parcours politique sans Ă©chec. Celui de Jospin aux prochaines prĂ©sidentielles sera particuliĂšrement cruel â et sans doute injuste. Jâassume pleinement la responsabilitĂ© de cet Ă©chec et jâen tire les conclusions, en me retirant de la vie politique. »3373 Lionel JOSPIN nĂ© en 1937, DĂ©claration du 21 avril 2002, au soir du premier tour des prĂ©sidentielles La gauche est hors-jeu et littĂ©ralement KO, la prĂ©sidentielle va se jouer Ă droite toute. Lionel Jospin se prĂ©sente Ă la tĂ©lĂ©vision et devant ses troupes, visage dĂ©fait, voix blanche Le rĂ©sultat du premier tour de lâĂ©lection prĂ©sidentielle vient de tomber comme un coup de tonnerre. Voir lâextrĂȘme droite reprĂ©senter 20 % des voix dans notre pays et son principal candidat affronter celui de la droite au second tour est un signe trĂšs inquiĂ©tant pour la France et pour notre dĂ©mocratie. Ce rĂ©sultat, aprĂšs cinq annĂ©es de travail gouvernemental entiĂšrement vouĂ© au service de notre pays, est profondĂ©ment dĂ©cevant pour moi et ceux qui mâont accompagnĂ© dans cette action. Je reste fier du travail accompli. Au-delĂ de la dĂ©magogie de la droite et de la dispersion de la gauche qui ont rendu possible cette situation, jâassume pleinement la responsabilitĂ© de cet Ă©chec et jâen tire les consĂ©quences en me retirant de la vie politique aprĂšs la fin de lâĂ©lection prĂ©sidentielle. » Ce 21 avril est lâune des dates chocs des annĂ©es 1990-2020 - avec les attentats du 11 septembre 2001 aux Ătats-Unis, le Non au rĂ©fĂ©rendum sur lâEurope 29 mai 2005, lâattentat hyper-mĂ©diatique contre Charlie Hebdo 7 janvier 2015. Ma mission Ă moi Ă©tait de conduire la gauche Ă la victoire prĂ©sidentielle. Et lĂ , on pourrait dire que lâĂ©quipage de la gauche a abandonnĂ© son capitaine. »3375 Lionel JOSPIN nĂ© en 1937, Ă propos du 21 avril 2002. Lionel raconte Jospin 2010, Lionel Jospin Le bilan du parti socialiste Ă©tait honorable, mais son programme dĂ©sespĂ©rĂ©ment vide aucune proposition propre Ă faire rĂȘver les classes populaires dĂ©boussolĂ©es ou les jeunes avides dâidĂ©al. La campagne, mal conduite, devint une foire dâempoigne entre les 16 candidats, huit Ă gauche, huit Ă droite, chacun sâefforçant dâengranger un maximum de voix en prĂ©vision des Ă©lections lĂ©gislatives de juin. Le 21 avril fut parfois analysĂ© comme une nouvelle poussĂ©e dâextrĂȘme-droite, surtout ressenti comme tel par la jeunesse qui manifestait en masse, vent debout. Câest davantage une dĂ©mobilisation de la droite traditionnelle et plus encore de la gauche socialiste. Le PS va proïŹter de ce choc citoyen, des remords du corps Ă©lectoral et dâun rĂ©ïŹexe de vote utile pour sâafïŹrmer comme la seule force autour de laquelle la gauche peut sâorganiser. En attendant, Chirac est réélu avec lâalliance de toute la classe politique hormis les extrĂȘmes droite et gauche et un score sans prĂ©cĂ©dent 82,21 % des voix.
oKl3.